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ScriptDoctor.frBlog du scriptdoctorécrire une bible et un scénario de série tv

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Pitcher en anglais à Canneseries : six conseils pour réussir

Durant les sessions de « Oh my pitch » au sein du Premier Canneseries InDevelopment qui se tenait en parallèle du MIPTV les 10 et 11 avril dernier à Cannes, j’ai assisté à la présentation de projets de séries internationales en recherche de financement. Durant des sessions de 45 minutes, trois projets de séries longues ou six de séries courtes étaient présentés : Violator, Strange fishing sundays, Selfies, The sources of evil, Big G, Dead line, DXYZ, The GOAT, Made with love,… 

Mais ô surprise, alors que je m’attendais à des numéros rodés de la part de professionnels aguerris de la profession, j’ai constaté au contraire que la plupart des participants, en dehors même de la qualité intrinsèque des séries qu’ils présentaient, n’étaient pas suffisamment préparés. Or, quand vous faites partie des 12 projets sélectionnés parmi 350 reçus d’une quarantaine de pays, vous n’avez pas le droit à l’erreur, vous êtes là pour vendre et hameçonner des coproducteurs internationaux. Voici donc quelques conseils pour bien aborder cette étape fatidique. Dans l’ordre, je vous suggère de :

  1. sélectionner les éléments indispensables de votre pitch : cette étape est primordiale car souvent les pitch décrivaient l’arène et/ou la thématique sans aborder l’histoire réelle du personnage principal. Mais quand on pitch, on doit raconter une histoire avant tout. Certains avaient tout simplement omis l’incident déclencheur (ce que nous appelons chez High Concept le « 1 » du 1-2-3), or comment rentrer dans une histoire s’il nous manque son point de départ ? Très souvent aussi, la tâche (le « 2 » ou licence pour les séries) était soit inexistante, soit noyée dans une succession d’actions qui ne permettaient pas de prendre du recul.
    Pour tout savoir sur la structure fondamentale en 1-2-3, n’hésitez pas à vous reporter à notre formation socle en 10 masterclass à consommer sans modération.

    Ces erreurs se répercutaient alors inévitablement dans les questions des jurés, qui essayaient de comprendre l’originalité du projet.
    Je vous encourage à relire ces deux articles fort intéressants de ma collègue Julie Salmon : « Savoir pitcher : quand les scénaristes doivent être aussi bons à l’oral qu’à l’écrit » et « Dix règles pour savoir pitcher à Hollywood ».

    Astuce : n’oubliez pas que chez High concept, nous formons les auteurs et les producteurs à présenter leur série, c’est-à-dire à savoir ce qu’ils doivent raconter de leur histoire pour qu’elle soit la plus compréhensible et pertinente possible. Comment mettre en valeur l’originalité de son propos ? Comment commencer à pitcher ? Pour vous entraîner, suivez l’exemple de Cédric, le fondateur de notre méthode, qui pitche ici deux projets originaux : « Babel » et « 221 B Baker street. »

  2. maîtriser la langue de Shakespeare : pour réussir un pitch oral en anglais, il faut avoir plus que de simples bases, car non seulement il faut raconter une histoire, mais ensuite il faut être capable de répondre aux questions des jurés. Questions qui peuvent être difficiles à comprendre car les jurés aussi ne sont pas tous anglophones !

    Astuce : au besoin, n’hésitez pas à déléguer cet exercice à quelqu’un de votre équipe (producteur, scénariste, réalisateur, etc.) s’il maîtrise mieux la langue que vous. Le but étant d’être le plus efficace possible, donc d’être le plus préparé. Vous devez mettre toutes les chances de votre côté !

  3. soigner votre look : avant même de prendre la parole, vous devez réussir votre première impression. Ayez donc une apparence décontractée mais sûre de vous. Vous devez vous sentir à l’aise dans vos vêtements. De même, avant de commencer, prenez une bonne inspiration, ce temps vous permet de regarder les spectateurs, de leur sourire.

    Astuce : visualisez autour de vous une cloche invisible qui vous protège. Puis présentez-vous comme si vous étiez avec des gens de confiance.

  4. choisir une stratégie de pitch : n’oubliez pas de prendre en compte l’effet trac ; effet dont on ne mesure jamais assez l’impact. J’ai vu un producteur qui a perdu le fil de son histoire en plein milieu de sa présentation, il s’est mis à chercher dans ses notes, l’effet ressenti était pire que tout. Je me demande s’il n’aurait pas mieux valu qu’il lise dès le début son mémo pour être moins stressé ; ce qu’a d’ailleurs fait un autre producteur plus tard. Certes, il lisait, mais il était détendu et son discours, bien que monotone, passait facilement.

    Astuce : apprenez par cœur votre pitch en anglais, justement pour contrer l’effet trac. Pensez-y : tous les comédiens apprennent leur texte avant de monter sur scène, ce n’est pas pour rien ! Ca paraît évident mais ça n’a pas toujours été le cas, malheureusement. Les improvisations sont bien entendu possibles, mais pour les réussir, il faut être très entraînés (seul un ou deux participants avaient le niveau pour le faire).

  5. repérer les moments clés de votre pitch : appuyez-les du regard, en prenant à témoin les jurés et l’assemblée. Les moments forts de votre série (l’incident déclencheur, par exemple) méritent de s’y attarder en prenant son temps : n’oubliez pas que le public est là pour vous écouter ! Les participants étant de nationalités différentes, on vous pardonnera aisément votre accent pourvu que vos phrases soient bien construites et courtes.

    Astuce : répétez devant votre miroir et filmez vous en train de pitcher. Cet exercice est imparable pour éliminer les scories, les tics de langage, les postures bizarres, etc. Comme dans un numéro de « stand up », votre pitch doit être rodé comme du papier à musique. Il sera toujours le même. Si une blague marche, il faudra la dire et redire de la même façon. N’oubliez pas également d’inclure les transitions de votre pitch pour laisser place aux éléments plus visuels (teasers, exemples de séquences), ce qui assurera de la fluidité à votre discours. On doit sentir que vous maîtrisez l’exercice même dans une langue qui n’est pas la vôtre.

  6. enfin, poser votre voix pour être à l’aise sur une estrade devant une cinquantaine de personnes. Ici, vous n’êtes pas assis face à un producteur ou un diffuseur, votre pitch ne s’insère pas dans le flux d’une discussion entre deux personnes : vous devenez un acteur qui monte sur scène. Il y a le trac mais aussi l’énorme stress de réussir la « vente » du projet aux producteurs-diffuseurs qui sont venus pour vous voir. Ne les décevez pas. Ainsi, n’avancez et ne reculez pas sans cesse sur l’estrade sous peine de donner mal au cœur aux jurés qui sont au premier rang.

