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ScriptDoctor.frBlog du scriptdoctorécriture de fiction interactive ‒ jeu vidéo

écriture de fiction interactive ‒ jeu vidéo

Cinéma et réalité virtuelle, le nouveau couple gagnant ?

Le 19 juin dernier, l’ARP (la société civile des Auteurs Réalisateurs Producteurs) organisait des rencontres destinées aux professionnels, autour de la création, au Cinéma des Cinéastes à Paris. Dans un atelier, animée par la productrice Gaëlle Girre, était soulevée la question de la place qu’occupe l’expérience du spectateur et de l’apport des nouveaux médias à la narration. On ne pouvait soulever cette question sans parler de la réalité virtuelle (alias VR).

Un casque sur les yeux et les oreilles

La réalité virtuelle, pour ceux qui débarquent, est une technologie informatique qui simule la présence physique d’un utilisateur dans un environnement artificiellement généré par des logiciels.

En clair, vous avez un casque sur les yeux et sur les oreilles, voire une combinaison et des gants avec des capteurs et vous vivez une expérience de fiction « virtuelle » mais avec vos sens (vue, ouïe, toucher, odorat) qui, eux, sont bien réels.

Qui n’a jamais rêvé de plonger au milieu des poissons les plus jolis de la planète ? De se retrouver en haut du Machu Picchu ou à la cour de Louis XIV ? Et bien maintenant c’est possible… depuis son salon. Avec la VR, le spectateur devient « spect-acteur » (sic). Vous vous souvenez des livres dont vous êtes le héros ? De la préhistoire aujourd’hui.

Pour ceux pour qui la VR, c’est encore flou, allez voir Ready Player One, le dernier Spielberg. Vous comprendrez tout.

Du cinéma à la réalité ?

D’abord utilisée par les domaines militaire et médical, puis dans l’industrie du jeu vidéo, la VR toque aujourd’hui à la porte du cinéma. Une porte qui n’est pas encore complètement ouverte. Car si Morgan Bouchet, Directeur de l’innovation digitale chez Orange Content, nous confie passer la moitié de son temps à s’intéresser à la VR, il nous rappelle qu’on est encore dans une période de développement.

« On n’investit pas encore dans la création de fiction, on investit pour comprendre comment raconter des histoires avec ces nouvelles technos ».

Des technologies bien plus chères qu’au cinéma

A titre d’exemple, le film oscarisé à Cannes d’Alejandro González Iñárritu, Carne y Arena, entièrement fait en VR, qui nous plonge avec saisissement dans la peau d’un migrant mexicain en train de passer aux Etats-Unis, dure 7 minutes et a couté… 10 millions d’euros. Hum.

Jan Kounen, également présent à l’atelier, s’intéresse aussi de très prêt à la VR.

« C’est une autre façon de penser la narration, explique-t-il, plus proche de celle des développeurs de jeux vidéos. Le spectateur se déplace, que va-t-il se passer s’il fait ça ou ça ? La mise en scène doit guider son évolution en temps réel. Mais on est moins dans l’obsession d’un dénouement que dans la sensation, dans le ressenti de l’expérience. »

Le paradoxe : le virtuel veut nous connecter à nos sensations corporelles

« Le cinéma, la télé, le web, le mobile, se sont tous influencés mutuellement. La VR ne fera pas exception à la règle, précise Morgan Bouchet, et va considérablement transformer le paysage audiovisuel, ça ne remplacera pas le cinéma, ça va le compléter. »

Certes, on est pour l’instant d’abord dans l’expérience, pas encore dans la fiction, mais les technologies évoluent à vitesse exponentielle et les coûts baissent au même rythme. Et quand on ressort avec le cœur qui bat et des frissons sur la peau d’une expérience immersive de 7 minutes, on n’ose à peine penser dans quel état on sortirait après une heure trente.

Imaginez un grand huit d’une heure trente…

Formation sur la Réalité Virtuelle : VR in One Day, l’interview making-of

Dédiée aux professionnels du cinéma et de l’audiovisuel, VR in One Day offre un panorama complet des enjeux techniques, créatifs et financiers de la réalité virtuelle, augmentée et mixte.

High concept sera présent à l’événement et a eu le plaisir de poser trois questions à… Caroline Safir, directrice générale adjointe de Commune Image et organisatrice de VR in One Day.

