Etre scénariste, c’est rechercher à la fois la créativité et le sens.
Une manière simple d’enrichir son récit et de le rendre plus facilement accessible au public, c’est de trouver des noms efficaces à ses personnages.
Cette discipline s’appelle l’onomastique et c’est une gymnastique qui peut s’avérer payante.
L’onomastique, c’est fantastique
Les anglo-saxons ont bien compris l’importance de nommer justement leurs personnages et ils sont souvent d’une limpidité désarmante.
Je ne prendrai qu’un seul exemple emblématique et mondialement connu : Luke Skywalker qui à l’origine devait s’appeler Anakin Starkiller.
- Luke vient évidemment de (Georges) Lucas.
- Skywalker désigne littéralement un « marcheur du ciel ».
- Anakin, le prénom originel, deviendra celui de son père sombre « Darth Vader » ou « Dark Vador » en français.
- Starkiller, si justement trouvé puisque Luke devait « tuer l’étoile noire », a du être abandonné à cause d’un autre Starkiller bien réel celui-ci : Charles Manson, dont c’était le surnom.
Il faut toujours être d’une vigilance extrême quant aux connotations qu’engendre notre onomastique.
Mais dans ce billet, je veux plus particulièrement me pencher sur l’onomastique des comédies françaises : Amélie Poulain, Jacquouille la Fripouille, Ludovic Cruchot, François Pignon, Jean-Claude Dusse ou encore plus simple, Bernie, Didier, Popeye…
La simple évocation de ces noms et prénoms provoque la mémoire et le sourire.
Pour cela, les scénaristes sont allés puiser dans la langue française. Métaphores, nom de métier (ou autre), rythmes et sonorités sont à même de faire de cet exercice une pure partie de plaisir.
Deux règles simples pour la dénomination de vos personnages
Le nom de vos personnages :
- doit correspondre au profil sociologique que vous avez dessiné.
- doit éviter de perdre le spectateur.
Pour plus de précisions, cet article du blog des auteurs : comment nommer ses personnages : les réponses de trois écrivains connus est assez exhaustif sur la question.
L’onomastique peut devenir génératrice de scènes.
Comme dans cette valse à l’ancienne des noms franchouillards orchestrée par Michel Hazanavicius dans « OSS 117, Rio ne répond plus ».
Une onomatsique réussie devient parfois culte.
Et Francis Weber, maître de la comédie, ne s’y est pas trompé. Qui n’a jamais repris ce dialogue comique si juste du «dîner de cons» ?
Au passage, une onomastique peut parfois être nulle et drôle, n’est-ce pas Odile ?
Enfin, on peut aussi fonder tout un scénario sur son onomastique.
Illustration avec le film: le Prénom
Voici le 1-2-3 du film « Le Prénom » écrit par les bien nommés, Alexandre De La Patellière et Matthieu Delaporte.
Pour tout savoir sur ce que nous appelons le 1-2-3 chez High Concept, ou Déclencheur-Tâche-Climax, soit la base des trois fonctions dramatiques essentielles à maîtriser quand on se lance dans l’écriture d’une histoire (à ne pas confondre avec Acte 1-2-3 ou début-milieu-fin… ), n’hésitez pas à aller regarder notre formation socle gratuite sur les fondamentaux de l’écriture agile.
Le 1
Quand, pour se moquer des prénoms de ses enfants, Vincent Larchet, agent immobilier arrogant et blagueur, fait croire à son beau-frère, Pierre Garraud, qu’il pense sérieusement prénommer son futur fils : Adolphe, il provoque la colère de Pierre, la stupéfaction de sa sœur Elisabeth, de Claude Gatignol, un ami de la famille secrètement surnommé « La prune », et enfin la consternation de sa femme Anna.
Le 2 ou les prénoms du « prénom »
Pendant cette soirée supposée festive, et malgré le fait qu’il révèle la vérité à savoir qu’Anna et lui veulent donner le prénom du grand-père à leur futur fils, Vincent va tout faire réparer les effets de sa « blague », mais la machine est lancée. L’annonce de ce prénom a provoqué une réaction en chaîne qui va ébranler tout l’édifice familial et amical, jusqu’à…
Le 3
… l’annonce par « La prune » qu’il vit une histoire d’amour passionné avec la mère de Vincent et d’Elisabeth, Françoise, de trente ans son aînée.
Le Tag
Quatre mois plus tard, le garçon annoncé est finalement une fille et Vincent et Anna lui donne le prénom de la grand-mère, Françoise.
J’encourage les scénaristes en général, et de comédie en particulier, à toujours prendre un moment pour s’amuser à trouver des noms malins et justifiés pour leurs personnages.
C’est un petit plus, un clin d’œil qui fera toujours plaisir aux spectateurs.
Et qui sait, qui marquera peut-être les esprits, si c’est juste.