Comment négocier son premier contrat pour le cinéma en tant que jeune scénariste. Voici un retour d'expérience d'un long parcours de négociations et de contractualisations pour un premier scénario.
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La réalité d’une négociation de contrat de scénariste est toujours un cas particulier.
Il y a les règles… et la pratique.
Aujourd’hui, je vais revenir sur les 10 règles pour signer un bon contrat d’auteur de notre consultante senior Julie Salmon, suite à ma première expérience de contractualisation pour le cinéma.
Ne commencez jamais un travail sans contrat.
A l’heure où j’écris, je n’ai toujours pas signé mon contrat. J’ai pourtant rédigé un pitch en décembre 2016, un traitement en janvier 2017, un séquencier complet en février 2017 et une continuité dialoguée (V1) en septembre 2017.
Ce début de contractualisation remonte donc à presqu’un an, après que mon pitch a été sélectionné lors d’un appel d’offre lancé par le Pôle Emploi scénariste.
A l’époque, le projet commençait tout juste à se monter. La réalisatrice travaillait alors en « solo » avec sa propre société de production et un premier contrat avait été proposé. Il était imparfait, rempli de coquilles et d’erreurs de chiffrage.
En mars 2017, nous avons commencé des allers-retours par mails pour avancer sur les différents points qui nécessitaient des discussions. Puis, les négociations ont connu un temps d’arrêt. La réalisatrice ayant trouvé de nouveaux partenaires financiers, fin mai.
En juillet, avec ces nouveaux producteurs, le processus contractuel a été complètement relancé et revisité : budget à la baisse (mais plus réaliste), changement d’interlocuteurs, contrats plus précis.
Le contrat reste donc bien au centre de mes échanges avec les producteurs et même s’il n’est pas signé, le sérieux et le professionnalisme dont ils ont fait preuve, m’ont suffisamment donné confiance pour avancer dans mon écriture.
Précision essentielle : si je travaille en étroite collaboration avec la réalisatrice, j’ai l’assurance que ma V1 ne sera livrée aux producteurs qu’au jour de la signature. Pour l’instant, tout ce qu’ils ont entre les mains, c’est le pitch de décembre 2016 .
- l’une est dévolue au conseil sur contrat des auteurs
- l’autre propose carrément de gérer la négociation avec la production (quand l’auteur n’a pas d’agent, par exemple)
- signifier aux producteurs que vous êtes quelqu’un de précis et d’informé
- consolider votre position, en envoyant comme message que vous n’êtes pas pressé
Agent ou avocat ? Ne soyez jamais sans représentant.
Comme je débute dans le métier de scénariste, je n’ai pas encore d’agent. Ce n’est pourtant pas faute d’en avoir recherché et de leur avoir fait part de ce contrat en cours de négociation. Mais comme je suis un « petit poisson », je n’intéresse personne, malgré ma sélection à un appel d’offre très compétitif.
C’est à la fois un désavantage, car se vendre soi-même est toujours compliqué. Et parce que ces lectures, ces re-lectures de contrats, les mails à rallonge, la demande de conseils et les entretiens téléphoniques m’ont pris un temps considérable. Temps que j’aurais préféré consacrer à l’écriture.
Mais, c’est aussi un avantage, car se plonger soi-même dans ces contrats m’a permis d’être pleinement informé de leur complexité et de la réalité des droits d’auteurs en France.
Il n’existe pas de contrat type ou standard.
S’il n’existe pas de contrat type, il existe des modèles de contrats téléchargeables sur internet, comme ceux de la SACD.
Ce que ne s’est pas privé de faire l’avocat de la réalisatrice…
Et même si cette personne a adapté les chiffres à son budget et certaines clauses aux exigences de la réalisatrice, une relecture minutieuse m’a permis d’y relever des erreurs de chiffrages, dû à des réécriture successives du contrat sur ce modèle.
Et oui, comme dans un scénario, lire et relire encore ce document de 40 pages m’a permis d’en expurger tous les « bugs ».
Maitriser les bases du droit d’auteur français.
Pour cela, je me suis tourné vers le service juridique de la SACD, qui dispose de deux branches :
Le conseiller juridique de la SACD m’a proposé de lui envoyer mon contrat et m’a confirmé que ce dernier semblait juste, au regard des usages actuels. Ce qui m’a beaucoup rassuré. Mais, il m’a aussi conseillé de négocier quelques points, notamment sur le nombre de réécritures.
Ce point a été fortement corroboré par des conseils pris auprès de Cédric Salmon de High concept, qui m’a accompagné sur ces points importants
Renseignez-vous sur la personne avec qui vous signez.