VR in one day, l’interview making of

High concept sera présent à l’événement et a eu le plaisir de poser trois questions à… Caroline Safir, directrice générale adjointe de Commune Image et organisatrice de VR in One Day :

1/ Comment vous est venue l’idée de cet événement ?

Nous pensons que les auteurs, producteurs, auteurs, distributeurs de contenu classique sont encore mal informés des possibilités qu’offre la réalité virtuelle en termes de production. Nous avons aussi identifié que les acteurs français de la filière VR se distinguent déjà par la création d’expériences immersives de grande qualité. Pourtant, il n’existait jusque-là aucun dispositif structurant pour cette filière de la réalité virtuelle en France. C’est ainsi que nous avons lancé – COMMUNE IMAGE VR – le premier « phare » entièrement consacré à la création en réalité virtuelle.

Sous la bannière COMMUNE IMAGE VR il y aujourd’hui trois piliers mais plusieurs développements sont déjà en cours:

  • un Laboratoire VR (ouvert en septembre 2017),
  • un incubateur de création en réalité virtuelle (ouvert en novembre 2017),
  • et enfin le lancement de la formation – VR in One Day.

2/ Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur Commune Image ?

Commune Image est une Fabrique de Cinéma avec la dimension artisanale que cette terminologie implique mais aussi une réelle notion d’excellence. Nous sommes un haut-lieu du cinéma indépendant, et nous sommes déjà identifié sur le marché du cinéma et de l’audiovisuel sur les activités de production et postproduction. C’est ainsi que nous avons pu accompagner de nombreux réalisateurs de longs-métrages.

Mais notre secteur d’activité est à la frontière de domaines très divers : Commune Image c’est une fabrique de cinéma donc également un espace de coworking / incubateur de start-up et un lieu événementiel qui depuis 2017 acte résolument un développement vers la réalité virtuelle, augmentée et mixte.

3/ Quelle est l’ambition de VR in One Day ?

Le lancement du Lab et de l’incubateur VR au sein de la Fabrique de Cinéma qu’est Commune Image a permis d’abaisser les barrières qui existent parfois entre créateurs et producteurs de cinéma / audiovisuel et start-upers de la filière VR, AR, XR.

Notre ambition pour la formation VR in One Day, rejoint cette dynamique : il s’agit d’une journée dédiée aux professionnels du cinéma et de l’audiovisuel.

Au programme : panorama technique et créatif complet, économie générale, dispositifs de financement et recettes, focus sur les problématiques narratives et, bien sûr, échanges et networking avec les experts de la filière. Voilà de quoi tout savoir sur la réalité virtuelle, avant de se lancer !

High concept présent à VR in One Day

En présence d’experts de la filière dont Olivier Piasentin cofondateur de Nexus-Forward, Romain Bonnin de Flair production ou encore Ian Toullec cofondateur de VR Connection, cette journée abordera la totalité de la chaine de valeur à travers une typologie de diverses activités :

  • masterclass,
  • ateliers d’approfondissement,
  • tests VR,
  • temps dédiés au networking,
  • et bien d’autres échanges inédits autour de la réalité virtuelle.

Nous ne manquerons pas de vous faire part de nos retours sur la formation avec une attention particulière portée aux possibilités offertes par la réalité virtuelle en matière de narration interactive.

Une journée passionnante en perspective !

Les secrets des séries TV au service du jeu vidéo

Le 2 juin 2018, High concept était présent à l’Enjminale, la réunion des anciens de l’ENJMIN (école nationale du jeu et des médias interactifs numériques), pour une présentation sur « les secrets des séries TV au service du jeu vidéo ». Cédric Salmon, le fondateur de la méthode, et moi-même, Pierre-Antoine Favre (HC également), sommes intervenus pour faire découvrir ce que les ressorts de la dramaturgie peuvent offrir comme solutions à cinq problématiques identifiées en matière de narration interactive.

Je pose les questions des concepteurs de jeu vidéo et Cédric nous apporte les réponses de la dramaturgie !

