Un cinéma des cinq sens, est-ce possible ? La réalité virtuelle va-t-elle bouleverser la façon de suivre une fiction ?.
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Le 19 juin dernier, l’ARP (la société civile des Auteurs Réalisateurs Producteurs) organisait des rencontres destinées aux professionnels, autour de la création, au Cinéma des Cinéastes à Paris. Dans un atelier, animée par la productrice Gaëlle Girre, était soulevée la question de la place qu’occupe l’expérience du spectateur et de l’apport des nouveaux médias à la narration. On ne pouvait soulever cette question sans parler de la réalité virtuelle (alias VR).
Un casque sur les yeux et les oreilles
La réalité virtuelle, pour ceux qui débarquent, est une technologie informatique qui simule la présence physique d’un utilisateur dans un environnement artificiellement généré par des logiciels.
En clair, vous avez un casque sur les yeux et sur les oreilles, voire une combinaison et des gants avec des capteurs et vous vivez une expérience de fiction « virtuelle » mais avec vos sens (vue, ouïe, toucher, odorat) qui, eux, sont bien réels.
Qui n’a jamais rêvé de plonger au milieu des poissons les plus jolis de la planète ? De se retrouver en haut du Machu Picchu ou à la cour de Louis XIV ? Et bien maintenant c’est possible… depuis son salon. Avec la VR, le spectateur devient « spect-acteur » (sic). Vous vous souvenez des livres dont vous êtes le héros ? De la préhistoire aujourd’hui.
Pour ceux pour qui la VR, c’est encore flou, allez voir Ready Player One, le dernier Spielberg. Vous comprendrez tout.
Du cinéma à la réalité ?
D’abord utilisée par les domaines militaire et médical, puis dans l’industrie du jeu vidéo, la VR toque aujourd’hui à la porte du cinéma. Une porte qui n’est pas encore complètement ouverte. Car si Morgan Bouchet, Directeur de l’innovation digitale chez Orange Content, nous confie passer la moitié de son temps à s’intéresser à la VR, il nous rappelle qu’on est encore dans une période de développement.
« On n’investit pas encore dans la création de fiction, on investit pour comprendre comment raconter des histoires avec ces nouvelles technos ».
Des technologies bien plus chères qu’au cinéma
A titre d’exemple, le film oscarisé à Cannes d’Alejandro González Iñárritu, Carne y Arena, entièrement fait en VR, qui nous plonge avec saisissement dans la peau d’un migrant mexicain en train de passer aux Etats-Unis, dure 7 minutes et a couté… 10 millions d’euros. Hum.
Jan Kounen, également présent à l’atelier, s’intéresse aussi de très prêt à la VR.
« C’est une autre façon de penser la narration, explique-t-il, plus proche de celle des développeurs de jeux vidéos. Le spectateur se déplace, que va-t-il se passer s’il fait ça ou ça ? La mise en scène doit guider son évolution en temps réel. Mais on est moins dans l’obsession d’un dénouement que dans la sensation, dans le ressenti de l’expérience. »
Le paradoxe : le virtuel veut nous connecter à nos sensations corporelles
« Le cinéma, la télé, le web, le mobile, se sont tous influencés mutuellement. La VR ne fera pas exception à la règle, précise Morgan Bouchet, et va considérablement transformer le paysage audiovisuel, ça ne remplacera pas le cinéma, ça va le compléter. »
Certes, on est pour l’instant d’abord dans l’expérience, pas encore dans la fiction, mais les technologies évoluent à vitesse exponentielle et les coûts baissent au même rythme. Et quand on ressort avec le cœur qui bat et des frissons sur la peau d’une expérience immersive de 7 minutes, on n’ose à peine penser dans quel état on sortirait après une heure trente.
Imaginez un grand huit d’une heure trente…
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