    Astuce : posez le micro sur votre menton puis ne le bougez plus, ainsi votre niveau sonore est réglé. Articulez, c’est très important. Pensez au dicton de Nicolas Boileau : « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément ».

Merci encore au Premier Canneserie InDevelopment de nous avoir montré que le pitch est un exercice qui se prépare et que cette forme de présentation est incontournable dans notre métier de scénariste.

Big G, seule série digitale française sélectionnée au MIPTV 2018

Au cours de « la semaine la plus attendue de l’industrie TV », les auteurs français Cindy Cornic et Tristan Francia ont l’opportunité de pitcher leur comédie d’anticipation de 10 x 10 min. à un jury prestigieux, composé de diffuseurs français (Canal +), américains  (NBC Universal , Comedy Central, Viacom International Media Networks, Verizon Digital Entertainment) mais également chinois et même colombien (Caracol TV).

Employant la méthode d’écriture High concept pour écrire la bible et le pilote de cette websérie, Cindy et Tristan avaient déjà vu leur impayable Big G sélectionné à Luchon en 2017, au 19e Festival des créations télévisuelles. Trouvant rapidement producteurs (AnderAndera Production et Octopods Filmmaking Agency), le pilote –réalisé par Tristan Francia lui-même–, a été primé au Berlin Webfest. Voici le teaser de ce dernier, en exclusivité :

Fred Saurel dans la websérie Big G. Cliquer ci-dessus pour voir le teaser. 

Le chômage et l’ennui règnent à BIG G City. Pour distraire ses habitants, la ville lance un jeu interactif novateur : le Kit Univers…

Les heureux producteurs et auteurs de Big G ont reçu l’aide au développement de la région Occitanie qui leur permet d’envisager la suite de l’écriture aux côtés de nos script doctors.

Nous encourageons nos amis diffuseurs à découvrir Big G du 9 au 12 avril 2018 à Cannes, ou à contacter les producteurs pour en savoir plus.

L’équipe HC

Genre, féminisme et séries TV : le paradoxe de l’homme blanc scandinave

Ariane Hudelet [1], qui dirige la 3ème saison du séminaire au Jeu de Paume sur les séries, confie que son thème devait être Politique et séries TV. Pour trouver un angle par lequel aborder la politique dans l’analyse des séries, son choix s’est finalement porté sur la question du genre, présenté politiquement aujourd’hui comme un « composé culturel non organique » (sic). Ainsi, ce séminaire a finalement pour titre Les femmes, les hommes et les autres, séries télévisées et transparence des genres :

« Égalité femmes-hommes, mariage homosexuel, manif pour tous, homoparentalité, transsexualité, sont au cœur des débats… Quels modèles de personnages féminins, masculins, hétéros, gays ou trans nous sont proposés ? Les séries, comme toute représentation, reflètent la manière dont nous nous définissons, ou dont la société nous définit. »

[1] Maîtresse de conférences en études anglophones à Paris Diderot, Ariane Hudelet se consacre depuis plusieurs années aux séries américaines, est l’auteur de The Wire, les règles du jeu (PUF, 2016) et codirige la revue TV/Series.

Féminisme et séries TV : le paradoxe de l’homme blanc scandinave

Pierre Sérisier [2] intervient le 2 mars pour une 1ère séance intitulée Les séries scandinaves et les tourments de l’homme blanc.

« Les bouleversements sociaux et économiques conduisent à une redéfinition des modèles genrés – ce fut le développement de l’anti-héros du roman et du film noir, qui sont depuis quelques années revisités dans les séries nordiques où les personnages sont eux aussi présentés dans une situation d’inquiétude fondamentale… générant un vacillement des héros masculins.  »

[2] Journaliste et enseignant à l’école de journalisme de Sciences-Po, Pierre Sérisier est auteur et directeur de collection de romans policiers et a lancé le blog Le monde des séries. Il travaille actuellement à un ouvrage sur les séries britanniques.

Le succès du film noir trahit l’angoisse générée par la question du genre

Pierre nous rappelle que les programmes scandinaves ont longtemps été de piètre qualité puis, au milieu des années 90, les dirigeants ont réalisé qu’ils possédaient un outil formidable pour « éduquer et divertir le public » en traitant des grands enjeux de société. Ils ont été voir ce qui se faisait de mieux (aux E.U.) et, très pragmatiques, ont commencé à travailler en s’appuyant sur leur fond littéraire de romans policiers, très important dans les pays scandinaves. Inspirées du film noir américain, du film expressionniste et du roman gothique, leurs séries ont gagné progressivement en qualité, en audience et en reconnaissance : Wallender, Forbrydelsen (The Killing), Bron (Le pont)...

Or, toujours d’après Pierre Sérisier, à travers le film noir, les auteurs traitent de l’inquiétude de l’homme scandinave concernant sa masculinité :

  • L’homme se fait piéger par la femme fatale (N.d.A : dès 1914, au lieu de tuer pour survivre, il tue ou se tue maintenant par amour ou désespoir). Le débat sur les armes aux E.U. est d’ailleurs empreint de cette problématique : enlever ses armes à un homme c’est lui enlever la seule chose qui lui reste de l’âge d’or de la conquête.
  • Autre constante des héros de romans policiers et des séries scandinaves : ils ont des relations de père à fille problématiques, une mauvaise santé : alcool ou dépression, sont séparés de leur femme, et d’une grande maladresse dans les relations avec la féminité.
Photo: Le film noir, genre de référence pour questionner les genres (Assurance sur la mort, 1944).

Dans un extrait emblématique d’Assurance sur la mort (écrit par Billy Wilder et Raymond Chandler), on retrouve deux points fondamentaux liés aux enjeux des films noirs et des séries scandinaves : l’homme face à une compagne qui lui échappe et l’homme face à une société dans laquelle il ne trouve plus sa place.

Un tandem homme/femme omniprésent dans ces séries policières

Dans la continuité de ces références, Pierre Sérisier constate une généralisation du tandem homme/femme dans ces séries policières.

  • Dans Bron une enquêtrice suédoise et un policier danois vont devoir collaborer pour résoudre des meurtres dont les victimes sont retrouvées de part et d’autre de la frontière. On assiste alors à une inversion de la polarité masculin / féminin : le personnage masculin se féminise, le personnage féminin se masculinise.
  • Quant à la série Borgen, elle repose sur un compromis : « Maintenant c’est mon tour d’avoir une carrière ». Le mari accepte de mettre en sommeil son propre parcours universitaire (reflet de la société scandinave plus égalitaire). Constat : que ce soit une femme ou un homme à la maison ou au gouvernement, les problèmes restent les mêmes.
  • Dans Millenium (roman, série et LM) l’auteur Stieg Larson, qui est parait-il obsédé par la violence de certains hommes envers des femmes,  propose carrément une destruction de ces polarités : lors de son procès, Lizbeth, son héroïne, va passer au-delà du genre; dans son accoutrement gothique destiné à se cacher en même temps qu’à provoquer, Lizbeth ressemble à un guerrier au sexe indéfini.
Photo: l’ accoutrement gothique de Lisbeth dans Millenium.