1) L’explosion combinatoire

Tout scénario interactif repose sur des embranchements narratifs. Or, la volonté d’offrir une grande liberté au joueur se traduit rapidement par une augmentation exponentielle du volume d’écriture nécessaire pour prendre en compte tous les choix qui lui sont proposés : c’est la fameuse « explosion combinatoire ». Les concepteurs de jeux vidéo ont la migraine… Ils souhaitent beaucoup d’interactivité et voilà qu’ils se retrouvent face à un tel volume d’écriture à assumer que la qualité de la narration s’en retrouve forcément compromise. A l’inverse, la limitation des embranchements narratifs rend l’expérience trop linéaire, potentiellement source de frustration pour le joueur.

Nous sommes dans l’idée que pour proposer un scénario interactif satisfaisant, il faut au moins proposer des fins alternatives. D’où cette question à Cédric :

La réponse de Cédric Salmon (CS) : posons-nous tout d’abord la question de savoir si nous avons vraiment besoin d’un grand nombre de fins différentes ? Il est intéressant de constater que, contrairement à l’idée reçue, la « fin d’un film est donnée en fait au début », sans que cela nuise à la dramaturgie !

Ainsi, au début des Aventuriers de l’arche perdue, la CIA donne une mission précise à Indy : trouver pour eux la relique avant les nazis, car cette dernière pourrait bien permettre à son détenteur de gagner la guerre…

Cet objectif n’est autre que l’annonce du dernier plan du film : l’arche, ramenée par Indy, est stockée dans un gigantesque hangar de la CIA. Surpris ? Alors vous risquez bien de tomber de votre chaise en cliquant ci-dessous…

De manière intéressante, Indiana Jones ne fait qu’échouer dans le film ! Il ne parvient pas à récupérer l’arche qui tombe entre les mains des nazis. Et pourtant, une fin survient, qui paraît presque indépendante des actions d’Indiana Jones dans le film (laissons Amy, de Big bang theory, nous l’expliquer dans la vidéo ci-dessus). Le spectateur n’est pas troublé pour autant, la fin est satisfaisante pour lui car elle lui avait été annoncée.

Nous découvrons ainsi que nous devons nous concentrer sur la qualité des parcours narratifs proposés au joueur, plus que sur le nombre de fins offertes. Provoquer des goulots d’étranglement dans la narration à partir d’une restriction du nombre de sous-fins et de fins du récit permet de juguler le problème de l’explosion combinatoire, sans nécessairement empêcher la qualité du récit.

2) La difficulté de l’identification

Notre deuxième problématique : nous pouvons adorer l’avatar que nous incarnons à l’écran dans un jeu vidéo et pourtant… il est rare de ressentir une profonde empathie, nous ne nous identifions que rarement aux personnages dans un jeu vidéo. Par exemple, nous pouvons adorer Mario, personnage bien sympathique, mais sommes-nous réellement en situation de nous identifier à lui (dans un jeu ou dans l’adaptation au cinéma) ?

Une question que nous devrions nous poser pour avoir une chance de bien analyser le problème et d’y répondre : mais tout d’abord, qu’entendons-nous vraiment par identification ?


CS :  De manière intéressante (et démontrée scientifiquement), les processus qui permettent l’identification du spectateur à un personnage dans une fiction reposent sur un maître mot : l’ego ! Nous nous identifions à un personnage lorsqu’il est valorisant pour notre ego (= lorsque nous pourrions imaginer être à sa place car cela est flatteur pour notre ego).

Dans le Silence des Agneaux, nous nous identifions à Clarice Starling car c’est elle, toute stagiaire en formation qu’elle puisse être encore, que le FBI vient chercher pour résoudre un cas difficile (= waouh ! cela doit vouloir dire qu’elle est super forte !).

De plus, son intelligence et son sang-froid sont mis à rude épreuve quand elle doit se confronter à Hannibal Lecter pour aider le FBI dans son enquête (= son ego est fortement menacé).

En général, le jeu vidéo réussit bien à donner un rôle valorisant au joueur (son personnage a des capacités réelles et puissantes). En revanche, le jeu vidéo peine souvent à faire vivre du conflit qui menace l’ego. Pour cela, une seule solution, passer par la narration (le gameplay seul ne suffit pas) !

3) La dissonance ludo-narrative

Notre troisième problématique : la dissonance ludo-narrative qui désigne le défaut de superposition qui peut exister dans un jeu entre le gameplay et la narration, lorsque celle-ci est présente.

