Notre économie audiovisuelle repose quasi essentiellement sur la commande en TV et sur le système aidé en ciné, où les producteurs indépendants ont beaucoup de mal à financer correctement les projets et sont donc très averses au risque. .
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Si beaucoup de scénarios originaux sont écrits, au final peu sont développés, avec un repli sur des conditions de succès déjà évoquées sur ce blog. L’Observatoire Permanent des Contrats Audiovisuels fait bien le récapitulatif des prix payés pour les scénarios mais il traduit en réalité notre marché de commande et non le marché réel (combien de projets optionnés ? Par qui ? À quel prix ? Combien de projets aboutis ? etc.).
Aux Etats-Unis en revanche, les ventes de spec scripts se font sur des montants importants pour le scénariste (souvent un nombre à six chiffres) parce qu’ils représentent un investissement de plusieurs années et parce que le marché est concurrentiel (les studios se battent entre eux pour les avoir). La Black list fait ainsi un classement des meilleurs specs scripts en circulation.
Vers des spec scripts français?
Il est souhaitable que nous puissions bientôt nous aussi en France disposer d’un véritable marché du scénario pour permettre de récompenser la création originale (avec espérons des ventes à 6 chiffres) pour les scénaristes.
Guillaume Canet aurait ainsi touché un peu moins de 600 000 euros pour le scénario de Jappeloup, mais combien de collègues scénaristes peuvent se vanter de tels scores ? Ah, les stars, les stars, les stars…
Certains concours permettent de faire émerger des projets (le Fonds d’Aide à l’innovation du CNC côté TV, L’aide à l’écriture côté ciné, la fondation Lagardère, la bourse Beaumarchais, les subventions de régions et d’autres) mais les prix attribués permettent surtout aux producteurs de se dispenser d’investir directement dans la Recherche et développement.
Et même si les producteurs se donnent les moyens (très raisonnables) de récupérer ces projets, ils se heurtent eux-mêmes à la frilosité du marché qui préfère aujourd’hui se concentrer sur les formats courts et les coproductions internationales en TV, et sur les comédies grands publics avec têtes d’affiches en cinéma, pendant que presque la moitié des films indépendants produits en France ne disposent même pas d’une diffusion en salles sur des budgets inférieurs à un millions d’euros.
C’était aussi le sens du cri d’alarme d’un gros distributeur comme Vincent Maraval qui remettait en question la faillite structurelle du financement du cinéma français et les dérives du système aidé dans une lettre ouverte qui a fait boule de neige.
Heureusement, ce que nous appelons la « création originale » en France (pour dire en fait production franco-française) est désertée par le public. Nos diffuseurs et producteurs cherchent maintenant à miser sur le contenu pour se différencier et avoir un retour sur investissement. Le mouvement est discret aujourd’hui mais il grandira tôt ou tard, le contenu devenant de plus en plus la seule façon d’exister dans un PAF de plus en plus concurrentiel.
Ma sélection des 10 specs US 2012 les plus prometteurs
Comme attendu, vous remarquerez que ce sont presque exclusivement des high concepts. À bon entendeur.
- Warden : l’histoire est centrée sur un gardien de prison qui – quand sa femme et son fils sont enlevés – est soumis à un chantage et doit faire équipe avec le chef d’un cartel de la drogue mexicain pour l’aider à s’évader de son propre centre de haute sécurité. Scénario : John Sonntag & Thomas Sonntag. Genre : action.
- Arminius : Arminius est un Allemand qui a été formé comme un guerrier romain, mais qui décide de changer d’allégeance lorsque Rome tente d’envahir son pays. À 25 ans, il doit unir les tribus germaniques disparates et les rallier à lui pour vaincre l’armée romaine lors de la bataille de Teutoburg. Arminius réussit à arrêter l’extension de l’Empire romain au prix de sa vie dans cette bataille qui restera célèbre comme la pire perte subie par les Romains sous le règne d’Auguste. Scénario : Frank Moll. Genre : drame historique.
- 52 percent : un couple marié de longue date sollicite un avocat pour divorcer. Un conflit se développe entre leur fille, fleur bleue, qui espère leur réconciliation, et le jeune avocat cynique, qui ne veut pas perdre un client. La fille et l’avocat termineront ensemble. Scénario : Zina Zaflow. Genre : comédie romantique
- Sanctuary : une jeune femme possédée par une force démoniaque puissante cherche refuge au Sanctuaire, une organisation secrète du Vatican qui enseigne la possibilité de canaliser son démon intérieur et d’utiliser son pouvoir comme une arme contre le mal. Scénario : Alan Trezza. Genre : action (ésotérique).