Remarque : il est intéressant de constater que dans ces séries égalitaristes, les victimes sont de plus en plus souvent masculines tandis que les femmes sont encore rarement les auteures de violences…

Photo : Autre paradoxe, les personnages masculins ont « perdu en variété ».

Nouveaux genres, nouvelles normes ?

Pierre Sérisier : Le film noir est né, à l’origine, d’une peur de l’industrialisation. La mythologie de la civilisation est liée à celle de la conquête. En conquérant des territoires, l’homme se bat pour faire survivre sa famille, il chasse, défriche, plante, construit… mais avec la division du travail, il n’est plus qu’une pièce au milieu d’un rouage et perd une partie de son pouvoir, de son identité. Apparaît alors le film noir, où l’homme se réfugie dans une tanière, supporte mal la hiérarchie et l’organisation sociale. Ce phénomène se retrouve dans les séries scandinaves avec des héros tourmentés, mal dans leur peau, évoluant dans des arènes sombres.

  • Dans Meurtriers sans visage (Wallender) deux personnes âgées vivant dans une ferme ont été battues à mort pas des agresseurs dont on ignore l’identité. De la même manière que le film noir exprime la désillusion envers l’Amérique, ce meurtre vient traduire l’échec de l’utopie sociale suédoise. Les héros sont confrontés à la société et à leur hiérarchie mais aussi à un devoir : rendre justice aux victimes. Même si la découverte du coupable n’a de pouvoir curateur ni pour la famille ni pour la société. Une question récurrente les hante : « À quoi est-ce que je sers ? »… C’est ce que l’écrivain suédois Henning Mankell cherche à comprendre à travers les enquêtes de son personnage Kurt Wallender.

La Suède s’est en effet construite avec l’objectif de limiter les conflits et les violences sociales en organisant le partage des richesses de manière à avoir des citoyens moyens. Mais on voit apparaître une critique de ce régime vécu comme un totalitarisme (normativité IKEA). (N.d.A : Or comme le fait remarquer Ariane Hudelet dans la séance de questions qui suivra : Le genre c’est « une performance », une manière de se représenter. Et de coller à de nouvelles normes, donc.).

  • Dans Broen, le pont est le personnage principal, il fait référence à « la verticalité expressionniste qui écrase l’homme », tels les châteaux gothiques (ainsi qu’à l’horreur horizontale de l’aplanissement de la norme, N.d.A). Comme dans Le Cri de Munch exprimant l’angoisse de l’homme moderne, le personnage est pénétré par un environnement auquel il ne peut échapper.
Photo : Le pont, ou l’horreur horizontale d’un aplanissement de la norme.
Photo : Le Cri de Munch exprime l’angoisse moderne.

Ainsi, pour Pierre Sérusier, la question du féminisme ne pourra paradoxalement se régler que lorsque la question de la masculinité le sera : Qu’est-ce que c’est qu’être un homme aujourd’hui ?


En résumé : un homme blanc en crise dans des polars typiquement masculins, voilà le résultat paradoxal d’une politique de questionnement du « modèle genré » 🙂

Le séminaire se termine sur un court débat.

 – Questions d’une spectatrice : « Que s’est-il passé pour que la société en vienne à ces notions de féminisme, d’égalité et même de trans-identité ? Pourquoi aujourd’hui et maintenant ? L’insécurité face à l’avenir, à l’environnement, serait-elle déclencheur ? »

 – Marjolaine Butet, historienne, répond que « la question du genre est liée à la liberté de l’individu, et aux réseaux sociaux qui favorisent l’expression des individualités : entre autres, aux genres. »

A cette réponse, nous pourrions toutefois objecter que si les réseaux sociaux favorisent certainement la diffusion massive « d’individualités », ce sont des individualités soigneusement sélectionnées par des algorithmes concoctées par la Silicon valley (les fameux GAFAN qui débarquent dans la fiction et dont nous parlerons prochainement dans le blog du scénario). On en revient donc à Politique et séries TV, l’intitulé d’origine de ce séminaire, qui était vraiment bon je trouve. Les médias, et la fiction en particulier, ne sont-ils pas en effet les vecteurs de visions politiques et idéologiques ? (Voir cet article pour savoir pourquoi et comment un scénariste passe son temps à utiliser un thème pour structurer son scénario.)

On a finalement plus parlé de genre que de séries dans ce premier séminaire… La vraie question (Politique et séries TV) ne serait-elle pas : Pourquoi la France ne produit-elle pas de nombreuses séries de qualité, à l’audience internationale, comme les Scandinaves ?

Quel que soit le thème, commençons d’abord par faire de bonnes fictions, non ?

Et vous, qu’en pensez-vous ?

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Vendredi 9 mars, 18h30-20h30

  • 2/5 Anne Landois : Showrunner au féminin

Vendredi 16 mars, 18h30-20h30

  • 3/5 Stéphane Thévenet : Samsoon ou la désacralisation de l’amour en Corée

Vendredi 23 mars, 18h30-20h30

  • 4/5 Anne Crémieux : TV et tabou. La question du genre dans les séries américaines

 Vendredi 30 mars, 18h30-20h30

  • 5/5 Hülya Ugur Tanriöver : Sexistes à Istambul, émancipatrices au Caire !  Les représentations de genre dans les séries turques et leur réception

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Scénaristes français de série : les défis (suite 6/6)

Suite et fin de mes entretiens avec Julie et Cédric Salmon, scénaristes et créateurs de fictions originales. Nous abordons pour finir en beauté cette série de discussions, la question cruciale de l’avenir de la création française et des défis qu’auront à relever les scénaristes, producteurs et diffuseurs de demain.

Ces conversations se sont déroulées en 2013 alors que j’écrivais mon mémoire de fin d’études. Les notes et précisions chiffrées ont été mises à jour avec les derniers chiffres parus.

N’hésitez pas à reprendre le fil depuis le début :

  • partie n°1 : créateurs de fictions vs auteurs de commande,
  • partie n°2 : l’intérêt des ateliers d’écriture,
  • partie n°3 : vers une nécessaire industrialisation de l’écriture,
  • partie n°4 : fiction française : il faut changer les mentalités,
  • partie n°5 : les séries françaises doivent devenir rentables.

