De l’envoi de son scénario aux nombreux coups de fil, soirées mondaines, rencontres informelles, en passant par les multiples rendez-vous professionnels, un scénariste n’est jamais sûr que son film ou sa série va se faire. Pourquoi ? Parce que les décideurs à tous les niveaux passent leur temps à mentir.
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De l’envoi de son scénario aux nombreux coups de fil, soirées mondaines, rencontres informelles, en passant par les multiples rendez-vous professionnels, un scénariste n’est jamais sûr que son film ou sa série va se faire. Pourquoi ? Parce que les décideurs à tous les niveaux passent leur temps à mentir…
– soit parce qu’ils ne savent pas eux-mêmes quoi penser du projet,
– soit parce qu’ils n’ont pas les moyens de le faire mais qu’ils ne veulent pas que vous alliez voir ailleurs,
– soit parce qu’ils essaient de protéger leur relation avec vous pour que vous continuiez à leur envoyer vos projets,
– soit parce que pour des raisons diverses, leurs mains sont liées mais qu’ils ne peuvent le reconnaître.
Or il est parfois frustrant de dépenser de l’énergie à faire des réunions, à réécrire plusieurs fois ses scénarios, à passer de multiples appels téléphoniques sans savoir que son projet est en fait enterré depuis le départ.
C’est qu’en réalité, il existe beaucoup de façons de savoir quand un projet de film ou de série ne se fera pas. En voici quelques unes, qui j’espère, vous feront gagner un temps précieux en cette rentrée audiovisuelle.
Inutile de perdre du temps, votre projet de film ou de série ne se fera pas quand :
- vous n’obtenez que du silence à toute action entreprise (mail, tél., courrier, contacts divers, etc.) ;
- vous ne pouvez pas obtenir un RDV avec une personne que vous connaissez et à qui vous avez envoyé un scénario, une bible, un pitch, etc. ;
- vos e-mails ou appels téléphoniques restent sans réponse pendant plus d’une semaine ;
- votre scénario a été passé à une star (acteur, réalisateur connu) qui n’a pas donné signe de vie depuis un mois ;
- vous attendez toujours que tel ou tel producteur (qui veut travailler avec vous d’après votre agent) entre en contact avec vous.
Bref, en règle générale, sauf si vous obtenez un contrat et un chèque associé, vous pouvez considérer que dans toutes les autres configurations, votre projet a été refusé. Une variante du « non » est souvent packagée dans une phrase qui contient un compliment et une excuse du style : « c’est très innovant et j’aime beaucoup les personnages mais cela ne correspond pas vraiment à notre ligne éditoriale ; l’intrigue est bien menée mais nous avons déjà un projet ressemblant, etc. ».
Ce qui est d’autant plus frustrant que parfois, cela n’a rien à voir avec la qualité intrinsèque de votre projet car admettons-le, beaucoup des critères actuels retenus par nos décideurs pour juger du potentiel d’une fiction sont au mieux subjectifs, au pire complètement erronés.
Vous êtes jugés :
- sur votre thématique (tabou, déjà traitée, trop traitée, n’intéressera personne, etc.),
- sur votre casting : qui écrit ? Qui produit ? Qui est pressenti à la réalisation ? Avez-vous un acteur bankable ? etc. ;
- dans le meilleur des cas, sur votre genre (on ne fait plus de policier, on veut de la comédie transgénérationnelle, etc.) ;
- mais rarement en fait sur votre mécanique dramatique : votre série peut-elle engendrer une centaine d’épisodes ? Votre film tient-il sa promesse, entretient-il la tension jusqu’au bout ? etc.
Heureusement, entre le blanc et le noir, il existe une zone d’espoir qui s’appelle « peut-être »
Vous atterrissez dans cette zone quand :
- Un décideur (producteur, diffuseur) vous envoie ses notes et prend réellement le temps de vous faire un retour de lecture sur votre projet. Vous pouvez considérer que c’est une première victoire même si rien est gagné à ce stade. Cela signifie concrètement qu’il croit en vous et que si vous êtes capable de faire les changements demandés, il sera disposé à aller plus loin, à prendre un autre rendez-vous et éventuellement « peut-être » à envisager un contrat (option, commande, etc.).Pour comprendre toutes les notes de lecture à vos envois de scénarios, n’hésitez pas à suivre le guide du billet gratuit : onze retours de lecture décryptés.
- Un décideur (producteur, diffuseur) essaye de gagner du temps : il vous appelle pour vous dire qu’il va lire, vous envoie un mail pour vous signifier qu’il reviendra vers vous très vite, etc. Bref, il tente de vous faire patienter, soit parce qu’il est trop poli pour vous dire non directement et qu’il vous aime bien, soit parce qu’il n’a pas tous les leviers pour décider, soit parce qu’il pense que ce projet n’est pas le bon mais qu’il voudra lire les autres que vous allez écrire, etc.
Malheureusement, dans cette configuration, il est vraiment difficile de savoir sur quel pied danser. Pour en avoir le coeur net, déterminez un laps de temps (inférieur à un mois) et rappelez pour relancer. S’il vous fait encore patienter, c’est que probablement, la réponse est « non ». Pour approfondir sur cette notion, n’hésitez pas à vous reporter à notre vidéo pédagogique Envoyer un scénario : comment être lu.
- Un décideur (producteur, diffuseur) vous propose une prochaine étape : il veut constituer un package et recruter une star pour convaincre sa hiérarchie, il veut vous faire rencontrer son boss, etc. Cette configuration est plutôt positive, en général, cela signifie qu’il existe peu d’obstacles à la vente et que s’ils sont levés, votre projet pourra se faire.
Quelques chiffres à avoir en tête… ou pas !
Bien évidemment, nous souhaitons tous toujours recevoir un oui franc et massif à nos envois de scénario, même si la plupart du temps, nous devons tous patienter.
Quand on sait en effet que chaque chaîne historique reçoit plus d’une centaine de projet par mois et qu’il y a très peu de place pour la création originale en France, la pression est forte.
- D’après le CNC, la diffusion de fiction à la télévision en 2012, les chaînes nationales historiques ont diffusé 40 nouvelles séries en 2012 dont seulement 18 nouvelles séries françaises.
- Sur ces 18 nouvelles séries : 10 ont été produites par FTV, 4 par TF1, 2 par Canal+, 1 par M6 et 1 par ARTE. Elles représentent quelques 70 heures de fiction originale.
- Pour rappel, en 2012, 768 heures de fiction ont été produites. La part de nouveauté en matière de création originale est donc de 70/768, soit 9,1%.
Alors, que faisons-nous avec cette information ? Comprendre la réalité du marché et savoir où se positionner et quoi attendre fait partie du métier de tout scénariste professionnel. Mais on ne bâtit pas une carrière avec des chiffres, car bien qu’ils donnent des tendances, c’est à chacun de croire en ses projets et d’utiliser les bons arguments pour convaincre.
Comprendre comment éviter le rejet fait ainsi partie du métier, nous vous donnons des conseils gratuits en ce sens chaque jour sur ce blog.
Bien évidemment, le meilleur moyen de passer les différents barrages est de pratiquer le métier, et d’écrire des scénarios de qualité professionnelle. Dans ce sens, n’oubliez pas d’utiliser le High concept, voie royale pour vendre un scénario et seul moyen pour susciter le désir dès le premier pitch. À bon entendeur.
Alors, prêts à affronter la rentrée ?
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