- Haunt : une famille emménage dans une nouvelle maison avec un passé sombre. Quand leur ado de fils fricote avec leur belle voisine et commence à avoir des relations sexuelles, ils réveillent involontairement une dimension cachée de la maison. Scénario : Andrew Barrer. Genre: horreur.
- Acolyte : une agence corrompue du gouvernement a recours au chantage pour contraindre des citoyens ordinaires à commettre des actes de terrorisme domestique. Elle kidnappe par erreur la femme d’un de ses anciens membres à la retraite qui leur répond en recrutant lui-même un groupe d’anciens « collègues » qui acceptent de l’aider à se venger et à sauver sa femme. Scénario : Derek Kolstad Genre : thriller d’action.
- God particle : l’histoire commence après qu’une expérience ratée avec un grand accélérateur de particules hadrons ait provoqué la disparition complète de la Terre. L’espace désormais vide devient le terrain de jeu d’un équipage terrifié d’une station spatiale américaine en orbite. Quand un vaisseau spatial européen apparaît sur leur radar, les Américains doivent déterminer s’il s’agit d’une bonne ou d’une mauvaise nouvelle… Scénario : Oren Uziel. Genre : science-Fiction.
- Dear Satan : l’histoire suit une fillette de 7 ans qui se trompe accidentellement en écrivant sa lettre au père-noël et remplace « Santa » par Satan en l’invitant à lui apporter un jouet pour Noël. Scénario : Dan Ewen. Genre : comédie.
- Comancheria : deux frères, l’un est un ex-détenu, l’autre un père divorcé avec deux enfants, retranchés à l’ouest du Texas dans leur ferme familiale ont élaboré un plan ingénieux pour faire un casse d’une banque locale. Ils n’avaient pas prévu de tomber sur deux Rangers du Texas, extrêmement déterminés à les arrêter. Scénario : Taylor Sheridan. Genre : crime.
- Saving Mr. Banks : l’histoire raconte la façon dont Walt Disney a persuadé l’auteur australien P.L. Travers de lui vendre les droits d’adaptation de Mary Poppins. La cour du romancier ayant pris… 14 ans ! Scénario : Kelly Marcel. Genre : drama.
Alors, lequel préférez-vous ?
Anonyme
Je me demande s'il ne faudrait pas s'inspirer de la recette de « la boule de neige à la Maraval » ,telle que Julie nous la donne:
Prendre un cri d’alarme bien conflictuel.
Le placer dans une lettre (grande) ouverte sur les médias. Votre spec script devrait faire boule de neige.
Ayant toujours fait chou blanc je vais essayer. Merci
Hubert le Jardinier
Anonyme
Dear Satan : génial !
High concept
Sanctuary !!! :op
Anonyme 007
AMHA, je trouve certains high concepts pas très "high", mais comme souvent souligné ici, faut voir comment c'est développé.
Après avoir été moi aussi soumis à la Question pour certains projets persos (allant du "j'aime beaucoup" à "je n'accroche pas du tout" pour le même projet, comme quoi… peut-être un futur sujet de billet sur la large subjectivité des producteur et leur expertise parfois à 360°?), je vais enfin inverser les rôles et passer pour quelques instants de la position émetteur à celle de récepteur..;-) Humm…nettement plus confortable, isn't it?
Mon quinté placé:
-"Acolyte". Ca surfe un peu (beaucoup) sur la paranoïa entourant des sujets comme Homeland, mais je dis pourquoi pas si l'action s'oriente plus psychologique (avec gros obstacles internes) que purement action.
"Arminius". On sent bien le potentiel épique lié à l'époque et au drame historique mais pas forcément un gros high concept. Plutôt une sorte de Spartacus teuton ou un Braveheart avant l'heure. Mais le choc possible Barbares versus Romains décadents peut être spectaculaire. On attend aussi au moins un gros déchirement amoureux (voire plus)…
"Dear Satan". Le switch Satan versus Santa est savoureux mais pourtant il esquisse à peine le gros potentiel fantastique…dommage. Je dirais comédie fantastico-horrifique plus que simple comédie, mais bon…faut tenir compte de la chaîne visée et du public.
"Sanctuary."Le plus high concept à mon avis…mais l'écueil à éviter, ce serait "le Da Vinci Code rencontre l'Exorciste"… Plutôt du côté du Nom de la Rose pour la subtilité avec une dimension d'enquête policière ET métaphysico-fantastique.
