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ScriptDoctor.frBlog du scriptdoctorindustrialisation de l’écriture ‒ développer un ép. de série

industrialisation de l'écriture ‒ développer un ép. de série

BBC : un modèle pour notre audiovisuel public ?

Et si nous prenions vraiment la fiction britannique pour modèle pour réorganiser notre fiction TV hexagonale ? La masterclass organisée par The media faculty les 27 et 28 mars dernier à Paris nous permet de vous faire un point sur le système de production de fictions de la BBC dont les réussites donnent matière à repenser notre façon de faire nos propres séries télé.

The commissionning system : un modèle économique vertueux de production de fiction TV ?

Alors que la BBC est très excédentairement rentable (dégageant avec sa fiction des centaines de millions d’euros de bénéfices à l’export tout en engrangeant de fortes audiences au niveau national et international), FTV enchaîne les contre performances et n’arrive pas à boucler les fins de mois malgré le maintien de la publicité. Comment expliquer nos contre-performances ?

  1. Une place de leader sur le marché local
    • La fiction de la BBC, c’est plus de 650 heures de fictions par an, pour un investissement de 387 millions d’euros. 200 millions de livres sont réservés au drama (genre roi) pour 450 heures de fiction à l’année. Inutile de rappeler que la BBC est essentiellement financée par la redevance.
    • En comparaison, France Télévisions, c’est un budget total de 250 M€ pour presque 430 heures de fiction produites par an en 2012. Entre les deux, malgré une supériorité de la BBC en termes de budget, les différences principales résultent surtout du modèle économique de production qui fait de l’une, une chaîne leader sur son marché national et de l’autre, un groupe public à la traîne.

      En 2013, BBC 1 est la première chaîne du Royaume Uni avec une part de marché d’environ 21%, stable malgré la multiplication des chaînes concurrentes. BBC 2, la deuxième chaîne du groupe culmine à 7%. Seule ITV, a réussi à prendre une place significative avec une part de marché annuelle à près de 15%. De son côté, France Télévisions sombre petit à petit dans le fond de nos classements. France 2 ne cesse de perdre son audience avec une part de marché annuelle moyenne à 14% tandis que France 3 est passée dérrière M6 à environ 9%.

  2. Une part importante de la production de la BBC est faite en interne
    • 50% de la grille de la BBC est produite en propre grâce à des In house productions. Ces maisons de productions dédiées ont un contrat strict avec la chaîne publique et elles n’ont pas le droit de proposer leurs idées à d’autres chaînes. En contre-partie, elles sont assurées d’un flux de production. Ce sont des producteurs salariés.
    • Le reste est produit par des producteurs indépendants, qui font parfois partie de groupes audiovisuels plus importants.
  3. Remarque : beaucoup de cadres de la BBC sont d’anciens producteurs qui comprennent bien les problèmes inhérents à la production de fiction TV, ce qui n’est pas forcément le cas chez France Télévisions, où les carrières des dirigeants sont souvent construites en interne ou autour du service public.


  4. La BBC assume 100% des développements
    En effet, dès qu’un développement est engagé, 25% du budget est garanti puis, si le projet passe ses premières validations, une autre tranche de 25% est débloquée et ainsi de suite.

    Pour rappel, en France, le diffuseur n’accepte facialement de s’engager que sur 50% du budget d’écriture, ce qui nivelle de fait les montants alloués à cette phase essentielle. C’est la raison pour laquelle un producteur français n’ira jamais au-delà du plafond fixé par la chaîne et s’arrangera toujours pour récupérer sa mise sur le budget global de production, l’investissement dans l’écriture n’étant jamais rentable pour lui.

  5. Les décisions de mise en production sont prises suite à la lecture de la continuité dialoguée
    • Il faut au moins deux épisodes dialogués pour valider la mise en production d’une série TV à la BBC.
    • Pour les comédies, la lecture se fait directement avec les acteurs en table read, processus que j’avais commenté précédemment (la lecture du scénario, une étape négligée en France).
  6. La BBC finance plus de programmes originaux que FTV grâce aux bénéfices récoltés à l’export
    La série prestige Sherlock a été vendue sur 234 territoires. Elle a reçu plus de 40 awards à travers le monde, c’est aujourd’hui le plus gros hit de la BBC en termes de revenus alors qu’il n’y a que quelques épisodes de 90′ par an et que se sont passés 18 mois entre la première et la seconde saison…
    Au total, un quart du chiffre d’affaires de la BBC est fournie par sa filiale en charge des activités de vente de programmes dans le monde, ce qui représente plus d’un milliard d’euros dont plus de 300 millions d’excedent reversés directement à la maison mère.
    En comparaison, pour FTV en 2011, ce chiffre d’affaires représente environ 50 millions d’euros mais il ne suffit pas à couvrir l’exploitation de la filiale. FTV ne dispose donc d’aucun revenu sur ses ventes à l’export.

    La BBC exporte ses séries avec un système original : dramas, light crimes, dark crimes, fantasy dramas, sont remontés pour atteindre l’international. Par exemple, la nouvelle adaptation de War & peace prévue par la BBC en 2015 avec Andrew Davies à l’écriture est conçue comme un 6 x 60′ pour BBC 1 et comme un 8 x 45′ pour l’export.

  7. Une grille fiction flexible et diverse
    Le nombre d’épisode n’est jamais fixé à l’avance, il dépend de chaque projet. Il n’y a pas non plus de journée dédiée à des genres particulier, le samedi est plutôt drama, mais rien n’est gravé dans le marbre. Pour chaque projet, les programmateurs choisissent le meilleur horaire. Le public est ainsi habitué à cette flexibilité.

    Pour Sherlock, le premier épisode était un mercredi, le second un samedi sans que cela pose de problème ou affecte les audiences.

    Je vous renvoie également à l’excellente étude menée par M. Raynaud sur la diversité de la fiction britannique qui compare les programmations des chaînes françaises et anglaises. A budgets plus ou moins équivalents, la fiction britannique est cent fois plus diverse, créative, et donc rentable que sa consœur française.

  8. Des coûts de production maîtrisés
    • 800 000 livres (environ 1 M€) ont suffit pour financer le pilote de Sherlock (90 minutes). Sur ITV (la première chaîne privée concurrente), M. Selfridge (tournée en studio) coute 1,5 millions de livres (1,8 M€) et Downton Abbey, à peine un million par épisode.
    • En comparaison, le coût horaire moyen d’une heure de fiction sur France 2 est de 1,1 M€ et de 0,8M€ sur France 3 en 2012, soit un taux moyen à 0,7 M€. Ce même coût est estimé à 0,6M€ l’heure de fiction sur BBC. Ce n’est donc pas une question d’argent.
    • Avec des ressources équivalentes, la BBC et FTV ont un parcours de réussite diamètralement opposé. Tandis que l’une produit une fiction reconnue à l’international et valorisée au point d’être accusée régulièrement de profiter de sa position monopolistique, l’autre subit une crise interne de financement, d’investissement et de politique éditoriale telle que l’Etat est obligé d’intervenir et que le CSA émet des doutes sur sa capacité à remplir son contrat d’objectif et de moyen.

