Les exportations audiovisuelles 2012, dont la fiction française, progressent doucement malgré la crise. Faut-il crier victoire...
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Le CNC, TVFI (TV France International) et toute la presse spécialisée reprennent en cœur les communiqués officiels et se félicitent : depuis trois ans les exportations de programmes audiovisuels français sont en hausse (+ 15% cette année) selon le dernier bilan 2012. Oui mais… si l’on veut être précis, la France exporte ses programmes audiovisuels dix fois moins que sa consœur anglaise et quinze fois moins que sa cousine germanique. Et l’écart ne cesse de se creuser… Faut-il vraiment se réjouir ?
La hausse des ventes est d’ailleurs toute relative puisqu’en réalité, elle cache une incroyable stabilité (pour ne pas dire faiblesse structurelle) de nos exports depuis 12 ans.
En 2001, le montant total des exportations audiovisuelles françaises était de 126,7 M€. En 2012, il est de… 127M€. L’évolution est la même pour l’exportation de nos fictions : 22,5M€ (2001) / 22,8M€ (2012).
Toujours + de Canal
Si l’on regarde dans le détail le marché de la fiction, seules les fictions de CANAL+ s’exportent ou presque. (Peut-être parce que c’est la seule chaîne qui les produit dans l’optique de les vendre !)
Le CNC le reconnait d’ailleurs à demi-mot : « Les ventes ont été portées par le nouveau souffle de la création française, avec une écriture originale et des séries innovantes comme Les revenants (8×52’ – Haut et Court TV), vendue en Suède, ou Engrenages (Son et Lumière), et par des coproductions internationales majoritairement ou minoritairement françaises tournées en langue anglaise, vendues même sur des marchés marqués par une forte production locale, comme la série Transporteur (12×45’ – Atlantique Productions / Maximal Productions), notamment vendue en Turquie. »Canal. Canal. Canal.
Do you speak CNC ?
Aurait-on raté le nouveau souffle de la création française ? Canal+ représente-t-elle à elle seule l’ensemble des productions du PAF ?
En 2012, sur 768 heures de fiction produites, seules 7% proviennent de Canal+ (75% de TF1 et FTV). Ce qui équivaut à dire, si vous parlez CNC, qu’une extrême minorité de fictions, qui sont produites en dehors des standards du PAF, représente en fait la quasi totalité de nos exports. Ouch.
Et nous ne parlerons pas d’un autre paradoxe: comment les coproductions internationales pourraient refléter la fiction française, alors que justement elles font appel à des savoirs faire étrangers, autant à l’écriture qu’à la production !
Tout va très bien, Madame la Marquise…
Il est toujours intéressant de mettre en perspective les bravos, qui proviennent des mêmes acteurs qui pensent que la crise de la fiction française est enfin terminée. D’après Mathieu Béjot, délégué général du Rendez-Vous de TVFI qui s’est tenu à Biarritz jusqu’à mercredi : « le bilan 2012 est particulièrement remarquable car malgré la crise, le marché est parvenu à une hausse de 14,8% et retrouve les niveaux records de 2000. »
C’est sûr qu’avec des exportations de fictions Canal qui rapportent à peine une petite vingtaine de millions d’euros par an (l’Angleterre et l’Allemagne parlent elles, en centaines de millions d’euros), nous avons une certaine marge de progression. D’autant que la plupart du temps, nos séries sont tout simplement refaites avec les savoir-faire étrangers (Pigalle la Nuit, Braquo, Les Hommes de l’Ombre).
Certes, cocorico, la série Les revenants (8 x 52 min) produite par Haut et Court TV pour Canal s’apprête à pénétrer un marché considéré comme inaccessible à la diffusion pour une fiction française : les États-Unis. Sundance Channel (AMC Networks) la diffusera sous le titre The Return à partir du 31 octobre 2013 pour Halloween, avec une programmation hebdomadaire les mardis à 21h. La série sera ensuite disponible sur les plates-formes VOD le 1er janvier 2014. Hélas, c’est l’arbre qui cache la forêt. D’après notre Alain Carrazé national, 783 heures de séries françaises sont diffusées en prime time dans les autres pays d’Europe, contre 2 279 pour les séries britanniques et plus de 20 000 pour les séries US.
Les exportations reflètent les problématiques de notre fiction nationale, qui est embourbée depuis plusieurs années dans un refus d’obstacle : le développement de formats courts tout azimut (20% de notre fiction en 2012) et l’appel aux coproductions internationales.Chez High concept, nous pensons que les acteurs du marché, dont les scénaristes, sont assez grands pour entendre la vérité même si on en a parfois assez (comme tout le monde) de tirer sur l’ambulance. Espérons que nous pourrons être fiers des performances à l’export de nos programmes et de notre fiction très bientôt. :o)
Ludovic
Le mieux, ne serais-ce pas d'attendre encore une ou deux années pour que la fiction française progresse avant d'envoyer nos projets ? Parce que bon, il y a des risques que plus de la moitié des projets ne se fassent pas à ce rythme actuelle. Hâte de découvrir votre nouveau fiction 🙂
Anonyme
Quand on fait un peu plus original qu'une fiction policière ou une série policière déguisée pour ménagère, sa marche en dehors de France 🙂 Quand on propose aussi un peu d'originalité aux ménagères, ça marche aussi. Canal est la seule chaine qui a une vrai politique de création. Les grosses chaines ont un potentiel énorme avec la tnt mais ils s'en servent pour rediffuser les vieux trucs et mettre de la pub. C'est juste scandaleux.
High concept
Bonjour à tous!
@Anon: Je partage votre description des symptômes — elle me semble fort juste pour la tnt ;o) — cependant AMHA, le diagnostic est trop rapide: la surexploitation d'un genre favori n'entraîne pas forcement un manque d'originalité. Le genre Policier est caché dans 90% des séries, dont celles qui sont considérées comme les plus innovantes aujourd'hui, tels Breaking Bad ou The Americans (dont les structures respectives reposent sur le même sous-genre du Policier: le Crime.)
Bien à vous tous,
Cédric
High concept
@Ludovic: il est toujours dangereux de laisser une bonne fiction dormir dans un tiroir. Même si le marché dicte parfois de dures règles, il faut essayer au maximum de pitcher ses projets et de fédérer des intérêts autour quitte à parfois prendre beaucoup de temps pour pouvoir les faire. Faire aboutir ses projets en fiction est un marathon, il faut s'armer de patience mais il ne faut pas renoncer en attendant que le marché soit plus propice, car là malheureusement, il ne le sera sans doute jamais.
High concept
@Ludovic: Pour débuter sa carrière, Luc Besson n'a pas attendu que le marché français soit ouvert aux films de SF. Il a misé sur son propre talent (misé, au sens propre: il a produit son premier film Le dernier combat avec son argent et celui de ses proches pour faire changer les choses). Au final il n'a pas changé la fiction française, mais il a fédéré un certain public, qui était délaissé, ainsi qu'un célèbre producteur (Pierre-Ange Le Pogam, chez Gaumont) pour son film suivant… Bref, il a créé son propre marché.