"God particle".On voit bien l'élément déclencheur avec la Terre qui fait boum! Après, ça peut devenir un simple huis-clos spatial classique. Eviter les pyjamas à la Star Trek…;-)
Pour finir, le "Haunt" pourrait être intriguant, mais il n'est pas très clair sur le potentiel sexe/transformation. Plus fantastique (voire féérique) que vraiment horreur pour durer, amha.
Enfin, "Saving Mr. Banks" me laisse perplexe… sauf si ça révèle une dimension totalement inconnue, voire iconoclaste de Disney.
En l'état, j'achète pas (et je reprends de ce délicieux cigare, les pieds sur mon bureau).
Pour conclure, une cuvée 2012 un peu décevante sur la dimension high concept… je ne retrouve pas la force et le potentiel énorme, par exemple, de "Last Resort" (pour ABC).
Le pitch: refusant d'obéir à un ordre de tir de missiles nucléaires, l'équipage d'un sous-marin américain fuit jusqu'à un point reculé de la planète. Apatrides et traqués, les marins décident de fonder eux-mêmes leur patrie. Le plus petit pays du monde à avoir l'arme nucléaire…
Bons pitchs à tous!
Anonyme
@anonyme 007,
Vous mettez le doigt sur l’un des plus criants scandales de la production audiovisuelle française : « la large subjectivité des producteurs et leur expertise parfois à 360° ».
Vous faites, dans la suite de votre commentaire, la démonstration que c’est pourtant fort simple de juger de façon impartiale un projet. Il suffit de se croire infaillible.
Il serait même souhaitable qu’aucun film ne puisse sortir sans votre aval car il faut bien le reconnaître malgré des années de conditionnement, il reste quelques spectateurs qui maîtrisent mal leur subjectivité.
En espérant que vos conseils seront bien entendus. Cordialement.
Robert
Anonyme 007
Mon cher Robert, je sens comme une pointe d'agacement dans votre réponse cordiale..;-)
Et si donner son humble avis c'est se croire infaillible, alors autant se taire. Vous aurez remarqué que ce n'est pas mon style. Et puis comment répondre à la question de ce billet, fort intéressant sur la question des projets spéculatifs pour le PAF de fiction française?
Mais puisque c'est mon aparté sur la subjectivité des personnes qui reçoivent des projets qui semble vous titiller, une précision sur cette légère pointe d'ironie, qui est du domaine du vécu…en toute subjectivité, bien sûr. C'est anecdotique mais très parlant en même temps.
Prod number one: la personne en question semble de fort méchante humeur (panne d'oreiller, problème conjugal, découvert non autorisé?) et consulte son smartphone sans me regarder (la base de la communication, il me semble); sans vraiment écouter ce que j'ai à lui raconter ( je suis pourtant là pour ça, comme convenu). Résultat: ça passe très mal, la personne en question n'a pas "entendu" l'argument de base du pitch, coupe régulièrement la parole, revient sur un point déjà abordé 2mn avant, toujours très occupée par son smartphone, etc. Bref, mon enthousiasme ne l'enthousiasme pas. En dix minutes, son sens de l'écoute ne me foudroie pas non plus. Next!
Prod number two: la personne en question me fait patienter le temps d'un appel téléphonique puis COUPE son portable et écoute mon argumentaire sans m'interrompre (ça paraît dingue, non…;-). En dix minutes, j'ai le temps d'être précis et en même temps synthétique, et surtout d'être en confiance. Prod n° 2 a parfaitement compris le pitch et propose quelques remarques très judicieuses qui permettront d'améliorer des points précis. Et de se revoir très vite.
Vous voyez où je veux en venir, sur la subjectivité à 360°, pour un même projet présenté dans le même temps et de la même manière? Mais je me suis peut-être mal exprimé. Plus que d''une subjectivité somme toute assez logique, c'est peut-être d'une attitude d'écoute (ou pas) qu'il faudrait parler dans la réception d'un projet, et dans la relation auteur/producteur… des relations humaines dans un cadre professionnel… mais on déborde franchement du sujet..;-)
Anonyme
@Anonyme 007,
J'avais cru comprendre que vous refusiez toute subjectivité aux producteurs qui devraient avoir le même avis sur votre travail.
Il ne s'agit pas de cela mais d'une demande de respect et de correction dans une relation professionnelle.
Je partage naturellement votre désir.
Miracle de la communication: mon agacement s'est transformé en empathie.
Il ne me reste plus qu'à souhaiter que Prod 002 dorme bien, ait une femme charmante, un joli compte en banque afin qu'un spec script français se réalise.
Amicalement.
Robert
Anonyme 007
Voyez, cher Robert, comme il est parfois important de prolonger la discussion : je m'étais mal exprimé. Voilà qui est corrigé.