    Sur Sherlock, saison 1, 80% du budget a ainsi été financé par la BBC. Aujourd’hui avec le succès, un épisode coûte presque 2 millions de livres mais la vente du programme à l’export a permis de faire baisser la facture pour la BBC. La Saison 3 n’a été financée qu’à 60% par la chaîne publique, le reste étant complété par les residual fees venus de l’export. La chaîne a d’ailleurs signé en blanc (sans synopsis) pour deux saisons supplémentaires.


  9. Le développement des coproductions
    Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la BBC ne cherche pas forcément à faire des coproductions pour faire des coproductions, ce type de montage doit avoir un sens : soit parce que c’est tourné dans le pays, soit parce qu’il y a un auteur anglais, soit parce que l’histoire a un potentiel à l’international, etc.
    France TV est encore très timide sur ses coproductions : Death in Paradise a été coproduit avec la BBC. D’autres projets sont évoqués (cf. un billet précédent sur l’essor des coproductions en France), mais ils sont loin d’être un nouveau modèle de production. ARTE est bien plus dynamique avec une petite dizaine de projets en cours.

    Starz et BBC worlwide ont par exemple coproduit Da Vinci demons avec Starz en producteur leader sur la série. De même, BBC worldwide vient de signer une coproduction avec les Espagnols, sur une idée qui vient de l’Espagne et un tournage en langue anglaise.


  10. Réseaux sociaux et nouvelles technologies sont devenus des moyens naturels de promotion
    La technologie change les modes de diffusion : la TV de rattrapage devient la norme, de nouveaux opérateurs sont présents comme Netflix, Amazon, Hulu, qui créent eux-mêmes plus d’opportunités. La BBC vend désormais directement à Netflix US et n’hésite pas à faire des partenariats avec l’ensemble de ces nouveaux acteurs.

    • Un partenariat est déjà signé avec Hulu pour promouvoir 2000 programmes de son catalogue.
    • La BBC s’est engagée sur le développement de séries originales comme The wrong mans avec Hulu.
    • Elle vient de signer un drama intitulé Ripper street avec Amazon.

    Sherlock est passé de 9,5 à 13M de vues sur une semaine entre le premier et le second episode sur Netflix. Le making of et les jeux internet intéractifs sont directement planifiés pendant le tournage de la saison. L’application Internet de la série a été sous-traitée à Budget Factory pour un budget de plus de 100 000 livres.


  11. The writing system de la BBC
    Affichée comme une ambition première, la BBC privilégie la vision d’auteur. La chaîne a d’ailleurs investi dans sa writers room pour recruter de nouveaux talents. C’est comme si France TV avait elle-même développé un fonds d’aide à l’innovation.

    • Pour autant, en Angleterre, les auteurs sont aussi peu protégés qu’en France. Ils ont bien une guilde mais cette dernière n’est pas obligatoire pour travailler (elle n’a donc aucune efficacité réelle).
    • Comme en France, les auteurs négocient un minimum term, c’est-à-dire un forfait donné pour écrire, les autres revenus étant hypothétiques.
    • Comme en France, il n’y a pas d’atelier d’écriture. Broachurch, produite par ITV est écrite par un seul auteur, Sherlock, série produite par la BBC est écrite par 3 auteurs qui écrivent chacun un épisode de 90 minutes par an.
    • Comme en France, la chaîne produit des notes à la lecture des scénarios mais les auteurs sont plus ou moins libres de les accepter. Bien évidemment, plus l’auteur est reconnu, moins il y a de notes. Une négociation est toujours possible.
    • La vraie différence avec la France est la confiance donnée par la chaîne aux auteurs : qu’il soit débutant ou expérimenté, la BBC cherche avant tout à développer des séries d’auteur. Ces derniers sont d’ailleurs investis tout au long du processus de production. Steven Moffat et Marc Gattis sont les producteurs executifs de leurs shows, tout comme Andrew Davies sur War & Peace, tout comme Timothy Prager sur Silent witness.

      Le premier pilote de Sherlock, réalisé en 60 minutes avait été montré à un panel de spectateurs qui avait donné des résultats interessants. Steven Moffat, auteur de l’épisode, en avait retenu les leçons et avait ajouté les personnages de Moriarty et de Mycroft, attendus par le public qui souhaitait également que la police ait l’air plus stupide. Il n’a pas tenu compte d’autres remarques qui ne lui avaient pas paru aussi pertinentes.
      Afin de valider complètement le nouvel épisode dans sa version 90 minutes, une lecture avec les acteurs et la BBC avait été organisée.
      La diffusion de l’épisode en 2010 avait permis à la chaîne de séduire plus de 9 millions de téléspectateurs et d’engendrer beaucoup de bouche à oreilles.

Bref, s’il ne fallait retenir qu’une chose sur la BBC : c’est que contrairement à notre groupe public, la chaîne anglaise sait marier les impératifs commerciaux à une éthique éditoriale et à une exigence qualitative forte.

Deux fois plus de nouveautés qu’en France, inclusion systématique des nouvelles technologies, construction de véritables stratégies de vente pour l’export, la télévision publique anglaise dispose d’un savoir faire qui lui permet de saisir des opportunités pour produire des séries à gros budget capables de concurrencer l’industrie américaine tout autant que des shows à petits nombres d’épisodes pour son marché local et valorisés comme tel, qu’elle exporte également à l’international.

Un modèle à suivre. Qu’en pensez-vous ?

PS. C’est le sens d’un rapport du Sénat qui posait directement la question : la BBC, modèle à suivre ou simple source d’inspiration pour notre audiovisuel public ?

High concept remercie The Media Faculty et vous encourage d’ailleurs à vous inscrire à sa prochaine masterclass : écrire des films et séries d’animation où nous serons présents.

Lire un scénario avec les acteurs : étape négligée en France

Chez nous l’équipe artistique n’a pas souvent l’occasion de tester en lecture ce qui va être tourné tandis que cette pratique est courante aux US et dans d’autres pays. Faire lire un scénario aux acteurs avant le tournage, c’est s’assurer un premier élément de jugement sur ce que va donner la production. Pourquoi se priver alors de cet outil incontournable ? Décryptage.

Peu de lectures pour la fiction TV française, pourquoi ?

En France, les lectures organisées avec les comédiens sont souvent faites au théâtre, au cinéma et plus rarement en télévision. C’est dommage, elles seules permettent pourtant de se rendre véritablement compte de l’efficacité d’un scénario. Aux États-Unis, les « table-read » sont monnaies courantes, parce qu’exigées par les producteurs qui veulent voir sur pièce, ce qu’ils ont payé et ce à quoi ils doivent s’attendre.

En France, les lectures sont demandées surtout par les comédiens, le réalisateur et le scénariste, rarement par le producteur qui n’a plus besoin de se rassurer une fois qu’il a levé les fonds…

Nous voyons bien encore une fois la différence entre nos deux systèmes de production.

