Durant les sessions de « Oh my pitch » au sein du Premier Canneseries InDevelopment qui se tenait en parallèle du MIPTV les 10 et 11 avril dernier à Cannes, j’ai assisté à la présentation de projets de séries internationales en recherche de financement. Durant des sessions de 45 minutes, trois projets de séries longues ou six de séries courtes étaient présentés : Violator, Strange fishing sundays, Selfies, The sources of evil, Big G, Dead line, DXYZ, The GOAT, Made with love,…
Mais ô surprise, alors que je m’attendais à des numéros rodés de la part de professionnels aguerris de la profession, j’ai constaté au contraire que la plupart des participants, en dehors même de la qualité intrinsèque des séries qu’ils présentaient, n’étaient pas suffisamment préparés. Or, quand vous faites partie des 12 projets sélectionnés parmi 350 reçus d’une quarantaine de pays, vous n’avez pas le droit à l’erreur, vous êtes là pour vendre et hameçonner des coproducteurs internationaux. Voici donc quelques conseils pour bien aborder cette étape fatidique. Dans l’ordre, je vous suggère de :
- sélectionner les éléments indispensables de votre pitch : cette étape est primordiale car souvent les pitch décrivaient l’arène et/ou la thématique sans aborder l’histoire réelle du personnage principal. Mais quand on pitch, on doit raconter une histoire avant tout. Certains avaient tout simplement omis l’incident déclencheur (ce que nous appelons chez High Concept le « 1 » du 1-2-3), or comment rentrer dans une histoire s’il nous manque son point de départ ? Très souvent aussi, la tâche (le « 2 » ou licence pour les séries) était soit inexistante, soit noyée dans une succession d’actions qui ne permettaient pas de prendre du recul.
Pour tout savoir sur la structure fondamentale en 1-2-3, n’hésitez pas à vous reporter à notre formation socle en 10 masterclass à consommer sans modération.Ces erreurs se répercutaient alors inévitablement dans les questions des jurés, qui essayaient de comprendre l’originalité du projet.
Je vous encourage à relire ces deux articles fort intéressants de ma collègue Julie Salmon : « Savoir pitcher : quand les scénaristes doivent être aussi bons à l’oral qu’à l’écrit » et « Dix règles pour savoir pitcher à Hollywood ».Astuce : n’oubliez pas que chez High concept, nous formons les auteurs et les producteurs à présenter leur série, c’est-à-dire à savoir ce qu’ils doivent raconter de leur histoire pour qu’elle soit la plus compréhensible et pertinente possible. Comment mettre en valeur l’originalité de son propos ? Comment commencer à pitcher ? Pour vous entraîner, suivez l’exemple de Cédric, le fondateur de notre méthode, qui pitche ici deux projets originaux : « Babel » et « 221 B Baker street. »
- maîtriser la langue de Shakespeare : pour réussir un pitch oral en anglais, il faut avoir plus que de simples bases, car non seulement il faut raconter une histoire, mais ensuite il faut être capable de répondre aux questions des jurés. Questions qui peuvent être difficiles à comprendre car les jurés aussi ne sont pas tous anglophones !
Astuce : au besoin, n’hésitez pas à déléguer cet exercice à quelqu’un de votre équipe (producteur, scénariste, réalisateur, etc.) s’il maîtrise mieux la langue que vous. Le but étant d’être le plus efficace possible, donc d’être le plus préparé. Vous devez mettre toutes les chances de votre côté !
- soigner votre look : avant même de prendre la parole, vous devez réussir votre première impression. Ayez donc une apparence décontractée mais sûre de vous. Vous devez vous sentir à l’aise dans vos vêtements. De même, avant de commencer, prenez une bonne inspiration, ce temps vous permet de regarder les spectateurs, de leur sourire.
Astuce : visualisez autour de vous une cloche invisible qui vous protège. Puis présentez-vous comme si vous étiez avec des gens de confiance.
- choisir une stratégie de pitch : n’oubliez pas de prendre en compte l’effet trac ; effet dont on ne mesure jamais assez l’impact. J’ai vu un producteur qui a perdu le fil de son histoire en plein milieu de sa présentation, il s’est mis à chercher dans ses notes, l’effet ressenti était pire que tout. Je me demande s’il n’aurait pas mieux valu qu’il lise dès le début son mémo pour être moins stressé ; ce qu’a d’ailleurs fait un autre producteur plus tard. Certes, il lisait, mais il était détendu et son discours, bien que monotone, passait facilement.
Astuce : apprenez par cœur votre pitch en anglais, justement pour contrer l’effet trac. Pensez-y : tous les comédiens apprennent leur texte avant de monter sur scène, ce n’est pas pour rien ! Ca paraît évident mais ça n’a pas toujours été le cas, malheureusement. Les improvisations sont bien entendu possibles, mais pour les réussir, il faut être très entraînés (seul un ou deux participants avaient le niveau pour le faire).
- repérer les moments clés de votre pitch : appuyez-les du regard, en prenant à témoin les jurés et l’assemblée. Les moments forts de votre série (l’incident déclencheur, par exemple) méritent de s’y attarder en prenant son temps : n’oubliez pas que le public est là pour vous écouter ! Les participants étant de nationalités différentes, on vous pardonnera aisément votre accent pourvu que vos phrases soient bien construites et courtes.
Astuce : répétez devant votre miroir et filmez vous en train de pitcher. Cet exercice est imparable pour éliminer les scories, les tics de langage, les postures bizarres, etc. Comme dans un numéro de « stand up », votre pitch doit être rodé comme du papier à musique. Il sera toujours le même. Si une blague marche, il faudra la dire et redire de la même façon. N’oubliez pas également d’inclure les transitions de votre pitch pour laisser place aux éléments plus visuels (teasers, exemples de séquences), ce qui assurera de la fluidité à votre discours. On doit sentir que vous maîtrisez l’exercice même dans une langue qui n’est pas la vôtre.
- enfin, poser votre voix pour être à l’aise sur une estrade devant une cinquantaine de personnes. Ici, vous n’êtes pas assis face à un producteur ou un diffuseur, votre pitch ne s’insère pas dans le flux d’une discussion entre deux personnes : vous devenez un acteur qui monte sur scène. Il y a le trac mais aussi l’énorme stress de réussir la « vente » du projet aux producteurs-diffuseurs qui sont venus pour vous voir. Ne les décevez pas. Ainsi, n’avancez et ne reculez pas sans cesse sur l’estrade sous peine de donner mal au cœur aux jurés qui sont au premier rang.
Astuce : posez le micro sur votre menton puis ne le bougez plus, ainsi votre niveau sonore est réglé. Articulez, c’est très important. Pensez au dicton de Nicolas Boileau : « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément ».
Merci encore au Premier Canneserie InDevelopment de nous avoir montré que le pitch est un exercice qui se prépare et que cette forme de présentation est incontournable dans notre métier de scénariste.