En Mars de l’année dernière, Sony Pictures et Millennium Films ont acheté chacun un spec script décrit comme « Die Hard à la Maison Blanche ». Ils ont abouti respectivement à White house down et Olympus has fallen (La chute de la Maison Blanche en VF), sortis à trois mois d’écart. Verdict ? Deux bons nanars qui ne […].
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En Mars de l’année dernière, Sony Pictures et Millennium Films ont acheté chacun un spec script décrit comme « Die Hard à la Maison Blanche ». Ils ont abouti respectivement à White house down et Olympus has fallen (La chute de la Maison Blanche en VF), sortis à trois mois d’écart. Verdict ? Deux bons nanars qui ne marqueront pas l’histoire du cinéma. Explication.
Pitch contre pitch
- Olympus Has Fallen
Tagline : « When our flag falls our nation will rise ».
Pitch : Quand la Maison Blanche est prise d’assaut, MIKE BANNING, un ancien membre de la garde présidentielle mis au placard pour avoir laissé mourir la première dame dans un accident de voiture, tente de racheter sa faute et de sauver le Président et son fils en réussissant à se faire prendre au piège à l’intérieur de la Maison Blanche assiégée, dans le sillage de l’attaque des TERRORISTES NORD CORÉENS.
Le film est réalisé par Antoine Fuqua qui est surtout connu pour l’excellent Training Day (2001) et le très très bon Finest of Brooklyn (L’élite de Brooklyn) (2010). - White House Down
Tagline : « It will start like any other day ».
Pitch : JOHN CALE, policier au Capitole, vient de rater son entretien d’embauche pour intégrer le service de ses rêves : la garde présidentielle. Ne voulant pas décevoir sa fille, c’est donc en tant que simple touriste qu’il l’emmène faire une visite de la Maison Blanche… devenant ainsi le seul à pouvoir sauver le président, sa fille et le pays lorsque le complexe est soudainement pris d’assaut par un groupe paramilitaire à la solde D’UN LOBBY DE FABRICANTS D’ARMES qui souhaite relancer la guerre au moyen-orient.
Le film est réalisé par le maître du blockbuster, Roland Emmerich, dont la filmographie comprend un de mes films préférés, Stargate (1994) et le très bon film catastrophe The Day After Tomorrow (Le jour d’après, 2004).
Rendons à Die Hard…
- Les utilisateurs de notre méthode le savent, le film d’action est un genre subtil (seule masterclass dédiée sur le marché français) qui ne se fonde pas sur la toute puissance de son héros, mais au contraire sur l’échec inévitable de ce dernier à s’opposer à un opposant tout puissant (« à vaincre sans péril on triomphe sans gloire » écrivait Corneille). Étant donné que ce genre est un aveu d’impuissance, il est transcendé quand le méchant exprime les peurs de nos contemporains (cf. mes précédents conseils pour écrire un bon méchant).
C’est le cas dans Die Hard par exemple, la référence encore inégalée en matière d’action en huis-clos. Prêtez attention à la présentation du méchant, HANS GRUBER, dans la bande-annonce originale :
Depuis l’entreprise japonaise qui vole les parts de marché des sociétés américaines sur leur propre territoire (et accessoirement l’ex-femme au foyer du héros) jusqu’au faux-terroriste activiste qui n’a de cause que celle l’argent, tout le film exprime en fait la peur, bien réelle à l’orée des années 90, d’un capitalisme amoral et mondialisé. - Tel est le paradoxe de notre métier : inventer, imaginer et aussi tromper, bien sûr, pour mieux divertir… mais également pour dire une vérité sur notre monde. Or les méchants de Olympus(…) et de White House down n’incarnent aucune peur, aucune réalité. Ce sont des Diablos ex-machina, des pantins déconnectés des dangers du monde moderne dans lequel nous vivons.
Pour l’un, on ne sait s’il faut rire ou pleurer quand la Maison Blanche est assaillie par des terroristes nord-coréens dont le but est d’éliminer les (rares) troupes américaines présentes dans la péninsule coréenne afin de permettre à la guerre civile de mettre fin au conflit entre le Nord et le Sud (sic). La motivation supplémentaire du chef des terroristes est de faire exploser des ogives nucléaires dans leurs silos afin de faire de l’Amérique une friche irradiée. Au nom de quelle idéologie ou vengeance ? Mystère…
Pour l’autre, le lobby militaro-industriel US (que nous ne verrons jamais) veut, lui, lancer ces mêmes ogives nucléaires sur l’Iran afin de déclencher une guerre : on apprend ainsi que le terrorisme du Moyen-Orient est une invention de l’état profond pour vendre des armes…)
La fin du règne des blockbusters
- Deux films, un même pitch ; la chose n’est pas nouvelle à Hollywood. En 1998, Deep impact avait rapporté 350 M$ face au plus lucratif encore Armageddon, qui raflait 600 M$. Plus récemment, on se souvient de deux Blanche-Neige, celle pointant chez Universal ayant rapporté le double de sa compatriote (qui culminait déjà à près de 170 M$). Ou encore de No Strings Attached (Sex friends) qui sortait en 2011 à 6 mois d’écart de Friends With Benefits (Sexe entre amis), chacun rapportant tout de même la somme respectable de 145 M$.
Dans un récap’ intéressant, Screen Rant recense ces « copycat movies ». En général, celui qui sort en second s’en sort moins bien que le premier, tout simplement parce qu’un high concept ne peut pas être fait deux fois (cf. notre cours vidéo pour comprendre et écrire un high concept).
En France aussi, le cas n’est pas rare : on pense aux deux remakes de la Guerre des boutons, aux biopics sur Coco Chanel ou encore à ceux sur Yves St Laurent. Si les sommes en jeu ne sont pas comparables à celles citées plus haut, ces films ont en général une belle carrière à l’international. - Cependant, il est intéressant de noter que nous assistons peut-être à la fin des blockbusters de ce type car leurs rentrées (pourtant en croissance) ne suffisent plus à rentabiliser des budgets qui explosent ! À force de perdre de l’argent, les studios hollywoodiens vont devoir faire face à la réalité économique.Concernant nos deux films d’action, la comparaison qui fait le plus sens est à mon avis celle du week-end d’ouverture au Box Office US. Tandis que le premier sorti, Olympus, récoltait 30,4 M$ le premier week-end, White House down a réalisé une performance inférieure de 20%, malgré un budget deux fois plus important (160M$, sans compter le poste marketing), et il ne sera pas en mesure de dépasser les 75M$. Il se rattrapera surement à l’international (où la notoriété d’Emmerich est forte) mais il restera bien en deçà des 98M$ récoltés par Olympus, réalisé par Fuqua pour 80M$ (125M$ avec le marketing)… Or ce dernier ne se rentabilisera pas non plus, de toutes façons !
Dans ce contexte et dans un monde où les consommateurs ont énormément de choix, parieriez-vous sur le fait qu’ils aillent voir deux fois le même film ? Moi pas… Qu’en pensez-vous ?
thierry
Le truc le plus aberrant c'est qu'en France, le premier film, "olympus..", a été titré par la traduction exacte du deuxième film.
Même les distribs veulent se court-circuiter aussi en voulant prendre le premier la phrase-pitch la plus efficace.
High concept
@Thierry: Ha ha, exact! Le vieux coup bas pour surfer sur la promo de White House Down en France, tsss… On appelle cela du « ambush marketing » je crois (littéralement du « marketing en embuscade »). Pas illégal, mais pas sport.