Dans les jeux où le gameplay prédomine, les risques de conflits avec la narration sont réduits. Comme par exemple dans les jeux de simulation. Mais il en va différemment dans un jeu avec une forte composante narrative. Par exemple, qu’advient-il si la narration suggère au joueur de faire des loopings avec son avion en lui expliquant qu’il est un pilote d’élite alors qu’il est tout débutant dans un jeu de simulation de vol ?

L’idéal serait de pouvoir superposer la narration à l’action proposée au travers du gameplay. Or, nous évitons bien souvent cela car nous ne voyons pas tellement comment la narration pourrait être passionnante si elle est strictement calquée sur les actions du joueur. Pour offrir un récit captivant, il est nécessaire de provoquer des rebondissements à travers la narration qui accompagne le gameplay, mais avec souvent pour conséquence une certaine artificialité dans la démarche. D’où notre question : comme pouvoir fonder une narration sur l’action de manière convaincante ?

CS : Loin d’être un frein à l’originalité, la tâche est en réalité le principal vecteur d’originalité à Hollywood ! Fonder un scénario sur une tâche conflictuelle permet en outre de trouver de façon naturelle des situations qui conduisent au climax.

Là où d’autres films ont mis en place des personnages qui cherchent à fuir des tornades à tout prix, Twister a l’intelligence de mettre en scène des scientifiques qui doivent déposer des sondes au cœur de la tornade : la tâche est conflictuelle, il faut à la fois aller au cœur de la tornade et y échapper à tout prix !

En travaillant avec une telle méthode, imaginer une superposition de la narration au gameplay, de la tâche narrative à l’action interactive, n’est alors plus un handicap en matière d’originalité du scénario.

4) La liberté du joueur

Notre quatrième problématique concerne la liberté du joueur. Nous voulons certes lui donner de la liberté dans ses choix et ses orientations, permettre à son personnage de s’orienter, de se réaliser et de se transformer selon ses désirs. Nous vivons dans l’illusion que tout récit fictionnel doit se traduire par le changement du héros selon le fameux « parcours romanesque ». Or, cette liberté laissée au joueur est-elle compatible avec les parcours prévus par les concepteurs du jeu ? Des concepteurs qui doivent par ailleurs réussir à canaliser l’évolution du héros selon ce qu’ils ont prévu (cf. le problème de l’explosion combinatoire).

Nous nous posons donc cette question : comment guider l’évolution du personnage incarné par le joueur sans non plus trop nuire à sa liberté et lui laisser l’impression parfois très désagréable que ses actions n’ont aucun impact sur l’évolution de son personnage ?

CS : Il est faux de penser que le personnage change dans une série TV. Au contraire, il ne cesse de se révéler tel qu’il est, même si nous n’étions pas toujours en mesure de le voir.
En réalité, l’addiction du spectateur provient justement d’une répétition cachée : la licence. Si nous aimons une série, c’est parce qu’elle comporte toujours invariablement la même saveur. C’est l’équivalent de nos yaourts préférés au supermarché, nous les rachetons parce que leur goût ne change pas et que nous l’aimons ; si le goût change, nous cessons de les acheter. Il en va de même pour une série TV.

Dans cette scène de Breaking Bad, Walter White s’en prend de manière violente à un gros balèze dans une boutique. Nous pourrions croire qu’il est enfin passé du statut de prof-geek-looser à celui d’un véritable caïd. Sauf que cette scène est présente dès le pilote de la série ! Dès le premier épisode, nous avons un indice fort que Walter est violent. Dans cette série, il ne devient pas caïd. Il l’est déjà.

Nous pourrions croire qu’il en va différemment dans le jeu vidéo et pourtant… Que faisons-nous lorsque nous créons un personnage dans un jeu de rôle ou un MMORPG (jeu de rôle en ligne massivement multijoueur) ? Nous choisissons une classe de personnage, ce qui est déjà une manière de vouloir se conformer à un archétype de gameplay. Et sans doute pas uniquement de gameplay : vouloir jouer un « paladin, chevalier de la lumière » a-t-il la même connotation en termes de narration que de vouloir incarner un « mort-vivant démoniste » par exemple ?

Même dans un jeu vidéo, nous pouvons considérer que le joueur peut apprécier de tendre vers un archétype immuable pour son personnage. Il veut se conformer à un archétype, mais ce qui n’empêche pas les conflits dans l’aventure et son identification au personnage.

5) Comment écrire pour la narration interactive ?

