Comment réussir l’introduction de son récit ? Comment jouer avec l’exposition pour donner le maximum d’informations sans ennuyer et sans alourdir la narration ; bref comment accrocher dès le départ ses lecteurs ou spectateurs pour qu’ils restent jusqu’à la fin ?
Ni trop, ni trop peu
L’exposition (comme son nom l’indique) est la partie où sont exposés au spectateur les différents éléments qui vont faire démarrer une histoire. Elle plante le décor, présente le protagoniste, les autres personnages principaux et leurs relations entre eux ; elle expose un contexte, c’est à dire, les événements qui vont amener le protagoniste à vouloir quelque chose ou à ne pas vouloir quelque chose (désir/répulsion).
C’est le moment où le spectateur découvre l’objectif du protagoniste (qui peut être déjà conscient pour le personnage : dévaliser une banque, séduire une femme, devenir pilote, etc.)
C’est la première partie du récit (ou encore « votre 1 » pour reprendre la pédagogie High concept), celle où il y a plus d’informations que d’action – ce rapport action/information s’inversant en principe dans les deux autres parties (votre « 2 » et votre « 3 ») pour devenir action pure dans la résolution.
C’est la partie du scénario la plus difficile à écrire car il faut donner un maximum d’infos en un minimum de temps (soit dix à vingt minutes) sans ennuyer son spectateur. Or, il n’y a que vous pour décider de quoi le spectateur a besoin pour s’intéresser à votre histoire.(N’hésitez pas à consulter le cours vidéo High concept sur cette première étape qui permet non seulement de bâtir un scénario sur des bases solides mais également de le vendre lors d’un pitch !)
Une bonne méthode pour réussir son exposition est de s’interroger sur chacun de vos personnages et ce qu’il est important d’apprendre sur eux au stade de votre histoire. Un seul conseil : aller à l’essentiel en cachant vos intentions d’auteur.
Dans certains types de film, l’exposition est très rapide car l’objectif est tout de suite clair :
Un bateau coule en pleine mer. Sur les canots de sauvetage les survivants vont tout faire pour survivre.
Peu importe la manière, le spectateur ne doit en aucun cas voir la mécanique interne de la machine. Il ne doit pas sentir qu’on est en train de lui injecter de l’information. L’action doit l’emporter avant même qu’il réalise ce qui lui arrive.
L’exposition prend fin, lorsque les conditions nécessaires sont toutes réunies pour rentrer dans le nœud de votre histoire. C’est là en général qu’intervient l’incident déclencheur ; première charnière dramatique du récit qui nous fait passer dans le deuxième acte et qui lance concrètement l’action et l’objectif du personnage.
L’incident déclencheur peut être un incident anodin, une situation conflictuelle, en tous les cas quelque chose qui bouleverse la vie du personnage.
Contrairement à la résolution, le hasard, comme le Deus ex machina, est très bien accepté par le spectateur pour commencer une histoire. Sans doute parce qu’il fait partie des prémisses de l’histoire, parce que souvent dans la vie les histoires commencent ainsi.
La technique de l’exposition différée
Ce procédé demande beaucoup de savoir-faire et d’habilité car il consiste à ne pas donner délibérément les informations indispensables à la compréhension de l’intrigue aux spectateurs. Ils sont alors forcés de se poser des questions.
L’exposition différée a ainsi l’avantage d’amorcer un suspens latent, une sorte d’ironie dramatique diffuse.
Attention, une information ne peut être différée trop longtemps sans courir le risque de perdre son spectateur qui se lasse et décroche.
Voici quelques illustrations de cette technique :
- Scène 1 : un homme rentre chez lui et s’enferme dans son bureau. Il sort un télégramme de sa poche et lit à nouveau le message qui lui annonce la mort de ses parents dans un accident de voiture. Derrière la porte des coups, c’est sa femme et sa fille qui l’implorent d’ouvrir. Mais il est tellement choqué qu’il ne bouge pas.
- Scène 2 : un homme rentre chez lui et s’enferme dans son bureau. Sa femme et sa fille s’inquiètent car elles ont beau frapper à la porte, implorer qu’il ouvre, rien ne se passe. (Exposition différée)
Dans la première scène nous suivons l’histoire du personnage en nous identifiant à lui. Nous avons toutes les infos en même temps.
Dans la seconde, nous nous identifions à sa femme et à sa fille tout en vivant un suspens latent. Nous aussi, il nous manque les infos pour bien comprendre la situation. Vous sentez bien qu’on ne pourra pas garder trop longtemps cachée la raison de son comportement (la mort accidentelle de ses parents) et qu’il faudra donner cette information assez rapidement.
La technique de l’exposition différée est très intéressante pour bien amorcer le changement qui va s’opérer chez votre protagoniste.
Illustrons ce dernier point avec la scène 2 : La femme et la fille ont fini par se résigner et se sont réfugiées dans l’immense salon. Ici, tout respire le confort, l’argent. Lorsque l’homme pénètre dans le salon, il annonce qu’il va tout plaquer et devenir moine. La femme consternée le regarde sortir de la pièce pour se rendre dans le jardin. Dans le bureau de son mari, elle découvre le télégramme.
Dans un prochain billet, nous verrons d’autres techniques pour muscler vos scènes d’ouverture, mais déjà n’hésitez pas à partager avec nous vos propres techniques pour réussir vos expositions.