Carole Bertrand (CB) : comment voyez-vous l’avenir de la fiction française, vous, en tant que scénaristes ?

      « Les chaînes arrêtent l’hémorragie pour l’instant et font majoritairement des co-productions, des remakes, des adaptations ou des formats courts, car il s’agit surtout de tester des stratégies financières. »

  • Cédric Salmon (CS) : moi, je le vois radieux. Je préfère rester positif. La crise commence à être derrière nous même si les productions de ces prochaines années risquent d’être décisives pour notre industrie. Que vont choisir nos chaînes ?
  • Julie Salmon (JS) : en effet, il existe en gros deux possibilités. Soit la fiction française meurt, dans le cas où les chaînes arrivent à convaincre l’Europe de ne plus les assujettir aux quotas. Dans ce cas, on ne fera plus de série franco-française, ou peut-être uniquement des unitaires de prestige de temps en temps (cf. mes développements sur le manque de rentabilité de notre fiction). C’est la vision noire qui risque d’arriver si les choses ne changent pas. Soit, comme il y a des chances que les quotas qui obligent les chaînes à un certain volume de production perdurent, la logique économique va les obliger à faire de la fiction rentable pour dégager des marges positives. C’est ce qu’elles essayent de faire actuellement avec plus ou moins de succès. Des tests sont faits avec les formats courts, la scripted reality, les coproductions internationales, les remakes qui pullulent etc. Les chaînes tentent par tous les moyens d’amortir leurs investissements.
  • CS : les chaînes arrêtent l’hémorragie pour l’instant et font majoritairement des co-productions, des remakes, des adaptations ou des formats courts, car il s’agit surtout de tester des stratégies financières. Les audiences se maintiennent avec tout de même un décrochage vis à vis des fictions étrangères. Plus des chaînes qui misent sur le contenu, comme Arte par exemple, feront des succès d’audience, même relatifs, plus ça poussera l’ensemble du PAF à les imiter. « Ainsi soient-ils » ce n’est que 1,3 millions de téléspectateurs mais Arte a doublé ses audiences lors de la première saison. Le problème, c’est que la saison 2 s’est plantée en beauté. La chaîne, les producteurs et les auteurs ont été incapables de reproduire le succès. Dommage ! Ce qui nous ramène là encore à la nécessaire industrialisation de la filière. Ce genre de projets les oblige néanmoins à jouer à la bataille. Les autres diffuseurs voient que s’ils continuent à jouer les mêmes cartes, ils vont perdre (cf. leurs formats courts qui s’épuisent et tirent des ficelles plus qu’usées).

CB : cette crise va donc permettre de rebondir quelque part ?

      « Nous aimons tous la télévision pour ce qu’elle est, un media capable de rassembler beaucoup de gens qui mérite mieux que des fictions moyen de gamme faites pour les beaufs ou les vieux. »

  • JS : c’est simple. Avant, la fiction française faisait gagner un peu d’argent mais plus aujourd’hui. Même pour « No limit », TF1 a été chercher une co-production avec Europacorp. Et ça a fait 6 millions de téléspectateurs en moyenne la première saison. « Mentalist » ou « Dr House », ça en fait 7 ou 8 millions sans besoin de publicité. Et pourtant ils ont fait des efforts, les équipes ont essayé de hausser leur niveau. « No limit » coûte cher à produire (9 M€ pour 6 épisodes). Il y a une star, mais ça ne fait quand même que 6 millions de téléspectateurs à la diffusion. Ce n’est donc pas suffisant par rapport à l’investissement global qui n’est pas compensé encore par des ventes à l’export, la première saison ne contenant que 6 petits épisodes.

A noter : la saison 2 et le début de la saison 3 de « No limit », toutes deux passées à 8 épisodes de 52 minutes, ont moins bien performé. La saison 2 tourne autour des 5 millions de téléspecatateurs en moyenne, alors que la saison 3 diffusée actuellement est descendue à 4 millions. Là encore, cela n’augure rien de bon pour la suite du projet qui n’a pas réussi à imposer une signature et une récurrence du succès.

  • CS : mais cela engrange de l’expérience. L’érosion des audiences de la fiction française est actée. Les auteurs, les diffuseurs commencent à se former, à détecter ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. « Taxi Brooklyn » a été un échec, comme « Jo » et comme « Crossing lines » qui ne tiennent pas la distance et leurs promesses. Tout simplement car le public ne les reconnait pas comme séries françaises. Il les assimile à des productions US et les juge à cette aune. Mais cela enclenche de nouvelles expériences. Il y a de plus en plus de jeunes auteurs. Une nouvelle génération, mieux formée, arrive. Nous, nous faisons partie de la première génération. Mais nous avons tous en commun d’avoir choisi de faire des séries, nous ne sommes pas des auteurs de cinéma frustrés. D’ailleurs, les deux envies cohabitent de plus en plus. Les cloisons sont en train de tomber comme dans les autres pays car la télévision a acquis ses lettres de noblesse. Nous aimons tous la télévision pour ce qu’elle est, un media capable de rassembler beaucoup de gens qui mérite mieux que des fictions moyen de gamme faites pour les beaufs ou les vieux.

CB : il s’agit donc d’un problème de remplacement de générations ?

      « Nous sommes à contre-courant d’un certain élitisme qui voudrait que le métier de scénariste ne soit accessible qu’à une infime minorité de privilégiés cooptés par leurs pairs. »

  • JS : pas seulement, mais c’est l’une des données du problème. Cela prend du temps de changer les moeurs. Tous ceux qui ont fait la télé que le public rejette doivent laisser la place à d’autres plus investis dans de nouvelles méthodes d’écriture, organisations de la production, et envies thématiques. Il ne s’agit pas seulement des scénaristes, mais aussi des producteurs, des conseillers de programmes, etc. Le monde a changé et la profession tout entière doit s’y adapter. Il y a encore des résistances comme tu peux le constater. Cédric et d’autres ont été les premiers de cette nouvelle génération d’auteurs, il existe aussi de nouveaux producteurs et dans les chaînes, c’est en train de bouger. Nous avons commencé nos carrières en même temps que l’avènement de nouvelles séries US qui ont bercé nos enfances. Cela fait partie de notre culture. La génération suivante aime aussi les fictions américaines, suédoises, israéliennes et a envie de faire des séries. Elle se forme, grâce à des centres de formation qui commencent à s’adapter à ce type d’écriture : le CEEA par exemple qui a ouvert récemment une nouvelle formation dédiée à la série policière. Ces formations de bon niveau prennent malheureusement les gens au compte-goutte.