Enfin, notre dernière problématique : comment écrire ? Une création vidéo-ludique avec tous ses embranchements peut nécessiter un important volume d’écriture. Comme pour une série télévisée, il est important de se poser la question du processus de fabrication afin de rendre celui-ci à la fois rapide et qualitatif.

Or, les professionnels du jeu vidéo ont bien souvent cette sensation que la dramaturgie classique n’est pas capable de s’attaquer aux spécificités d’un média interactif car elle en ignore tout simplement ses contraintes. Comment gérer les interruptions de la narration liées au gameplay, la pause pipi du joueur (le fameux « afk bio »), les interruptions liées aux sauvegardes puis à la reprise du jeu (parfois après plusieurs semaines d’interruption…) ?

CS : Les séries TV sont confrontées depuis les années 60 au problème de la perte d’attention du spectateur liée aux coupures publicités. Les séries TV savent en fait parfaitement gérer les interruptions et permettre à un spectateur de pouvoir recoller avec une intrigue quand bien même il pourrait en avoir manqué certains passages ou ne plus s’en souvenir.

Quelques exemples de techniques : le cliffhanger (une information au dernier moment, juste avant une coupure, pour vous donner envie de regarder la suite), l’aftermath (qui permet aux personnages de discuter entre eux des conséquences d’un événement fort – utilisé après une coupure, cela permet de remémorer au spectateur ce qui s’est passé), la verbalisation… Tout aussi visuel que puisse être le média de la TV, faites le test, fermez les yeux pendant une série TV et écoutez… ! Vous verrez la somme d’informations qui sont transmises de façon orale et qui permettent de remémorer au spectateur tout ce qu’il y a besoin de savoir pour suivre le récit.

Les techniques se sont considérablement raffinées et systématisées dans les années 90. La série 24 heures en est une parfaite illustration avec son schéma de construction de chaque épisode qui est un modèle d’efficacité.

La solution au service du jeu vidéo c’est de mobiliser l’efficacité des techniques de l’écriture industrielle. A titre indicatif, un atelier d’écriture comme celui de High concept est capable de produire en une semaine la narration équivalente à une heure de fiction.

Formation à l’écriture interactive

Si vous souhaitez en savoir plus, High concept ouvrira prochainement une formation dédiée à l’écriture interactive. Stay tuned, la suite au prochain épisode ! 🙂

En attendant vous pouvez télécharger ici l’intégralité de la présentation de High concept à l’Enjminale 2018

Le défi de la narration interactive : la dissonance ludo-narrative

Ou mieux encore, comment en tirer profit ? L’exemple du jeu vidéo.

Ludologie vs narratologie

Dans le domaine émergent des « game studies », les études sur le jeu vidéo (si si, c’est très sérieux !), il existe une opposition théorisée de longue date entre les « ludologues » (ou « ludologistes ») et les « narratologistes » (ou « narrativistes »). Les premiers considèrent que dans le jeu vidéo, l’interaction et la narration sont incompatibles car elles se phagocytent mutuellement. A l’inverse, les seconds sont d’avis que les jeux vidéo sont narratifs et que les théories narratives sont la clé pour les étudier.

Le débat est quasi aussi vieux que l’existence du jeu vidéo lui-même. Et il ne s’est pas dissipé avec ses moyens techniques de plus en plus considérables qui n’ont cessé d’augmenter ses prétentions narratives. Même si cette opposition théorique est surjouée, elle n’en décrit pas moins une difficulté pratique inhérente à la réalisation d’un jeu vidéo dès lors que celui-ci comporte une dimension narrative.

Dans un jeu vidéo, la narration est parfois en décalage, voire en contradiction, avec l’interactivité – le gameplay proposé au joueur. Cette dissonance ludo-narrative est le plus souvent indésirable dans ses effets car elle nuit à l’immersion dans le jeu et dans le récit proposé.

Dans The Dig, un jeu d’aventure de type « point-and-click » qui date de 1985 (époque où le genre était à la mode), le joueur incarne le commandant d’une mission d’astronautes qui a pour but de faire exploser un astéroïde avant que celui-ci ne détruise la terre. Le jeu débute par une conférence de presse où le héros et son équipe sont présentés avant leur départ dans l’espace comme les meilleurs experts. Or, dès la première séquence interactive (de gameplay) où le joueur doit intervenir à la surface de l’astéroïde pour y positionner des charges explosives, le jeu s’avère d’une difficulté ardue. L’impression produite auprès du joueur est que l’équipe d’astronautes dont il pilote les actions n’est pas à l’aise comme le récit pouvait le laisser entendre.

