Selon la Sélection du Jour, la France demeure le premier marché européen et le troisième marché mondial cinéma, après les États-Unis et la Chine. (…) Le cinéma le plus fréquenté au monde est d’ailleurs français : l’UGC Ciné Cité Les Halles. (…) Tom Cruise aurait littéralement sauvé le cinéma en redonnant envie d’aller voir son Top Gun : Maverick, sur grand écran, comme l’en a félicité Steven Spielberg.
Si la reprise a été lente à venir pour l’industrie du cinéma en France post-Covid, la fréquentation commence à se rapprocher des niveaux de l’avant-pandémie. Le cinéma français, c’était 1,4 milliard d’euros de recettes en France en 2019. Ce marché était tombé à 0,4 puis 0,7 milliard en plein Covid, 2022 revenait à 1,1 milliard d’euros de recettes, avec seulement une trentaine de films au-dessus de la barre du million d’entrées.
Et si la France de 2023 se rapprochait de ce qui s’est passé dans les années 90 aux Etats-Unis ?
Rappel des faits :
Et Sony fut
Retour sur la fin 80-début 90 aux Etats-Unis, à mesure que les sources de financement se font plus rares, l’industrie américaine du divertissement se tourne vers l’orient et ses investisseurs japonais (industriels, agences de publicité, maison d’édition) qui, à cette période, ont maintenu la deuxième industrie d’exportation des États-Unis sous perfusion. Dans la branche cinéma de ladite industrie, tout commença en 1989, quand Sony racheta dans un premier temps Columbia Pictures pour cinq milliards de dollars, puis remit 800 millions de dollars sur le tapis pour épingler le duo magnifique que forment Peter Guber et John Peters (Batman, Rainman) afin qu’ils prennent la direction du studio. Ce fut ensuite JVC/Victor, le principal rival de Sony, qui investit 100 millions de dollars dans Largo Entertainment. Ils avaient désormais un aussi grand nombre d’actions que Larry Gordon, initiateur de cette maison de production à succès, spécialisée dans les films d’action…comme Die Hard et sa célèbre tour Nakatomi.
Le magnat médiatique nippon, Haruki Kadokawa, qui avait produit pour 42 millions de dollars Heaven and Earth, soutenait financièrement Triton, le distributeur indépendant qui avait commercialisé cette épopée. Quant à Juzo Itami (The Taxing Woman), il montait sa propre maison de production à Hollywood pour garantir ses projets américains à risques. Dentsu, le plus grand publicitaire du monde à cette époque, avait lui beaucoup investi dans le film de Wim Wenders : Until the End of the World et pour conclure le tout, en Décembre 1990, dans ce qui fut la plus énorme acquisition d’un studio américain par une firme étrangère, Matsushita (filiale du groupe JVC) achetait MCA pour 6,6 millions de dollars !
Le Japon rachète la chaîne de montage hollywoodienne
Le message est on ne peut plus clair : les grands films hollywoodiens constituent un produit typiquement américain que ni le Japon ni l’Europe ne peuvent reproduire. Incapable de copier le produit, les investisseurs étrangers ont tout simplement décidé d’acheter la chaîne de montage. Et même si la réponse des dirigeants d’Hollywood semble être que l’argent, d’où qu’il vienne, reste de l’argent, une vague de fond de mécontentement s’exprime de plus en plus ouvertement : est-ce que la pénétration financière japonaise à Hollywood risque de changer l’industrie ? En tentant d’accéder aux types de films qu’ils ne peuvent produire eux-mêmes, les japonais risquent-ils d’influencer le mode de fabrication ou la nature même du produit ?
Une seule limite au contenu : pas de Japon bashing
Quand le président de Sony, Akio Morita (qui se définit lui-même comme un « dur » et que beaucoup de japonais considèrent trop occidentalisé) acheta Columbia, il déclara tout simplement dans le New York Times : « Nous avons besoin du leadership américain », et fin 90, dans le même journal, Akio Tanii, président de la très conservatrice Matsushita, affirmait : « Matsuhita n’a aucunement l’intention de s’occuper des décisions concernant le sujet ou le contenu des produits créatifs de MCA ». Mais quand on demanda au même Tanii si Universal (filiale de MCA) pouvait faire un film sur le rôle de l’empereur Hiro Hito pendant la guerre, ou un film dont le sujet soit « très dur envers les japonais », il répondit : « Je n’ai jamais imaginé une telle opportunité, aussi ne puis-je vous répondre… ».
Retour en France
Les salles de cinéma françaises retrouvent leur panache avec une carte de blockbusters US et français : Oppenheimer, D’Artagnan, Barbie, Avatar, Super Mario, Astérix, Mission Impossible, Indiana Jones…
L’année 2022 s’était terminée avec une baisse de la fréquentation de 25% par rapport à la situation pré-covid (152 millions d’entrées en 2022, +59,2 % par rapport à 2021). Si la tendance se poursuit, 2023 devrait signer le retour final de la fréquentation et un chiffre d’affaires avec des performances équivalentes à l’avant crise sanitaire. Espérons, sinon qui pour nous sauver ?
Quand le gouvernement promet des aides équivalentes au tiers voire à la moitié de la production annuelle cinéma, on se doute que ce marché lui tient à cœur. Il faut sauver le soldat cinéma mais peut-être se sauvera-t-il tout seul après tout. Espérons.