Pour information, High concept intervient au CEEA dans plusieurs formations :

  • Un cours est donné sur la méthode d’écriture du « High concept  » pour la formation qualifiante au titre professionnel de scénariste (cours de dernière année).
  • Une initiation au High Concept, appliqué à la création de série et à son industrialisation, est réalisée à l’occasion de plusieurs sessions de la formation continue « Le grand atelier série ».
  • Cette initiation est reprise à destination des auteurs ou des directeurs littéraires lors de la formation « Direction littéraire et expertise scénaristique ».
  • Des techniques spécifiquement liées à l’écriture du genre policier sont données à l’occasion de la nouvelle formation « Le policier en 52′ », dont la première session s’est tenue en fin d’année 2014 et qui sera reconduite en 2015, vu le succès.
  • Enfin, High concept intervient aussi ponctuellement en tant que lecteur des projets au concours d’entrée.
  • CS : chez high concept, nous essayons de rendre cette formation accessible au plus grand nombre. Nous pensons que la fiction appartient à tout le monde et qu’avec un peu de travail et de bons outils, n’importe qui de motivé, d’ambitieux et de tenace, peut arriver à écrire une fiction de qualité. Nous sommes à contre-courant d’un certain élitisme qui voudrait que le métier de scénariste ne soit accessible qu’à une infime minorité de privilégiés cooptés par leurs pairs. Mais leur combat est perdu d’avance. Il va y avoir de plus en plus de projets innovants, et comme dit Julie, il suffit qu’à un moment donné il y en ait un qui dégaine un as pour que tout le monde s’aligne.

CB : un projet peut-il changer la donne ?

  • JS : oui. C’est ce qui s’est passé aux US. Des séries comme « Urgences », ou les différentes franchises de « Law & Order » ont tout changé. HBO a également changé la donne du côté câble. Les « Soprano », « The Wire » ont bouleversé le panorama audiovisuel américain car elles ont montré qu’on pouvait faire de l’art en TV. Enfin, on pouvait regarder la TV et se sentir flatté de regarder une oeuvre personnelle et intimiste comme au cinéma. Les critiques ont adoré, encensé, fait du buzz et la sauce a pris, à tel point qu’on parle aujourd’hui de bulle des séries.
  • CS : il suffit qu’en France, l’une des grandes chaînes propose un high concept pour que l’engrenage se mette en marche. M6 avait « Kaamelott » qui est, en termes de valeurs de production, proche d’un high concept bien produit et qui a d’ailleurs bien marché. Ce sont les fictions comme celle-ci qui sont intéressantes. Aujourd’hui, Alexandre Astier a été récupéré par Canal, qui n’a pas loupé le coche mais pour l’instant, ce dernier préfère se concentrer sur le cinéma. Attendons de voir ce qu’il nous réserve sur la suite.
  • JS : il ne faut pas se leurrer non plus face aux américains. Ce n’est pas qu’ils aiment les auteurs contrairement à ce que j’entends ici ou là, ils se fichent bien des showrunners. S’ils pouvaient faire faire tout par des techniciens et prendre tout l’argent, ils le feraient. C’est parce qu’ils n’ont pas le choix. A un moment donné, tu démarches sur un scénario. Pour vendre, il faut qu’il y ait un auteur. C’est ce qu’ont fait les Suédois. Par exemple « Real Humans », est écrit par un seul auteur. Il a écrit les dix épisodes, sans avoir besoin d’un atelier. Les suédois ont inventé un système où ils salarient les auteurs pour ne pas prendre de risque, ils leur disent « tu vas travailler pour nous, il y a un producteur, mais c’est moi qui te paie et je te paie bien. Comme ça tu n’as pas besoin de travailler sur plusieurs projets en même temps et tu es tranquille pour créer ». Et l’auteur est payé et salarié. C’est un investissement dans la création. Résultat : une série qui a très bien marché à l’international.

CB : peut-on ou doit-on copier ce modèle en France ?

      « En France, nous avons une politique de fiction initiée par les producteurs et les diffuseurs. Certains d’entre eux d’ailleurs justifient le manque d’innovation en accusant le droit d’auteur français et les auteurs. »

  • CS : les pays nordiques, le Royaume-Uni, de façon générale, ont une politique d’auteur. Alors qu’à l’inverse, en France, nous avons une politique de fiction initiée par les producteurs et les diffuseurs. Certains d’entre eux d’ailleurs justifient le manque d’innovation en accusant le droit d’auteur français et les auteurs. D’après eux, les auteurs français sont nuls et ne veulent pas travailler en atelier (cf. une sortie de Rodolphe Belmer critiquée dans le billet dix contre vérités à connaître sur les séries françaises).
  • JS : c’est bien sûr complètement faux. Ces gens-là cachent le fait que 90% des auteurs français sont en fait des auteurs de commande (cf. créateurs de fictions vs auteurs de commande). Ils râlent parce qu’ils veulent empêcher les créateurs d’avoir la maîtrise du contenu artistique, ce qui les empêcherait au fond de faire ce qu’ils veulent avec les projets ou de céder aux injonctions des diffuseurs avec qui ils veulent rester en bons termes.
  • CS : les auteurs pour l’instant se couchent, acceptent de modifier leurs textes et les ingérences de tous dans leur projet pour rester aux manettes. Ce faisant, ils se sabotent eux-mêmes (cf. le gâchis autour du projet « Tiger Lily » par exemple ou l’une des scénaristes s’est exprimée au sujet de son oeuvre :« on ne peut pas la défendre, ça nous échappe. Ce n’est pas nous qui l’avons créée ») quand ils ne sont pas éjectés tout simplement. Leur projet est alors repris par d’autres. Tout le monde fait ses remarques, le résultat est souvent sans saveur. Les audiences sont mauvaises. Les producteurs accusent les auteurs. Les chaînes perdent de l’argent et ne veulent plus faire de la fiction, etc. Le cercle vicieux est enclenché.

CB : les auteurs ne peuvent-ils rien faire ?

