Une des premières réalités fondamentales de la production audiovisuelle de fiction en France est qu’elle est avant tout une production de commande qui se trouve de ce fait, dans la dépendance des chaînes qui la financent. Un cercle vicieux sans fin qui ne s'arrêtera que lorsque la concurrence viendra affaiblir le pouvoir de l'ensemble des chaînes et surtout de la première, TF1, qui en dominant le PAF, le maintient en fait dans son immobilisme.
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Une des premières réalités fondamentales de la production audiovisuelle de fiction en France est qu’elle est avant tout une production de commande qui se trouve de ce fait, dans la dépendance des chaînes qui la financent. Un cercle vicieux sans fin qui ne s’arrêtera que lorsque la concurrence viendra affaiblir le pouvoir de l’ensemble des chaînes et surtout de la première, TF1, qui en dominant le PAF, le maintient en fait dans son immobilisme. Explication.
Notre industrie de commande va mal
Ce n’est pas moi qui le dis, mais NPA conseil dans une étude sur les moteurs de renouvellement de la fiction française qui constate que :
« l’offre de fiction française suit une tendance à la baisse (-12% entre 2008 et 2012), alors que l’offre de fiction étrangère voit son exposition dans les grilles progresser (+23%) ».
Cela est dû aussi à des financements qui baissent.
N’oublions pas que nos diffuseurs financent presque quasiment (à quelques 80-90%) les devis de nos fictions. Alors quand FTV doit faire des économies de plusieurs dizaines de millions d’euros et que les autres chaînes privées comme TF1 et M6 réajustent leur budget sur leurs recettes publicitaires qui baissent elles aussi, c’est toute la production qui périclite.
Concrètement, nos six diffuseurs capables de produire de la fiction (TF1, F2, F3, C+, ARTE, M6) rechignent années après années à remettre au pot d’un business qui a du mal à atteindre l’équilibre. A chaque rentrée, c’est toujours un peu moins d’argent consacré à la fiction qui révèle toujours moins d’envie à en faire.
Le résultat est sans concession :
- sur M6, la fiction française a quasiment disparu (on est passé de 17 à 5 soirées de fiction française en 2012) ;
- sur France 2, premier diffuseur de fiction, on est en recul de 20% depuis 2008 ;
- sur France 3, on perd 5% et sur TF1, 12% ;
- Seule Arte double son volume historiquement bas mais cela a encore peu d’impact sur le total ;
- Canal+ joue dans une autre ligue et augmente aussi son budget fiction mais pour financer des projets faits avec des savoir-faire étrangers ;
- et tous se rabattent sur les formats courts et les coproductions internationales, les deux tendances de la rentrée 2013.
La fiction française, bonne dernière en Europe
De plus, l’une des autres caractéristiques françaises est la faiblesse de notre production par rapport aux autres pays européens. Nous avons fait un point la semaine dernière sur la faiblesse de nos exportations audiovisuelles malgré les cocoricos du CNC. Cette situation peut paraître paradoxale dans un pays qui s’est pourtant placé en tête du combat mondial pour la défense des identités culturelles nationales face à la domination de la production américaine et qui a adopté une réglementation et un système de soutien les plus perfectionnés qui soit.
Ce système est aujourd’hui largement critiqué, non pas tant pour ses beaux objectifs pour soutenir la création originale française que pour ses résultats.
La cour des comptes dresse aujourd’hui un bilan sévère de l’action du CNC : 800 millions de trésorerie, 271 films produits en 2011 mais 60% de ces films ne sont vus que par une minorité de spectateurs. Surtout et malgré « un système d’aides unique », les « résultats d’audience des productions nationales sont parmi les plus faibles d’Europe », comme le note aussi NPA conseil pour qui la fiction française en prime time sur les chaînes historiques connaît un recul global de son audience sur ces cinq dernières années.
En 2001, la valeur financière brute de la fiction dans les cinq grands pays européens était de 3 Milliards d’Euros, à comparer avec le total des ressources des chaines (plus de 40 milliards en 2000) selon l’INA (source Eurofiction économie – INA 2003). Quelques dix ans plus tard, le CSA dans la lettre 274 consacrée à l’audience des programmes de fiction dans les pays européens, aboutissait au même constat :
La production française se distingue toujours de manière bien singulière :
- Un volume très faible de production
- Une valeur moyenne élevée, la fiction française se concentrant sur la soirée
- Une fiction nationale qui ne parvient pas sur le podium des meilleures audiences nationales.
Une des raisons pour expliquer cet échec global est de l’associer au manque de compétition entre les principales chaînes publiques et privées. Notre petit nombre de grandes chaînes généralistes susceptibles de commander toute la gamme d’œuvres et notamment la fiction est trop restreint.
TF1, France 2, France 3, M6 (soit 90% de l’investissement en fiction) s’obligent à rechercher le plus petit dénominateur commun, et donc, à respecter des contraintes éditoriales fortes pour conserver leur part du gâteau si chèrement acquise au fil des ans.
Tant que TF1 gardera presque une dizaine de points d’audience d’avance sur ses collègues généralistes (phénomène unique en Europe), nous ne serons pas prêts d’avoir une fiction innovante et créative et qui sera capable d’obtenir des performances suffisantes pour rentabiliser la production de fiction française sur la durée.
C’est sans doute la raison principale pour laquelle la production et la diffusion de fictions françaises sont très inférieures quantitativement et QUALITATIVEMENT à celles des autres pays européens et elles continuent dans leur tendance, la production se concentrant globalement sur un petit nombre d’œuvres qui ne permettent pas pour l’instant d’assurer la pérennité économique des professions associées à la création d’œuvres audiovisuelles.
Vous savez maintenant quel signal attendre pour voir notre PAF changer…
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