  • D’un côté, le système de production US exige des producteurs qu’ils mettent de leur poche au moins 50% du devis, ces derniers sont donc particulièrement vigilants au produit sur lequel ils investissent, il faut qu’il soit le plus viable, le plus performant possible, pour qu’il soit à terme le plus rentable possible surtout dans un univers très concurrentiel (je n’y reviens pas, pour tout savoir du marché US de l’écriture de série, notre masterclass qui vous apprend à créer une série comme aux US et qui compare le modèle économique de la fiction US avec le modèle français).
  • Un producteur de fiction française lève et fédère un plan de financement sur la base d’un scénario, également de son savoir-faire et du casting qu’il envisage. Une fois qu’il a fini son tour de table, il sait quel est son budget. Le but est ensuite de faire le film ou la série avec ce budget dans lequel il est censé injecter de sa poche 10% de la facture.En réalité, ces 10% ne sont quasiment jamais mis, le producteur fait son film avec l’apport du CNC (10% du budget), la ou les chaînes de TV qu’il a réussies à convaincre de pré-acheter (qui financent presque 80 à 90% du budget) et en complément quelques SOFICAS pour les derniers pour cents manquants.

    Dans ces conditions, une fois le budget levé et le projet en production, le rôle du producteur est essentiellement de veiller à ne pas dépasser son budget pour garantir sa marge, d’où parfois un désintérêt total sur la qualité intrinsèque de ce qu’il a réussi à financer. Peu importe le succès en salle ou en audiences, son risque est déjà amorti. Pas besoin, donc, de faire de lectures…

Pour tout scénariste et même pour tout réalisateur, ces lectures sont pourtant fondamentales : l’écriture est au départ un exercice solitaire où la seule voix qu’entend l’auteur dans sa tête est la sienne. Tous les personnages utilisent ses modes d’expression, son ton, son rythme. Pour aboutir à une forme finale, il est ainsi fondamentale d’organiser une lecture avec les comédiens qui outre leurs voix, incarnent les indications de narration et de mise en scène.

Les lectures avec les comédiens sont utiles à tous les stades de production

  1. Au début d’un projet, une lecture peut assurer qu’une scène marche réellement.
    • Elle peut aussi très vite exposer les failles d’une séquence, tant sur les dialogues eux-mêmes que sur les didascalies et indications de jeu.
    • Elle peut aussi permettre à l’auteur de résoudre un point qui lui pose problème.
    • À un stade précoce de développement aux US, il est ainsi courant de faire appel à des acteurs (de façon non rémunérée). En France, cela n’arrive jamais, sauf si vous avez des amis acteurs qui acceptent de vous dépanner.
  2. Quand un projet est dans une phase avancée de préparation, les lectures deviennent un moyen d’aider l’équipe à créer une dynamique de groupe.
    • Elles génèrent des remarques et des corrections pour l’auteur tout en fédérant le casting. C’est très courant au théâtre, moins au cinéma et encore moins fréquent en télévision.
    • Aux US, c’est souvent d’ailleurs la première étape de production une fois que le casting a été finalisé.
    • Bien évidemment, les acteurs se prêtent volontiers au jeu car ils ont beaucoup à gagner : ils font connaissance ensemble, n’ont pas à y mettre trop d’intention et permettent de rassurer tout le monde. Les lectures ne sont pas l’endroit pour essayer des nouvelles choses ou changer les personnages.

Les lectures peuvent également donner lieu à de véritables désastres

L’expérience de Justin Halpern, un scénariste connu à Hollywood (cf. La pire séance de lecture qui me soit jamais arrivée) est à ce titre révélatrice de tous les désavantages que peut apporter une lecture avec les comédiens devant la production (et la chaîne), ceci expliquant aussi pourquoi en France, on préfère parfois les éviter.

Voici une liste de tout ce que peut générer une mauvaise séance de lecture :

  • Lors d’une lecture, le représentant de la chaine de TV et/ou le producteur qui a acheté les droits du film ou de la série peut réaliser que ce qu’il a acheté ne convient en fait pas du tout à sa ligne éditoriale. Il y a ainsi une grande différence entre apprécier un scénario pour soi-même et représenter un groupe ou un collectif. Le résultat le plus probable d’une lecture dans ce cadre est un renoncement au projet.
  • Une mauvaise lecture révèle également facilement les points faibles d’un projet. Si le concept de départ n’est pas assez lisible, ne raconte rien d’original, au bout de quelques pages, il peut complètement s’effondrer. La lecture devient alors un supplice qui met en lumière tout ce qui ne va pas sans donner aucune direction pour améliorer le projet. Tout le monde réalise alors que le bateau va couler, ce qui peut être vraiment démotivant si le stade de production est avancé. Un renoncement de certains acteurs, ou du reste de l’équipe est ainsi toujours une possibilité sans parler du ou des auteurs qui doivent en peu de temps reprendre l’ensemble de leur projet avec de grandes chances de ne pas y réussir.
  • De même, si le scénario n’est pas assez bon ou si l’auteur n’a pas eu assez de temps pour y travailler, c’est aussi une catastrophe prévisible pour lui. Faire lire un mauvais scénario, c’est donc non seulement courir un risque de se faire humilier devant un grand nombre de gens, mais aussi ruiner ses chances sur la suite d’un projet.

    En comédie, si personne ne s’attend à lire le scénario parfait, une bonne lecture doit générer des rires sur au moins 60% des vannes. Le silence est ainsi le pire ennemi, c’est également la raison pour laquelle, aux US, les auteurs ont tendance à surcharger leur scénario de vannes pour s’assurer d’un minimum de rires. Peut-être une bonne attitude à copier en France ?

  • Enfin, faire lire un scénario avec des gens qui ne jouent pas le jeu, c’est s’exposer à de nombreuses critiques subjectives (parfois totalement injustes ou erronées) qui vont avoir comme conséquences de générer beaucoup de remarques et donc beaucoup de réécriture potentielle, ce qui explique également que certains auteurs préfèrent y renoncer.

Nous verrons dans un prochain billet, quelques exemples de lectures réussies et plus précisément ce à quoi elles doivent servir pour les scénaristes. Mais dès aujourd’hui, n’hésitez pas à partager avec nous vos expériences ratées ou réussies de lecture.

Créer un cliff hanger, élément clé de la structure d’un scénario de série

Le cliff-hanger (littéralement « type suspendu à une falaise ») est une technique qui a été popularisée sur des feuilletons US comme Dallas qui n’hésitaient pas à employer des moyens artificiels pour faire revenir leurs téléspectateurs. L’erreur de débutant consiste à croire qu’il s’agit de quitter le télespectateur sur une question dramatique non résolue à la fin d’épisode, le mystère étant censé l’intriguer. Mais si vous avez déjà côtoyé des gens qui font des mystères sur tout, vous savez combien cela peut être ennuyeux d’être ainsi exclu de la conversation. C’est pourquoi, la technique d’un cliff hanger est rigoureusement opposée.

Le bon cliff et le mauvais cliff hanger

La mauvaise façon de faire un cliff hanger est donc de créer un mystère : on compte sur le fait que le spectateur veuille savoir ce qui se passe pour revenir.