  • JS : les producteurs travaillent toujours avec les mêmes auteurs. Il doit y avoir 40 à 60 auteurs qui écrivent toute la fiction française aujourd’hui. Et puis, il y a les stars. Et une star, c’est une star. Elle est tranquille, elle demande beaucoup d’argent, ne fait pas une saison 2 si elle n’en a pas envie… Mais pour quelques divas, ils condamnent tous les autres, qui eux ne sont pas des stars mais qui voudraient juste pouvoir faire leur série avec un minimum de suivi jusqu’à l’image.
  • CS : parfois, même si on t’a laissé libre de créer, le producteur et le réalisateur peuvent choisir un acteur qui ne va pas du tout. Tu as écrit une série pour un grand maigre avec des blagues qui tournent autour de cela et au final on prend un petit gros. Ça ne marche plus. Il m’est arrivé d’écrire une intrigue policière où le personnage avait un problème avec les femmes car il n’était pas beau. Mais au tournage, l’acteur qu’ils avaient choisi, lui, était beau. Il jouait avec des lunettes, on aurait dit Clark Kent. On était censés comprendre qu’il était moche parce qu’il avait des lunettes mais cela ne marchait plus du tout. Mon scénario ne tenait plus.
  • JS : tout ça pour dire que certains producteurs militent pour détruire le droit d’auteur à la française. Ils veulent récupérer encore plus le contrôle sur la part de création. Ils ont peur, ils voient bien qu’ils vont devoir créer de plus en plus de nouveaux projets. L’intérêt pour un auteur d’écrire une série -même si c’est très compliqué à faire- est que si tu ne vas pas dans la direction du producteur, tu peux choisir d’arrêter. Pour un producteur, ce n’est pas possible à entendre. Eux, voudraient prendre ton projet, te payer un peu ou beaucoup selon ta notoriété, mais si tu ne fais pas ce qu’il te dit, il a le droit de te virer. Il y a une guerre en ce moment, mais ils oublient simplement que si un auteur n’a plus aucun intérêt à écrire un projet original plutôt que de faire un énième épisode de « Section de recherches » ou de « Fais pas ci, fais pas ça », le métier de la création de fiction originale est mort alors qu’on est déjà peu nombreux à le faire.

CB : mais ils ont bien besoin de nouveaux projets. Donc comment font-ils ?

      « L’UE a l’objectif de détruire le droit d’auteur à la française et plus globalement l’exception culturelle française, or c’est la seule chose qui protège la création. C’est ce qui nous a encouragés à faire ce métier. »

  • CS : ils disent que le droit d’auteur est le frein de la fiction française. Mais cela fait partie d’une vraie lutte européenne en ce moment, puisque l’UE a l’objectif de détruire le droit d’auteur à la française et plus globalement l’exception culturelle française, or c’est la seule chose qui protège la création. C’est ce qui nous a encouragés à faire ce métier, la seule chose qui fait que nous sommes créateurs de séries originales. On est libres. Avec les années, on a un catalogue de droits qui nous appartient. Il y a un combat que l’on espère gagner. S’ils le gagnent, alors il n’y aura plus de fiction française. Si c’est nous qui gagnons, on nous demandera de plus en plus de projets originaux. C’est pour cela que je pense que l’avenir de la fiction française sera radieux.
  • JS : mais à leur décharge aussi, il y a eu un problème de savoir-faire. Les auteurs qui ont fait la fiction des années 1980 et 1990 se sont retrouvés démunis quand ils sont passés au 52 minutes car ils ne savaient pas écrire la fiction en quatre actes. Ils n’arrivaient pas à donner, à traduire dans des scénarios, ce qu’attendaient les producteurs. Il y avait, du coup, un problème de confiance, de méfiance vis-à-vis des auteurs, que l’on prenait souvent pour des artistes qui passent leur temps à buller et qui ne savent pas écrire. Cette méfiance est encore là aujourd’hui. Le plus gros problème de notre fiction est donc avant tout un problème de confiance sur les savoir-faire réciproques de chacun. Dès que cette méfiance tombera, nous pourrons tous passer à la professionnalisation du secteur que tout le monde appelle de ses voeux et faire des séries de qualité récurrentes et industrialisées. Enfin, espérons !

Netflix peut-il sauver la fiction française ?

House of cards, Orange is the new black, Lilyhammer, Hemlock grove, etc. sont toutes des séries TV originales produites par Netflix. Ces séries, l’algorithme de proposition associé à un catalogue important ont permis à l’opérateur de disposer de plus de 50 millions d’abonnés dans le monde et de dépasser HBO sur le sol américain. Netflix arrive en France à la rentrée prochaine et a annoncé vouloir : « donner aux contenus français une voie pour sortir partout dans le monde ». Netflix sera-t-il le sauveur de notre PAF endormi ?


Que vous travailliez en cinéma, en télévision, dans l’animation ou dans n’importe quel industrie du secteur culturel, il faut vous adapter aux nouvelles règles qu’attendent le public.
« TV is changing » comme le disent tous les professionnels US, notamment Kevin Spacey, dont le discours de 2013 a marqué les esprits :

En effet, les nouvelles plateformes comme Youtube, Amazon, ITunes, Netflix tendent à changer les formats classiques de narration et à briser les règles de diffusion. Alors que notre PAF n’a pas profité vraiment de l’arrivée de la TNT (la crise de la fiction française n’est pas finie), il pourrait aujourd’hui être enfin bousculé par un nouvel acteur.


Netflix, le seul diffuseur à prendre des risques, vraiment ?

Kevin Spacey, David Fincher et Beau Willimon ont fait le tour des studios avec leur projet de remake de House of Cards. Tous les studios étaient intéressés mais voulaient que le show suive la voie classique : produire un pilote de 45 minutes qui présenterait l’ADN de la série, les personnages, un cliff hanger, etc. bref, un process long et couteux pour vérifier l’appétence du public.
Avec Netflix plus besoin de pilote : l’équipe et le projet étaient suffisamment forts, le fameux algorithme a fait le reste. En testant l’équipe et le pitch, Netflix savait que le public serait au RDV.

  • En 2012 aux US, 113 pilotes ont été produits, 35 ont été diffusés, 13 ont été renouvelés.
  • En 2013, 146 pilotes ont été tournés, 56 ont été diffusés, avec des résultats proches de ceux de 2012.
  • Le coût de ces pilotes pour les studios est estimé entre 300 et 400 M$ par an.
  • Les deux premières saisons de House of cards ont coûté 100 M$.

Les succès de Netflix prouvent plusieurs faits :

  • le public veut de la liberté, du contrôle, regarder une saison entière d’affilée s’il le souhaite.
  • Le téléchargement illégal existera et restera toujours marginal.
  • Le contenu reste roi, seuls varient les modes de visionnage : salles, tablettes, TV, YouTube, ordinateur, etc.
  • Le public aime les histoires : il en discute sur les réseaux sociaux, ou ailleurs, peu importe.


Le contenu est roi

La vraie différence de Netflix par rapport aux autres opérateurs, outre des séries tv produites en propre, repose sur une force de proposition : les gens ne veulent pas passer des heures à chercher le contenu qui pourraient leur correspondre. Ils veulent qu’on leur propose un contenu qui leur corresponde, ce qui est exactement le sens du discours de Kevin Spacey et la clé de succès de Netflix.

  • Netflix, Amazon, Microsoft produisent désormais des contenus en propre, comme HBO, leader historique de la TV payante.
  • Plus de la moitié des foyers US sont abonnés à Netflix (40 M d’abonnés), qui a dépassé HBO cette année (seulement 30 M d’abonnés).
  • Le contenu original de Netflix compense une offre (films, séries) jugée moyenne dans l’ensemble.
  • La croissance de Netflix est régulière contrairement à celle des opérateurs historiques comme HBO qui stagne, malgré un contenu valorisé, surmarketé et médiatisé à grand renfort de publicité.