C’est un cas typique de dissonance ludo-narrative et nous voyons la différence qui peut exister entre le jeu vidéo et le cinéma. Dans Armageddon (1998), un film où une équipe de spécialistes doit aussi faire exploser un astéroïde tueur, toutes les difficultés rencontrées par les personnages ne sont pas pour autant la source d’une incohérence qui remettrait en cause leurs compétences. Car ce n’est pas comme si le spectateur du film devait soudain s’improviser lui-même en expert de l’implantation d’une charge nucléaire après forage d’un corps céleste !

Solution N°1 : la difficulté progressive

La première solution au phénomène de la dissonance ludo-narrative est de proposer un gameplay à la difficulté très progressive.

Call of Duty : Modern Warfare 2 (2009) prend ce principe littéralement au pied de la lettre puisque sitôt la cinématique d’introduction terminée, le jeu met le joueur dans la peau d’une recrue qui doit s’essayer au tir des armes pendant une séance d’entraînement.

Modern Warfare 2 est en outre célèbre pour avoir proposé un calibrage de la difficulté de la suite du jeu en fonction des résultats obtenus par le joueur lors de cette séance, ce qui garantit une expérience ludique optimale et diminue les risques de conflit avec la narration.

Cette solution a néanmoins deux inconvénients : le premier, c’est qu’elle requiert un contenu hautement « scripté », c’est-à-dire très scénarisé à la fois en termes de narration et de programmation de l’interaction. Cela suppose un travail conséquent qui se traduit aussi par un budget élevé. Le second inconvénient, c’est que le coût d’une telle approche limite la volonté de créer des embranchements narratifs et a donc tendance à induire une expérience de jeu très linéaire. (La série des Uncharted en est un bon exemple. Si elle brille par ses effets de mise en scène, ses scénarios de bonne facture et une qualité sans cesse louée par la critique et les joueurs, sa proximité avec l’expérience filmique fait sa force mais peut aussi laisser le regret d’un manque d’alternatives dans la narration.)

Et lorsque le résultat des actions du joueur pourrait supposer des issues différenciées selon leur degré de réussite, il peut en résulter une frustration du joueur si la narration persiste dans une voie unique.

FIFA 17 et son « mode aventure » propose au joueur d’incarner Alex Hunter, un jeune espoir du football anglais. De manière logique et pour respecter le principe d’une difficulté progressive, le récit débute par une visite à l’académie nationale du football pour des tests de sélection. Le but est de faire partie des dix meilleurs sportifs. Or, même lorsque le joueur démontre de belles qualités, il pointe systématiquement à une décevante neuvième place au final et il n’est pas dupe comme dans la suite de la vidéo ci-dessous, lorsqu’il devine que cette place est voulue par le déroulement scripté du jeu…

Cela fait suspecter un embarras des développeurs de FIFA 17 qui ont sans doute souhaité qualifier le joueur quoiqu’il arrive, pour éviter un inconvenant « game over » dès le début de l’aventure. La neuvième place permet donc de contenter le cas de figure d’un joueur qui réussirait mal les tests et celui d’un joueur qui au contraire les réussirait bien. Sauf que dans le cas de la vidéo, le joueur réussit une partie des tests haut la main et ne comprend donc pas la manière dont son succès est minoré par la narration. En l’occurrence, cette neuvième place n’est pas immuable – c’est ce que confirment les vidéos d’autres joueurs – mais l’impression laissée par le jeu est là !

Solution N°2 : le déphasage narration-gameplay

Une manière d’éviter la dissonance ludo-narrative est de faire en sorte que la narration et l’action vidéo-ludique ne puissent se superposer qu’en certains moments clés du récit et de l’aventure. Et autrement, de faire en sorte que la narration soit parfaitement découplée de l’action du joueur.

Le jeu Bastion (2011) en offre l’illustration. La voix du narrateur est en partie extradiégétique. Elle agit comme une narration d’ambiance sauf à certains moments clés : l’indication d’un type particulier d’action à réaliser pour la première fois, l’introduction à certains éléments du jeu comme les potions à boire ou la découverte d’une arme spéciale, etc. Libre ensuite au joueur de prêter attention à la narration… ou pas !