Exemple de mauvais cliff, nous laissons le télespectateur sur une question de type : mais qu’y a-t-il dans cette boîte que vient d’ouvrir le personnage en criant !

L’objectif d’un cliff hanger est bien en effet de susciter chez le télespectateur le désir de voir le prochain épisode or il faut savoir que l’on ne désire que ce que l’on peut visualiser. Le cliff est donc l’annonce de ce que nous allons voir dans le prochain épisode : une promesse teintée de crainte.

Dans cette optique, deux types de cliffs existent : les cliffs de fin de saison et ceux de fins d’épisodes. Ils correspondent en fait chacun à 2 types d’écriture : l’écriture horizontale et l’écriture verticale.

  • Horizontalement : vous devrez décrire les éléments importants d’une intrigue fil rouge (soit un 1-2-3 par saison).
  • Verticalement, vous décrirez une intrigue particulière (soit un 1-2-3 par épisode).

Pour construire vous aussi des 1-2-3 efficaces, n’hésitez pas à commencer notre formation avec la masterclass comment créer un concept.

  1. Exemple de cliff de fin d’épisode avec Prison Break : à chaque épisode le héros fait une étape de son plan grâce à son tatouage (tâche verticale). Pour en savoir plus, n’hésitez pas à vous reporter à notre exercice d’écriture du mois qui décrit la licence de Prison Break.

    Dans l’épisode 2 de la saison 1, le plan de Michaël nécessite de dévisser les toilettes de sa cellule MAIS la vis est volée par un détenu blanc. Son plan implique également de faire croire qu’il est diabétique pour obtenir un médicament MAIS le détenu qui peut le lui fournir est noir, alors qu’une émeute raciale gronde. Dans l’épisode suivant, il faudra donc qu’il récupère sa vis mais également qu’il sympathise avec un détenu noir alors que ce dernier veut sa peau (cliff). Dans un autre épisode, il a un nouveau codétenu. L’homme en question est un dangereux psychopathe qu’il devra donc gérer dans le prochain épisode (cliff). Dans un autre épisode, un détenu découvre qu’il cherche à s’évader et le fait chanter : s’il ne le prend pas avec lui, il sera dénoncé. Dans l’épisode suivant, le héros aura donc un nouvel adjuvant.

  2. Exemple de cliff de fin de saison avec Friends : ces cliffs s’envisagent comme une promesse pour une nouvelle direction pour la saison suivante (cette direction devant faire varier très peu la licence).

    Saison 1 — Lors de sa fête d’anniversaire, Rachel ouvre le magnifique cadeau laissé pour elle par Ross qui a du partir précipitemment en Chine pour aller étudier un site archéologique. Elle comprend avec émotion que Ross est amoureux d’elle lorsque Chandler vend la mèche par inadvertance. Elle tente alors de le rejoindre à l’aéroport avant son départ pour lui avouer qu’elle partage aussi ses sentiments, mais le manque de peu. CLIFF : au retour de Ross, Rachel se rend à nouveau à l’aéroport pour lui avouer ses sentiments mais elle ne se doute pas que Ross a trouvé la-bas une nouvelle petite amie : Julie. Nous voyons Ross embrasser Julie juste avant de passer la porte de débarquement…
    Saison 3 – Ross et Rachel viennent de se séparer mais acceptent de se retrouver avec la bande dans une villa près de la plage. Ross sort avec Bonnie, une jeune-fille fun qui rejoint le groupe à la villa au grand dam de Rachel, toujours amoureuse de Ross. Faisant tout pour séparer Ross de Bonnie, Rachel arrive à persuader la jeune femme de se raser la tête. Dépité par le changement esthétique de Bonnie, Ross est encore plus surpris quand il découvre que Rachel l’aime encore. Il doit alors choisir entre sa rigolote mais chauve nouvelle petite amie et Rachel, l’amour de sa vie. Lorsqu’il a pris sa décision, il est dans un couloir qui mène à deux portes, l’une correspondant à la chambre de Rachel, l’autre à celle de Bonnie. CLIFF : Ross pénètre dans l’une des deux chambres et laisse échapper un « Hi ». Nous ignorons quelle porte il a choisie.
    Saison 4 – Nous sommes à Londres pour le mariage de Ross et Emily. Tandis que Phoebe (toujours bloquée à l’appartement parce qu’enceinte) essaye de prévenir le groupe de l’arrivée intempestive de Rachel, bien décidée à briser le mariage de Ross, un autre couple est en train de se former entre Monica et Chandler. CLIFF : suite à leur nuit d’amour, nous nous demandons si Chandler et Monica vont rester ensemble. Suite à la présence de Rachel qui décide finalement de ne pas lui parler de ses sentiments, Ross perturbé, prononce le nom de Rachel au lieu de celui d’Emily lors de ses vœux de mariage… Nous nous demandons comment Emily va réagir et si elle ne va pas annuler tout simplement le mariage.

Dallas, le paradigme du cliff hanger

Pour la fine bouche, je ne résiste pas à vous montrer jusqu’où les auteurs de Dallas, l’une des séries les plus diffusées au monde, sont allés pour faire revenir leur téléspectateurs. À chaque fois, ils ont laissé planer une menace très forte sur leurs personnages principaux :

  • Sue Ellen en Saison 1 :
  • Bobby en saison 8 (qui reviendra d’ailleurs à la fin de la saison suite à la demande des fans) :
  • JR en saison 11 :

    Et vous, quels sont vos cliffs préférés ?

Où sont les showrunners français?

Rôle à la mode chez nos voisins outre-Atlantique qui déclinent la fonction au nombre grandissant de séries télé qui peuplent leurs chaînes, ce statut qui est censé désigner le patron artistique et économique d’une série télé américaine est aussi un mot trompeur vu de France. Car, le showrunner aux États-Unis désigne à la fois une fonction mais aussi des compétences et des responsabilités étendues que nous avons du mal à appréhender en France tant notre modèle de production de série est éloigné des process industriels US sans même parler du copyright.

Le showrunner est la garantie d’une production en flux tendu

The one who runs the show. Le terme showrunner est né de la nécessité de distinguer le producteur exécutif des autres responsables de production (scénaristes compris) sur un show TV. Être un showrunner est analogue au rôle d’un sélectionneur de football. Bien qu’il relève d’une administration, il est toujours perçu par les joueurs, le staff encadrant, le public et les journalistes comme la force motrice de l’équipe. Il est loué si l’équipe gagne, conspué si l’équipe perd.

Sur les gros networks, le showrunner doit développer en moyenne 22 épisodes au cours de chaque saison de Septembre à mai, ce qui signifie sortir un script de 52 pages tous les huit jours, soit l’équivalent de la production d’environ 10 films par an. Cette obligation a permis aux auteurs de prendre le pouvoir car sur une production en flux tendus (on écrit en même temps qu’on tourne), il y a un besoin de continuité artistique entre l’écriture et la réalisation.