Haut débit, streaming, recommandation : pourquoi Netflix va faire un carton en France

  1. La VOD et la consommation en streaming sont faiblement développés en France

    Le marché de la VOD et de la SVOD est de quelque 200 M€ : un marché petit qui peut se développer surtout que le marché DVD (820 M€) est en baisse constante depuis des années.

  2. Le piratage de contenus est important

    HADOPI indique que 17% des séries TV et 19% des films vus sur Internet sont piratés par des jeunes (15-35 ans), cible prioritaire de Netflix, qui gère sa programmation en fonction, justement, des contenus les plus piratés !

  3. Les français sont globalement insatisfaits de l’offre des acteurs historiques (perçue comme chère)

    L’offre actuelle de Canal+/canalsat tourne autour de 75€ mensuel, Canalplay est à 7.99€ mais n’a que peu séduit. La migration vers l’offre Netflix est donc envisageable, même s’il n’est pas le seul sur le créneau (cf. nouvelles offres des opérateurs qui se préparent à l’arrivée de cette nouvelle concurrence).

  4. La différenciation se fera donc par le Marketing et par la mise en valeur du seul véritable point de rupture : l’algorithme de proposition des contenus.

    C’est d’ailleurs ce point qui est valorisé par Netflix par rapport à l’offre Canal+. Le marché de la TV payante semble ainsi être la cible du nouvel entrant (un marché estimé à 4 Mds d’euros qui hibernait depuis des années, faute de concurrence).


Une redistribution des cartes qui fait peur

Netflix pourra-t-il faire une perçée comme Free sur le marché des opérateurs ? Les règles deviennent de plus en plus lisibles. La demande se concentre sur les points suivants :

  • contenu original ;
  • outils de recommandation performants ;
  • liberté de consommation (binge viewing cf. notre article la fiction française à l’ère de la TV connectée) ;
  • contenu frais (catalogue avec produits récents) ;
  • offres de rattrapage.

En cumulant plusieurs de ces points cruciaux, Netflix pourrait ainsi faire une grande différence et venir se tailler des croupières dans les marges de Canal+ et éreinter un peu plus l’audience des chaînes gratuites (dominée par la prépondérance de TF1).
Les acteurs historiques se préparent depuis des mois, les annonces pleuvent et Netflix engrange de la publicité gratuite sans dépenser un euro. Bref, un cercle vertueux pour l’opérateur mais aussi pour les consommateurs, enfin :

  • Canal+ mise sur sa création originale et sur Canalplay, un service de SVOD à moins de 10€/mois (environ 450 000 abonnés aujourd’hui) qui vient en appoint d’autres offres plus ou moins équivalentes comme celles du PassM6, Jook Video, Videofutur, Filmo TV, ou encore OCS Go ;
  • Orange veut d’ailleurs lancer Orangecast, une offre de contenus grâce à une clef USB connectée ;
  • Numericable vient d’annoncer vouloir lancer series-flix, un service de streaming illimité dédié aux séries tv sur le même modèle que Netflix, etc.

Netflix, très puissant sur la publicité et la notoriété, ainsi que sur son algorithme de proposition de contenu, sait qu’il est attendu. Le PAF est déjà bouleversé, la question est donc de savoir si cela suffira à tirer tout le monde vers le haut. Espérons que oui. Qu’en pensez-vous ?

8 règles pour être scénariste aux États-Unis

Une conférence donnée par Frank SPOTNITZ et Alan GASMER lors de la masterclass organisée par The media faculty les 27 et 28 mars dernier à Paris nous permet de tirer les leçons de la façon de travailler des auteurs aux États-Unis. C’est parti !


Si vous souhaitez devenir scénariste aux Etats-Unis, vous devez comprendre que le système de production de fiction américain favorise :

  1. une industrie purement COMMERCIALE
    1. « Network TV is all about making money. To succeed, you have to get an audience. »

      Quand la BBC a approché Frank Spotnitz, elle lui a demandé ce qu’il désirait faire. Cette formulation l’a étonné, car jamais personne ne lui avait jamais rien demandé de tel aux US, malgré son succès. Durant ses années de formation (il a notamment écrit plus d’une quarantaine d’épisodes d’X-files), F. Spotnitz dit avoir été entrainé à penser commercial et conditionné à aimer ce qui lui paraissait populaire.

      Remarque : cela ne veut pas dire qu’en Europe, on n’aime pas le populaire, mais qu’il est aussi important que cela soit de qualité. Le critère d’audience pour une chaîne comme la BBC, financée sans pub, n’est donc pas essentiel alors que l’audimat est un critère crucial pour les grands networks US.

    2. Le câble premium et les chaînes à abonnement font des séries que personne ne regarde mais qui attirent les annonceurs : avec l’avènement de Netflix, personne ne sait ce que House of cards fait comme audience mais ces séries font beaucoup parler d’elles.

      Mad men par exemple ne performe pas en termes d’audiences mais le show qui a bonne presse attire tout de même les annonceurs, ce qui lui permet de rester à l’antenne.

      Remarque : depuis peu, la demande en fictions étrangères commence à augmenter aux US. les Européens ont donc une opportunité à saisir : Downton Abbey par exemple a fait 13 Millions de téléspectateurs sur PBS, et personne ne sait que c’est une série anglaise…


  2. un système complètement INDUSTRIALISÉ
  3. Les séries US se distinguent par leur large nombre d’épisodes (12 à 24 épisodes par an) produits en flux tendus. Dans ce cadre, un showrunner est obligatoire pour garantir la qualité. C’est même le critère essentiel : sans showrunner, pas de show, même si le pilote a convaincu.

    Alan Gasmer qui produit Vikings n’a pas investi dans un atelier d’écriture. Pas besoin quand il faut écrire seulement 10 épisodes par an et que la production n’est pas en flux tendus. Aux États-Unis, seuls David Kelley ou Aaron Sorkin se permettent de s’en dispenser car les ateliers d’écriture vont de paire avec l’industrialisation. Les scénaristes US doivent écrire vite, beaucoup d’épisodes, or seul un atelier permet de le faire.

    Remarque : la TV anglaise est au contraire producer’s driven. Le modèle anglais de production de fiction n’est pas industrialisé. Il n’existe pas de séries à plus de 8 épisodes pourtant, à l’instar de la France, leurs exportations ne s’en portent pas plus mal.