Ce type de solution s’adapte bien aux jeux dont le gameplay est relativement frénétique comme les « hack ’n’ slash » ou les « shoot’em up ». L’intensité des phases de jeu suppose une mobilisation cognitive du joueur qui rend difficile le suivi d’une narration étoffée en parallèle. Un shoot’em up récent comme Aka to Blue propose des interventions très fréquentes de personnages en médaillon pour ponctuer le déroulement du jeu. Même en japonais (le jeu ne fait l’objet d’aucune traduction des voix) et donc même si nous n’y comprenons rien (à moins que vous ne parliez couramment le japonais…), rien n’empêche de pouvoir jouer au jeu. La narration n’y est que secondaire par rapport au gameplay.

Cela indique aussi la limite du procédé, il est utile pour les jeux où le gameplay est dominant. En revanche, pour les jeux où la dimension narrative se veut plus importante, cela peut se traduire par le recourt à des cinématiques qui jalonnent les phases de gameplay et où les choix narratifs sont souvent rares ou inexistants pour le joueur. Lorsque le scénario du jeu est une réussite, cela fait tout de même regretter de ne pas avoir d’avantage exploité les possibilités d’interaction ; lorsque le scénario est mauvais, cela fait apparaître celui-ci comme un pur prétexte dont le joueur se serait bien passé.

Solution N°3 : les conséquences croisées

Le contre-pied de la solution précédente est de rechercher au contraire des synergies entre la narration et le gameplay.

This War of Mine (2014) est un jeu de survie où le joueur incarne un groupe de survivant dans un pays en guerre inspiré de l’ex-Yougoslavie. Le gameplay alterne entre une phase de jour où les survivants organisent leurs moyens dans la maison qui leur sert de refuge et une phase de nuit où l’un des membres du groupe part en quête de ressources pendant que les autres dorment ou montent la garde. Par intermittence, les survivants reçoivent la visite de personnes en détresse. Les aider ne procure aucun avantage immédiat et conduit même à devoir se priver de précieuses ressources. A l’inverse, ne pas les aider conduit à une baisse de moral des survivants. Dans les deux cas, le choix du joueur a des répercussions sur le gameplay.

De même, permettre aux survivants de se reposer pendant la nuit est important, mais monter la garde l’est aussi en cas de tentative d’intrusion. Une intrusion conduit non seulement à un vol de ressources mais un des membres du groupe peut aussi être blessé ou pire, tué. Ses compétences manquent alors cruellement aux autres membres du groupe, sans compter l’impact sur le moral.

Les événements narratifs et le gameplay sont ici mêlés avec beaucoup d’à-propos. Le jeu démontre que l’harmonie ludo-narrative est possible !

Exploiter la dissonance ludo-narrative

Plutôt que de vouloir résoudre le problème de la dissonance ludo-narrative, il est même possible de tenter d’en tirer parti.

Dans Shadow of the Colossus (2005), le joueur incarne un guerrier qui a pour mission de tuer seize colosses. Ces colosses prennent la forme de géants paisibles et inoffensifs à moins d’être attaqués – ils n’ont en outre causé aucun préjudice au héros.

Le gameplay du jeu consiste pourtant à les pourchasser alors qu’il n’existe qu’une justification très ténue pour cela en termes de scénario. Un décalage assez clair apparaît entre la dimension narrative et l’interaction proposée au joueur. Sauf que dans Shadow of the Colossus, ce qui pourrait passer pour un banal cas de dissonance ludo-narrative contribue à conférer une atmosphère toute particulière. Le jeu a justement marqué les esprits par son ambiance unique et l’émotion qui s’en dégage:

Le cas de Shadow of the Colossus est l’occasion de nous rendre compte que de la même manière qu’il existe une grammaire de l’interaction propre au jeu vidéo, il existe aussi une originalité de la narration interactive, inédite et non réductible aux formes narratives antérieures. Nous aurons l’opportunité d’explorer cette originalité dans de futurs articles et de découvrir à quel point le recours au 1-2-3© de la méthode High concept peut être d’un apport inestimable pour mieux structurer un récit afin de lui permettre de répondre au défi de l’interactivité.

A bientôt sur le blog du scénario 🙂

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