Pour Prod number two, je lui souhaite tout le bonheur possible dans l'accomplissement de son métier… et une relation de confiance avec le(s) diffuseur(s). Mais c'est une autre histoire.
Bien à vous,
007
Anthony Philippeau
Si l'audiovisuel est un secteur difficile pour la créations original, je pense que si l'auteur à une envie de raconter quelque chose : la bande dessiné parfois est un secteur intéressant 🙂
pas de son, des images et des bulles, tous pour solliciter l'imagination du lecteur et lui proposer aussi un rythme intéressant, si bien sur le scénariste est lui même un dessinateur, ou connait des gens du milieu. Merci encore pour tous ses cours, très intéressants
Anthony
High concept
@Anthony : tout à fait, nous y pensons grandement également pour développer des projets qui ont du mal à arriver en TV.
@Robert et 007: merci de prendre à coeur ce billet. Bien évidemment, les specs scripts cités ici ne représentent qu'un dixieme de ce qui est vendu chaque année aux US. (132 en 2013 je crois.) Il y a donc encore beaucoup de projets dont les pitchs sont intéressants même s'ils ne sont pas tous des high concepts. Enfin, pour rebondir sur la subjectivité, le high concept est bien une propriété du pitch en soi : il est visuel et suscite le désir OU pas… Mes talents de traductrice sont limitées et bien évidemment, le jeu est d'en donner le moins possible, néanmoins, tous les pitchs donnés ici m'ont donné envie immédiatement, même sans connaître le contexte, les détails, etc.
A l'usage quand des producteurs mal lunés vous en demandent plus parce qu'ils ne sont pas convaincus à l'oral, c'est l'un des aléas de la création… Le mieux est ainsi de toujours pitcher à au moins 3 personnes : si les 3 vous disent qu'ils ne voient pas bien le potentiel, c'est probablement qu'il vous faudra retravailler le pitch de départ…
Chocotop
(J'aurais peut être une réponse ici) Qu'avais vous pensé des revenants, avez trouvé qu'elle était surcoté ?
High concept
@Chocotop: Bonjour, vous trouverez ma réponse sous votre premier message :o)
Bien à vous,
Cédric
Raid
Bonsoir,
Quand on travaille en tant que scénariste, comment gére t-on notre emploi du temps ? Car, je suis souvent occupé à écrire des scénarios toute la journée de 7h00 a 0h00 en fonction ce que j'ai prévu de faire : ça pourrait être de la réecriture ou encore de réflechir à des futurs concepts. Et malgré tout, ça paie, j'ai déjâ fait des rendez vous avec des producteurs et j'espère que mon projet verra le jour. Mais, j'aimerais bien avoir du temps libre pour moi. Bref… la fatigue se ressent et je n'ai pas envie d'arreter ce que je fais.
Merci pour votre aide 🙂
High concept
@Raid: Bonsoir, Je m'apprêtais à vous répondre avec un lien qui mène à une interview que j'ai donnée sur le site d'une collègue et dans laquelle j'explique mon emploi du temps. Et là, stupeur, je m'aperçois que toute trace de mon existence a disparue de ce site???? :o( Je vais me renseigner auprès de l'intéressée. En attendant, l'article en question a été agrégé sur un site tiers, mais dépêchez-vous car il va probablement disparaître aussi j'imagine. http://www.paperblog.fr/4390461/dans-le-bureau-de-cedric-salmon/
À bientôt,
Cédric
High concept
@Anon (que je viens à mon tour de censurer): Merci de vos compliments. Veuillez m'excuser, je préfère ne pas publier votre commentaire pour n'alimenter aucune polémique, surtout sans connaître exactement les raisons de cette disparition subite. Chez High concept, nous pensons qu'il y a de la place pour tout le monde, sur le net comme dans le métier de la création de fictions. (C'est d'ailleurs pourquoi nous continuerons à recommander le site en question, qui est par ailleurs une bonne source d'infos généralistes sur le scénario, dans nos liens.)
Ludovic
Bonjour Cédric,
Je viens de lire votre interview que vous avez mis a disposition, je le trouve très intéressant et à prendre exemple pour notre santé. Dommage qu'il va disparaître, le mieux c'est de le mettre sur le blog pour qu'on puisse aller le consulter autant de fois qu'on le désire. Surtout ne pas prendre exemple d'un emploi du temps d'un dessinateur que j'ai pu voir sur Internet, c'est impossible à tenir 🙂
Il suffit juste d'avoir une bonne méthode de travail pour s'en sortir. Moi je ne peux pas m'en passer du Web qui est une bonne source d'information et toujours en favoris le site de bonpatron 🙂