Cependant, le showrunner n’apparaît pas au générique en tant qu’auteur mais avec la mention : « executive producer » ou « supervising producer » en plus de ses crédits de créateur (lorsque c’est le cas). Pourquoi ? Pour distinguer ses crédits de ceux des scénaristes (sauf quand il écrit lui-même). Sous prétexte de lissage, le showrunner ne peut ainsi pas s’approprier leurs crédits ni leurs titres (la réglementation imposée par la WGA est très précise en la matière).

Le showrunner reste un auteur avec un grand A

Le showrunner américain est embauché par la production pour être le patron artistique d’une série sur une ou plusieurs saisons. Pas forcément créateur du concept original et du pilote (mais souvent dans une large majorité des cas), il peut être recruté après le pilote (comme Clyde Philipps sur Dexter), ou en cours de route (plus rare, comme Glen Mazzara, après le divorce non prévu entre Franck Darabont et la chaîne AMC sur The walking dead).

C’est en général un auteur chevronné passé par des années d’écriture en writing room. Il peut venir parfois du cinéma comme Franck Darabont ou les Frères Scott sur Numbers. C’est en tout cas un auteur à part entière, avec un univers et une vision du monde propre, capable d’imposer sa vision créative à d’autres et de la mettre en forme. Scénariste ceinture noire, il maîtrise les subtilités des genres et des formats TV ainsi que l’art difficile de la récurrence.

Apprenez comme les showrunners à créer une série avec le cours Écrire et vendre une série TV.

Le showrunner est un manager

Non seulement le showrunner doit avoir un talent créatif, mais il doit aussi être un véritable gestionnaire, capable d’être polyvalent sur l’ensemble des aspects de son show : production, tournage, liaison avec la chaîne ou le studio. C’est lui qui engage les scénaristes de sa writing room (son atelier d’écriture qui peut être plus ou moins grand en fonction de la chaîne et du nombre d’épisodes prévus).

Il écrit lui-même en général le pilote et/ou le dernier épisode ainsi que les arches de la saison en cours. Certains showrunners travaillent toujours avec les mêmes scénaristes, d’autres n’hésitent pas à recruter de nouveaux collaborateurs. Dans ce cas, ils recrutent sur tests ou directement sur des specs scripts (des scénarios originaux d’épisodes écrits carrément pour leur show quand ce dernier possède plusieurs saisons).

C’est enfin lui qui approuve les synopsis et qui effectue parfois directement le break-down des différents épisodes (voir notre formation vidéo pour apprendre cette technique, et écrire vos séquenciers de série comme des showrunners).

Il affecte les écritures, supervise les réécritures, lisse et décide au final quand les scénarios sont prêts à être tournés tout en gérant les délais d’écriture et le planning global de production.

Bill Prady (showrunner de The Big Bang Theory) avoue par exemple avoir lu plus de 400 scénarios pour constituer son atelier (il savait précisément le ton et le type d’humour qu’il recherchait). Lee Aronsohn (showrunner de Mon oncle Charlie) a préféré quant à lui recruter directement des comédiens de stand up, à partir de leurs sketches ou de leurs pièces de théâtre. Son atelier est composé de 9 auteurs qui n’ont pas tous les mêmes qualités : certains sont meilleurs en structure, d’autres en gags, etc.

Le showrunner est l’interlocuteur privilégié des chaînes et des producteurs

Responsable de l’identité du show devant la chaîne, c’est lui qui discute des aménagements à faire et qui défend son staff et ses storylines au besoin. Il est le garant artistique qui doit valider l’ensemble des modifications demandées par la chaîne ou par le studio.

Bien évidemment, en fonction de la chaîne, la liberté créative et l’audace sont plus ou moins étendues. Entre les chaînes à abonnement (HBO, Showtime) qui laissent en général carte blanche à leurs auteurs et les grands Networks qui les contraignent à rester dans un ton mainstream, la part créative n’est pas la même (les chaînes câblées se situant entre ces deux extrêmes). Des désaccords artistiques ou des audiences en bernes peuvent expliquer le départ (parfois forcé) de certains.

Sur The Big Bang Theory, deux pilotes ont été tournés sous la supervision de Bill Prady. Le premier pilote n’avait pas convaincu la chaîne (le rôle de Penny et l’actrice castée ayant été jugés trop vulgaires). Véritable aubaine, le showrunner a pu retravailler sa copie (les networks ne donnent en général pas de seconde chance), changer son casting et réécrire le rôle de Penny pour présenter un nouvel épisode qui a fonctionné et convaincu. On connaît le succès actuel de cette série qui en est à plus de 6 saisons.

Le showrunner supervise la production de sa série

Le showrunner est en charge du budget global de sa série. Il engage les équipes d’écritures MAIS aussi les équipes de techniciens et l’équipe de production. Il peut déléguer parfois ces activités mais c’est lui qui doit en superviser l’ensemble.

Il approuve ainsi les budgets des décors, des costumes, de la musique, du générique et de tous les autres postes qui impactent son show. C’est donc lui qui fait les choix d’allocation du budget et des arbitrages aux différents postes cités ci-dessus en même temps qu’il donne ses instructions aux différentes branches de techniciens pour les réaliser.

Le showrunner a le final cut

Tout en supervisant l’écriture qui se déroule en flux tendus (les épisodes sont écrits en même temps que le tournage avec un décalage de quelques semaines entre l’épisode et son tournage), il donne ses instructions aux réalisateurs qu’il a lui-même engagés. Même s’il n’est pas directement derrière la caméra, il est en charge du casting, de l’image et du montage.

C’est lui qui a le dernier mot sur les propositions des réalisateurs. Il peut demander des scènes supplémentaires, fournir des notes de production, demander une réécriture, etc. Au montage, il peut supprimer des scènes ou même virer un acteur ou tout autre membre de ses équipes qui ne lui convient plus. Pendant le tournage, il peut être sur le plateau et visionne l’ensemble des rushs qu’il peut demander à retourner ou à couper. Pendant le montage, il est maître du produit final et contrôle avec plus ou moins de lest les propositions que les monteurs lui soumettent. Il peut changer le montage à volonté.

Il supervise enfin la post-production (effets spéciaux, son, correction des couleurs, de la musique, des rires enregistrés, etc.).

Le showrunner assure la promo et incarne la série

Devenus pour certains de véritables stars (Aaron Sorkin, Dick Wolf, Marc Cherry, David E. Kelley, Clyde Philipps, Ryan Murphy, etc.), les showrunners représentent leur série dans les festivals et sur les plateaux TV. The Hollywood Reporter publie même tous les ans un classement des 50 showrunners qui comptent à Hollywood.