  4. la suprématie du SHOWRUNNER
  5. Pour les Américains, tout tourne autour du show et non pas autour de l’auteur. Les téléspectateurs veulent le meilleur show possible, ils ne veulent pas de l’art, ni de la vision d’auteur. D’ailleurs, la vision créative peut être portée par l’auteur, le producteur, etc. peu importe ! L’essentiel est de désigner quelqu’un qui aura le pouvoir la mettre à l’écran. Aux Etats-Unis, ce quelqu’un est souvent le showrunner, c’est-à-dire un super auteur qui gère la production du show en flux tendu et qui en est le garant.

    En tout état de cause, pour travailler sur un show international, il faut être un native english speaker, car il est très difficile d’écrire couramment en anglais de sorte que le showrunner n’ait pas à relire. F. Spotnitz déclare n’avoir pas trouvé d’auteurs français, allemands ou italiens capables d’intégrer son atelier à ce jour : des amateurs ?


  6. le règne de l’ATELIER D’ÉCRITURE
  7. 150 livres (200€) par jour : c’est ce que gagne un scénariste dans un atelier d’écriture en Grande Bretagne. Aux Etats-Unis, les gains ne sont parfois pas comparables.
    Dans son atelier d’écriture, F. Spotnitz réclame une écriture visuelle, c’est son critère de recrutement. Même sur une série qui ne nécessiterait pas un atelier (pas de flux tendu) comme Transporteur, F. Spotnitz qui a repris le showrunning pour la saison 2, a décidé de continuer à travailler en atelier parce qu’il trouve cette façon de travailler plus efficace et plus rapide. C’est aussi sa culture.
    En tant que showrunner, il établit ce que le show est et sera. Il recrute ensuite ses auteurs sur cette base en se fondant sur les specs (scénarios en spéculation) qu’ils lui ont envoyé en guise de CV.

    Anecdote : lorsqu’il a du recruter des auteurs pour X-files, dans les années 90, il n’y avait pas de specs de science-fiction qui étaient écrits en TV. Seuls les genres policier ou médical existaient. Il a alors recruté des auteurs de cinéma qui n’avaient jamais écrit pour la TV.

    Remarque : un showrunner peut échouer, être mauvais, et certains auteurs écrivent très bien tout seuls. Le système n’a qu’un seul mérite : il fonctionne et il est rapide. Si vous n’êtes pas en flux tendus, vous êtes tout à fait libre d’utiliser d’autres méthodes.


  8. des séries PLOT DRIVEN
  9. Chaque diffuseur a sa personnalité et a identifié son audience : AMC veut développer très doucement les personnages, TNT veut aller vite au contraire. Au Royaume-Uni, c’est la même chose : SKY est plus conceptuelle que la BBC, etc.

    Quand on vend une série aux US, on vend un produit qui doit être le plus attractif possible. Cette attraction est garantie par l’intrigue principale, c’est-à-dire la mécanique dramatique qui permettra d’assurer un grand nombre d’épisodes. Vous avez reconnu ce que nous appelons ici, la licence (ou tâche). Vendre une série aux US, c’est donc en fait vendre une licence adaptée aux spécificités d’une chaîne…


  10. des séries BOUCLÉES
  11. Les Américains n’ont qu’un mot à la bouche quand il s’agit de série tv : tout tourne autour du mot « serialiazed ». Transporteur en est une parfaite illustration. C’est le même épisode chaque semaine : « Someone to A to B every week » (un type emmène quelqu’un quelque part à chaque épisode, seule l’arène et les guests varient). Les épisodes peuvent ainsi être diffusés dans le désordre.

    Un atelier permet par exemple d’obtenir douze épisodes en trois mois. Dans l’atelier de F. Spotnitz, chaque auteur développe 3 idées d’épisodes et les soumet aux autres (4 auteurs obtiennent donc très vite 12 épisodes). La technique du Break down, leur donne les scènes principales de chaque acte sur un board. Chacun donne son avis. Quand le tableau est complet, il ne reste plus qu’à l’écrire sous forme de séquenciers puis de continuités.

    Remarque : le rythme et les conditions d’écriture peuvent varier d’un show à l’autre.


    • Le tournage commence avec 3 scénarios écrits sur Transporteur, il en faut 6 sur Vikings.
    • 4 auteurs font partie de l’atelier du Transporteur, alors que pour écrire 24 épisodes d’X-files, il n’a fallu que 6 auteurs + 2 freelances.


  12. des séries RENTABLES
  13. On explique souvent en France les causes de la faiblesse de la fiction par le manque de budget, alors que le maître mot aux Etats-Unis est plutôt la notion de rentabilité. Qu’importe le coût pourvu que le modèle économique permette de dégager des bénéfices.

    • Un épisode d’X-Files coutait en moyenne 2 M$ la première année pour finir à 4M$ avec le succès sur les saisons suivantes.
    • Un épisode du Transporteur coûte environ 2M$, un épisode de Vikings se situe plutôt à 4,5M$.
    • Game of Thrones n’a pas réellement de budget, la production paye ce que ça coûte tant le buzz permet à HBO de faire parler d’elle.
    • En moyenne, un épisode d’une série lambda coûte 3,5M$.

    Remarque : quand ils produisent une série tv, les studios achètent le projet. En cas de succès, ils récoltent l’ensemble de la mise. Au Royaume-Uni, les chaînes partagent les frais avec les producteurs mais le show appartient aux auteurs. C’est une grande différence.


  14. des séries PRESTIGIEUSES
  15. Une série tv est une opportunité pour une chaîne de faire parler d’elle, surtout pour les chaînes à abonnement qui ont de petites audiences. The wire est par exemple une série que personne n’a regardé aux US, mais HBO a eu une critique fabuleuse. Le show est alors resté à l’antenne pendant cinq saisons et 60 épisodes.

    Les séries TV américaines sont à leur apogée, c’est le meilleur moment pour en faire selon Spotnitz et Gasmer. Les studios sont prêts à produire des shows risqués : « bring us a world we haven’t seen before » alors que le cinéma US s’effondre, les super héros et les franchises fatiguant les auteurs qui se tournent de plus en plus vers la tv.

Vous connaissez maintenant les fondamentaux de l’industrie des séries US où chaque auteur/chaîne se bat pour retenir l’attention dans un paysage concurrentiel et/ou envahi par les coupures publicitaires. Les attentes des Européens envers leurs propres séries sont différentes. Nous verrons dans un prochain billet en quoi les évolutions récentes en matière de séries européennes donnent à réfléchir sur la façon d’écrire notre fiction nationale. D’ici là, n’hésitez pas à réagir et donner votre avis.

High concept remercie The Media Faculty et vous encourage d’ailleurs à vous inscrire à sa prochaine masterclass : écrire des films et séries d’animation où nous serons présents.

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