Certaines séries TV, plus qu’un passe-temps, sont devenues un moyen de voir le monde et de l’interpréter par rapport à une culture et à une histoire. Bref, de l’art qui est jugé sur plusieurs critères dont :

  • la durée de diffusion : pour être inclus au classement du THR, le showrunner doit avoir obtenu la diffusion d’au moins une saison complète ;
  • le nombre de shows diffusés pour évaluer le talent prolifique ;
  • les audiences récoltées (estimations Nielsen, en particulier par rapport à d’autres séries diffusées sur le même réseau) ;
  • les prix, récompenses, et bonnes critiques reçues (Emmys et autres éloges comptent) ;
  • le professionnalisme et la réputation des chaînes qui les emploient. À titre d’exemple, cette année, ont été distingués pour les dramas : Cynthia Cidre – Dallas (TNT), Carol Mendelsohn & Pam Veasey – CSI (CBS), Julian Fellowes – Downton Abbey (PBS), Alex Gansa – Homeland (Showtime), Vince Gilligan – Breaking Bad (AMC). Pour les comédies : Carter Bays and Craig Thomas – How I Met Your Mother (CBS), Louis C.K. – Louie (FX), David Crane and Jeffrey Klarik – Episodes (Showtime), Steve Levitan and Christopher Lloyd – Modern Family (ABC).

Quelle comparaison avec notre mode de production : y a-t-il des showrunners français ?

  • Alexandre Astier (Kaamelott), François Descraques (Le visiteur du futur), ou encore un Luc Besson qui ont pu assumer par exemple la production et/ou l’écriture et/ou la réalisation de leur série, ont été à plusieurs égards les patrons artistiques et les producteurs de leur show. Cependant, étant donné le partage des rôles ainsi que nos modes de production TV où l’écriture est disjointe de la réalisation, peu de scénaristes ou réalisateurs de série (même investis dans la production) peuvent prétendre incarner complètement le modèle américain du showrunning (because the show is not running… précisément).
  • En France, le showrunner d’une série englobe un melting pot composé du producteur (qui tient le budget et les relations chaînes), d’un auteur parfois à plusieurs têtes (Directeur de collection-scénaristes-réalisateurs) et de gestionnaires de productions (Directeur littéraire et producteurs exécutifs) qui tiennent la fabrication de la série sur des temps de création séquencés (d’abord on écrit, puis on entre en production alors que les scénaristes ne sont plus intégrés à aucune décision, puis on tourne et on monte, puis on réorchestre en postprod. etc.). La cohésion de cette équipe à plusieurs têtes doit garantir en soi la qualité d’un projet mais ne suffit pas toujours comme nous le voyons malheureusement.
  • Par ailleurs, la seule série française produite aujourd’hui en flux tendus est Plus belle la vie. Le ou les patrons de l’atelier d’écriture devraient donc être de fait les seuls réels showrunners français. Pas sûr cependant que ces showrunners possèdent l’ensemble des leviers de production de leur show (à eux de le dire ? Je n’ai vu aucune communication sur le sujet jusqu’à présent). Comme beaucoup de Directeurs de collection (qui gèrent leur atelier d’écriture ainsi que le lissage des épisodes de leur série), ils ne sont pas forcément plénipotentiaires sur les devis de productions ou sur la réalisation et la post-production par exemple.
  • Certes il existe en France des producteurs artistiques (dit producteurs exécutifs) qui sont avant tout des patrons opérationnels, c.-à-d. des gestionnaires de production. Ils tiennent les cordons de la bourse et ont un certain pouvoir de décisions en matière artistique. Ce sont eux qui engagent ou virent les auteurs, choisissent le ou les réalisateurs, recrutent les équipes techniques, organisent et valident le casting (avec le réalisateur) et distribuent l’allocation des différents budgets de production. Ce sont aussi eux qui discutent avec la chaîne des modifications à apporter car ils sont les garants de bonne fin de la production. Mais même quand ils touchent parfois aux textes sur certains lissages, ils ne peuvent incarner à eux-seuls le showrunning tout juste peuvent-ils servir parfois de trait d’union entre la vision d’auteur des scénaristes et celle des réalisateurs.

Il n’existe donc pas en France aujourd’hui de showrunner à proprement parler (même s’il y a bien sûr toujours un patron sur une série, souvent le producteur, plus rarement l’auteur). D’une part parce que notre modèle économique de production de série ne l’impose pas et ne le permet pas, d’autre part parce que le modèle auteur-réalisateur venu du cinéma qui pourrait le plus s’y apparenter, ne convient pas à la récurrence et à un process industriel de création sur un grand nombre d’épisodes. Qu’en pensez-vous ?

3 méthodes clés pour améliorer la narration de vos histoires

L’écriture et la narration sont deux faces d’une même pièce, l’une ne devrait pas aller sans l’autre. Or ces derniers temps, j’ai parfois l’impression qu’en France, l’ensemble des acteurs de la chaîne de production de la fiction française négligent cet aspect essentiel de la création.


Beaucoup d’auteurs ont déjà exploré le sujet mais il me parait important de revenir sur le lien entre écriture et narration car à force de vouloir marketer les projets de façon commerciale (ce qui rappelons-le est le job du producteur et des diffuseurs comme je l’illustrais récemment avec mon billet sur la nouvelle série policière de France 2, Caïn), nous en oublions parfois le sens profond de ce que nous devons faire : raconter des histoires à un public de façon originale et addictive. Comment ? En employant les techniques de narration bien précises ci-dessous. La méthode High concept (pack 10 formations, formation socle à l’écriture agile) n’a d’ailleurs pour vocation que de les simplifier et de vous permettre de les employer au bon moment. Mais voyons plus loin…

  1. Connaître la différence entre raconter une histoire et simplement l’écrire
    • Si l’on peut définir l’écriture de fiction comme l’art d’écrire une histoire (l’art de peindre un tableau pourrait y être comparé), les façons de la rendre visuelle et intéressante pour un public nécessitent des techniques d’écriture bien précises que l’on résume en France sous le terme NARRATION (les Américains préfèrent le terme STORY TELLING). Vous pouvez décrire précisément par exemple physiquement un personnage, sa maison, ses routines, ses actions, ce n’est pas pour cela que vous allez le rendre intéressant pour un spectateur, ni même construire une histoire qui tienne la route. C’est souvent d’ailleurs, l’une des erreurs des scénaristes débutants.
    • Mais, dès lors que nous parlons d’objectifs, de mystères, de conflits, d’ironie dramatique, de tâche, de climax, en gros toutes ces fonctions dramatiques qui composent le « 1-2-3 » et qui font la base de la dramaturgie (pour en savoir plus, n’hésitez pas à vous reporter aux masterclass pédagogiques qui traitent le 1-2-3 et commencez votre formation scénario avec comment trouver un concept fort), nous entrons dans le domaine de la narration. Dès que nous nous préoccupons de narration, nous nous préoccupons alors du spectateur. Par exemple : inclure une poursuite en voiture dans un film n’a en soi aucun intérêt sauf si nous y corrélons des enjeux, une horloge, des opposants, un objectif, etc. Voyons plus loin.

  2. Maîtriser les fonctions dramatiques d’une bonne histoire
  3. Tout récit peut être décomposé en deux éléments simples :

    • le DÉCLENCHEUR, ce que la méthode High concept appelle le « 1 » du 1-2-3, qui décrit le protagoniste, l’objectif, les obstacles et les enjeux (cf. notre vidéo pour apprendre à maîtriser le déclencheur d’une série (cf. notre atelier dédié)). En effet, dans la plupart des histoires, vous avez toujours un héros qui essaie de faire quelque chose. Pour rendre son objectif intéressant, il vous suffit de mettre des obstacles sur sa route. Naturellement, parce que ces obstacles empêchent votre héros de faire ce qu’il veut, du conflit émerge et le conflit est ce qui conduit au divertissement. Quand le spectateur a envie de savoir comment le conflit sera résolu, vous avez gagné. Malheureusement, souvent dans nos séries françaises, si les personnages veulent parfois quelque chose (résoudre un crime par exemple), ils l’obtiennent sans avoir vraiment à lutter. Résultat : nous nous ennuyons et nous zappons.
    • le MYSTÈRE : si vous ne commencez pas votre récit autour d’un personnage avec un déclencheur clair, vous pouvez toujours vous appuyer sur une logique de mystère. C’est l’autre manière de débuter un récit et c’est ce que nous proposent la plupart des séries policières (qui a tué qui et pourquoi ? —cf. notre chapitre dédié pour en savoir plus sur notre masterclass écrire et vendre le genre policier et ses techniques d’écriture). En général, le spectateur continue à regarder un film ou une série parce qu’il veut des réponses à ces questions. La série Lost a été construite avec cette technique par exemple. Notez, cependant, que les mystères finissent toujours par être reliés à des objectifs que souhaitent atteindre des personnages. La boucle est bouclée.

    Si vous maîtrisez bien ces deux composantes, vous avez de bonnes chances de pouvoir divertir votre auditoire et d’être un bon conteur. Cela paraît simple et pourtant, de nombreux projets n’arrivent pas à concrétiser au moins l’une des deux méthodes de narration pour raconter leurs histoires. Pourquoi ?

  4. Quand utiliser les fonctions dramatiques dans vos récits ?
  5. Souvent les auteurs (jeunes et moins jeunes) sont tellement pris dans les descriptions de leurs mondes (cf. notre formation pour en savoir plus sur la construction d’une arène de récit efficace) qu’ils oublient d’y inclure parfois des conflits ou du mystère. Or, l’écriture d’un film ou d’une série est avant tout un récit qui doit être visuel et divertissant. Votre style, aussi épatant soit-il, ne pourra pas remplacer vos manques de fonctions dramatiques. Si vos personnages n’ont pas d’objectifs forts ou si vos mystères ne sont pas convaincants, vous ne réussirez pas à captiver votre auditoire. C’est peut-être la raison pour laquelle, il ne suffit pas d’être un bon auteur pour être un bon scénariste et inversement. Si à chacun de vos envois de scénarios, vous avez comme retours : « votre projet est très bien écrit mais il ne nous a pas convaincu », c’est probablement parce que vous avez manqué le distinguo entre écrire et raconter et qu’il vous faut peut-être vous cantonner au roman ou apprendre à consolider vos narrations avec les techniques suivantes :

    • Toujours travailler en amont votre document de concept : avant de se jeter dans l’écriture d’une continuité dialoguée ou d’arches par exemple, il est nécessaire de calibrer un premier document de travail qui résumera l’ensemble de votre histoire avec ses fonctions dramatiques de base (pour savoir comment trouver un bon concept, utilisez nos techniques de brainstorming dispensées dans notre masterclass dédiée à la créativité). En effet, grâce à ce premier document, vous allez pouvoir mettre à plat les différents éléments qui vont faire tenir votre histoire debout. Si vous travaillez sur une série par exemple, vous vous assurerez que le moteur dramatique que vous avez conçu est capable de produire beaucoup d’épisodes avec une tâche réifiée et originale (cf. notre cours pour en savoir plus sur la façon de déterminer une tâche originale de série (cf. notre atelier d’écriture d’un concept de série ou d’unitaire), jackpot de tout scénariste). Si vous travaillez sur une comédie, vous vérifierez que votre histoire repose bien sur un personnage construit avec les archétypes du genre comique, etc.
      • N.B. : ce document est un document technique qui n’a pas vocation à être une oeuvre d’art. Si vous oubliez en chemin vos personnages, leurs déclencheurs, leurs tâches, leurs climax, c’est que vous vous regardez écrire, comme d’autres s’écoutent parler. Certes, il est parfois frustrant de ne travailler un projet qu’à partir de ses caractéristiques techniques mais c’est la base de tout travail sur le médium audiovisuel.
        Plus votre concept sera efficace, plus votre lecteur ou spectateur sera intéressé, plus il vous permettra d’engranger des intérêts dans la profession et de développer ensuite votre histoire.
    • Avoir un concept fort et efficace est une première étape de travail, mais une fois fait (ce qui n’est souvent pas une mince affaire), vous devez aussi vous assurer de la bonne exécution de ce concept dans un synopsis qui permet d’exploiter la promesse de votre histoire (pour en savoir plus, voir nos techniques de rédaction de synopsis). En effet, pour rendre intéressant un concept sur une centaine de pages, ou sur plusieurs épisodes, il nous faut déployer de véritables stratégies narratives. Car, si l’on se contente de décrire l’action principale, même quand un personnage a un objectif et des obstacles, on ne peut tenir qu’une trentaine de pages au maximum (nous l’avons tous expérimentés !). Le secret pour tenir la distance est d’inclure dans chacune des parties de notre récit (début, milieu, fin) un 1-2-3. Il faut donc savoir décomposer son histoire en briques narratives (comme Cédric vous l’a appris avec la technique du break down) et les disposer d’une certaine façon pour construire une pyramide dramatique efficace.
      • N.B. : plus vos différentes briques ou séquences auront leur propre objectif, leur propre mystère, etc. plus votre potentiel d’adhésion sera fort. Si en plus, vous terminez chaque brique sur un climax ou cliff hanger (cf. nos vidéos pour et déterminez des climax aussi forts qu’originaux avec les techniques du pack étudiants (pour les petits budgets)), plus votre mécanique dramatique sera forte et efficace.
    • Enfin, avoir un synopsis décomposé en briques narratives —on parle de lignes narratives dès lors que vous choisissez de suivre plusieurs protagonistes (cf. notre chapitre série et son focus sur les différentes manières d’entrelacer les différentes lignes narratives d’une série)— est une seconde étape de travail mais de même, une fois fait (après beaucoup de sueur), il vous faut encore décliner cette construction dramatique sur chacune de vos scènes. Cet exercice est de loin le plus difficile et permet de faire le tri entre les pro et les amateurs.
      • N.B. : les scénaristes professionnels sont capables d’injecter dans chacune de leurs scènes les fonctions dramatiques principales (objectifs, mystères, enjeux, etc.) et de les rendre divertissantes pour le spectateur. Ils se servent ainsi de leur palette d’outils scénaristiques comme un peintre maîtrise les différentes nuances sur un tableau (cf. Découvrez comment passer votre ceinture noire de scénariste).

Que retenir pour conclure ?
Ces trois étapes d’écriture de vos scénarios doivent vous permettre de raconter des histoires de façon convaincante sous peine d’ennuyer ferme vos lecteurs ou spectateurs. Et dans notre marché concurrentiel, si vous n’êtes pas une star, vous savez que l’ennui du lecteur est votre premier ennemi pour passer la barre des comités de lecture. Parfois, il ne manque pas grand-chose à une histoire pour devenir un véritable tourneur de pages et c’est grâce aux fonctions dramatiques utilisées qu’une frontière existe entre les auteurs lambdas et les scénaristes à succès. À vous de choisir votre camp ! Vous remarquerez que les romanciers qui utilisent aussi ces fonctions cumulent le style ET l’intérêt, autant de facteurs qui font leur succès.
Ainsi, dans un scénario, on vous pardonnera toujours le style si vous avez la maîtrise de l’art de raconter une histoire en vous servant de bons outils aux bons moments. Bien évidemment, vous pouvez toujours utiliser d’autres petites astuces en parsemant çà et là votre récit de rebondissements ou en utilisant une ironie dramatique par exemple, mais si vous n’avez pas assez structuré en profondeur votre récit, cela ne suffira pas à générer un véritable potentiel d’adhésion sur la durée.

Enfin, peu importe votre qualité d’écrivain, le style de votre prose, les fulgurances de vos descriptions, si vous n’avez pas mis en place les fonctions dramatiques essentielles pour soutenir votre histoire, vous ne retiendrez pas votre lecteur et votre spectateur. L’écriture de scénarios n’est pas un concours des style mais un concours d’histoire. Plus tôt vous l’aurez compris, plus vite vous réussirez dans ce métier.

Cycle réécriture (suite): apprenez à vous servir de la structure pour améliorer votre scénario

Même si nous connaissons tous en théorie ce qu’il faut faire et ne pas faire quand on se met à l’écriture, il est parfois judicieux de reprendre dans l’ordre de difficulté les erreurs les plus communes.


Certaines erreurs sont rapidement évitables tandis que d’autres prennent parfois des années de travail pour être corrigées. Bref, voici la suite de notre précédent billet sur les erreurs de scénarios les plus fréquentes en scénario avec dans l’ordre de leur difficulté, cinq autres erreurs régulières commises parfois par les plus brillants d’entre nous.

  1. Mettre toujours du conflit dans toutes nos scènes : Toutes nos séquences, toutes nos scènes, tous nos dialogues doivent contenir du conflit pour pouvoir garder notre spectateur intéressé. Que ce soit un conflit mineur (un désaccord) ou majeur (une bagarre), nous devons absolument éviter les scènes où deux personnages discutent sans fin et où il ne se passe rien. Un scénario ne peut pas avoir de temps mort, car si nous le faisons, c’est comme si nous mettions un noir pendant quelques minutes en plein milieu d’un film. Vous pouvez varier les scènes de conflit pur en utilisant d’autres techniques comme créer un mystère ou mettre en scène le désir de votre protagoniste, mais il ne peut pas ne rien se passer.

    Si vous trouvez difficile d’obtenir un scénario simple (les chefs-d’oeuvres sont toujours limpides) mais qui contient beaucoup de conflits, cliquez ici pour obtenir une structure simple et implaccable grâce à la technique du « milking ».

  2. Structurer le récit en fonction du genre cinématographique de référence de l’histoire : Pour être sûr d’avoir un récit équilibré où le spectateur a toujours l’information pertinente pour comprendre l’ensemble des enjeux que nous posons, il nous faut structurer en tenant compte du genre dans lequel nous évoluons aussi. Le genre nous permet de bien nous fixer sur un rythme adéquat tout en utilisant ses spécificités pour mieux structurer notre histoire. Le genre policier est par exemple un genre structurant par essence en ce qu’il nous oblige à poser nos différents éléments d’une certaine manière comme Cédric l’explique très bien dans ses vidéos dédiées. C’est pourquoi il est beaucoup utilisé pour raconter des histoires : toutes les histoires peuvent se raconter en utilisant les spécificités de ce genre, tout simplement parce que la tâche associée (l’enquête) est déjà déterminée à l’avance et très pratique pour faire avancer notre histoire. Mais il n’est pas le seul. Je pense à la comédie par exemple dont nous avons fait un cycle complet cette année. Ainsi, profitons mieux du genre que nous avons choisi pour améliorer nos structures.

    Pour trouver votre genre de prédilection, n’hésitez pas à vous reporter à notre vidéo sur technique de rédaction de synopsis afin d’accrocher davantage vos lecteurs.

  3. Faire toujours avancer son récit et son protagoniste tout au long de l’histoire : Chaque scène de notre histoire doit nous servir à quelque chose et notamment à faire avancer le récit. Or pour avancer, notre protagoniste doit dépasser des obstacles, se battre contre un antagoniste, se faire sermonner par l’un de ses alliés ou ne pas être d’accord avec lui, décevoir sa femme, la tromper ou encore l’éviter ou lui cacher quelque chose, etc… Toutes ces actions ont bien sûr des conséquences conflictuelles, ce qui nous permet de rester éveillé, l’oeil et les oreilles alertes mais toutes ces actions doivent arriver dans un ordre logique et progressif. Par ailleurs, toutes les actions ne sont pas à mettre sur le même plan : aller dans un bar et parler à ses amis, ou encore aller au boulot le matin, ne sont pas des actions dramatiques. Une action en scénario est un mini-déclencheur à elle toute-seule, c’est-à-dire qu’elle provoque des conséquences et qu’elle fait avancer le récit. Toutes les actions de notre scénario, pour être pertinentes, devront donc nous servir à faire avancer notre histoire, si ce n’est pas le cas, mieux vaut s’abstenir.
  4. Rappeler les enjeux de l’histoire à tous les actes : Il arrive parfois qu’au bout d’un certain moment l’on soit perdu dans un scénario. On ne sait plus pourquoi le protagoniste est à tel ou tel endroit, ou ce qu’il vient chercher auprès de tel ou tel autre personnage. Bref, nous sommes perdus et nous devons lire et relire les passages précédents pour nous repérer. Ce n’est pas bon signe, puisque souvent, cette perte de vigilance s’associe à une perte d’intérêt de notre lecture. Or si nous perdons le fil de l’histoire c’est souvent parce que, soit le protagoniste n’a plus d’objectif concret, soit parce que les enjeux sont faibles. Or si nous ne savons pas ce que poursuit le protagoniste et pourquoi, c’est que cela n’a jamais été vraiment dit clairement. Il est donc de notre devoir de bien rappeler (en général à tous les cliffs) pourquoi notre personnage est aux abois et ce qu’il risque s’il n’accomplit pas son objectif.

    Pour être sûr d’établir une structure qui rappelle à tout moment l’objectif et les enjeux du personnage, cliquez ici pour apprendre la technique du Breakdown.

Bien évidemment, ces erreurs reprennent les règles de la dramaturgie (je n’invente rien) et ne sont pas exhaustives, néanmoins, elles peuvent fixer le cap d’une boussole à tenir dans le cadre d’une réécriture.
La structure étant par essence la difficulté majeure à vaincre pour écrire un scénario formidable, cette dernière salve implique parfois des années de travail pour éviter ces différents écueils.
N’hésitez pas à nous rapporter vos propres expériences de lecture ou de réécriture pour venir compléter cette seconde liste et les partager avec nous en attendant d’autres conseils.

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