En l’occurrence, c’est quelque chose que je n’ai pas du tout fait au début.
Répondant à un appel d’offre émanant de Pôle Emploi scénariste, j’ai pris cela comme un gage de probité. De plus, la réalisatrice était une personnalité audiovisuelle connue.
À l’arrivée des coproducteurs, je n’ai pas spécialement cherché non plus à me renseigner. Le premier rendez-vous ayant été presqu’entièrement consacré à leur présentation et à leur parcours professionnel, là aussi jalonné de collaboration avec des artistes connus.
Comme il s’agit essentiellement de relations humaines, les premiers instants de la rencontre pour moi ont été essentiels. On sent ou on ne sent pas la personne en face de soi.
Apprenez à dire non.
Tout au long du processus de négociations, c’est LE conseil qui m’a le plus aidé.
Dire « je ne suis pas d’accord sur tel ou tel point » permet deux choses :
Et ça, c’est vital. Ne pas se précipiter, prendre le luxe du temps (si c’est possible évidemment), ça a été mon point fort dans ce long parcours de contractualisation.
Anticipez et ne lâchez pas sur les points importants.
Facile à dire, difficile à faire quand on débute dans le métier de scénariste !
Je vais prendre en exemple le point qui a suscité le plus de débat : une clause d’adjonction d’auteur en cours d’écriture.
C’est un point sur lequel la réalisatrice n’a rien voulu lâcher auprès des co-auteurs à l’origine des pitchs. Elle tenait à ce que cette clause reste, en cas de désaccord avec ces co-auteurs. Il a été très difficile de négocier.
Preuve en est, l’éviction d’un des co-auteurs qui ne voulait absolument rien signer si cette clause restait dans le contrat.
Autre point exemple de points importants difficiles à mettre en place avec les producteurs, le fait de laisser des articles à négocier plus tard, si la situation se présente.
En gros, tout ce qui est droit de remake, de merchandising, d’adaptation en romans, pièces ou autres et où la place de l’auteur pourrait être laissé à l’appréciation de la situation future.
Et bien, même si le conseiller de la SACD insistait aussi là-dessus, le producteur n’a rien voulu remettre à plus tard et a voulu verrouiller l’ensemble des droits dans cette version du contrat.
Si je voulais travailler sur ce projet, il fallait que je fasse « contre mauvaise fortune, bon coeur ». Je n’étais pas assez puissant pour imposer mes conditions. C’est la dure réalité de la négociation d’un premier contrat.
Les avocats parlent aux avocats.
Dans mon cas de négociations en direct avec la réalisatrice d’abord, les co-producteurs ensuite, je n’ai jamais parlé avec leurs avocats.
De plus, comme mon contrat tournait autour des 5.000 à 6.000 euros (court-métrage), j’étais en-dessous du seuil dont certains auteurs m’avaient parlé.
En effet, il semblerait qu’en-dessous de 10.000 euros, ce n’est intéressant ni pour un auteur, ni pour un avocat de faire négocier un contrat par un tiers.
Soyez serein au sujet de l’argent.
Ce point est très vrai et très important. Il est difficile d’arnaquer un jeune auteur sur les sommes engagées.
La grille OCPA établie par la SACD est celle sur laquelle se fixe en général les producteurs.
C’est un véritable indice de probité pour le jeune auteur. Si le producteur ne respecte pas cette grille, « ça sent mauvais ».
N’ayez pas peur.
Je ne peux que souscrire à ce conseil.
Si vous êtes frileux, méfiant et que vous n’accordez votre confiance qu’exceptionnellement, ce métier n’est pas pour vous. On est obligé à un moment ou à un autre de faire confiance et de lâcher la bride.
Pour travailler en toute sérénité, le dialogue, la confiance, la mise au jour de tous les doutes que vous pouvez avoir, sont les seules solutions viables.
Même si ce sont des producteurs que vous avez en face de vous, il s’agit quand même de personnes qui ont envie de finaliser un projet. Ils ont leur problématique, vous avez les vôtres, mais finalement vous essayez ensemble de faire un film.
Conclusion
Si je prends tout cela avec du recul, ce qui m’a manqué, mais qui m’a aussi parmi d’apprendre cette réalité de la contractualisation, c’est vraiment d’être représenté.
En tant que jeune auteur et nouvel arrivant, j’aurais sans doute obtenu quelques petites choses en plus, mais je n’aurai pas compris l’importance de ces différents rounds de négociations.
Au total, j’ai du échanger une quarantaine de mails sur les différents points concernant les articles du contrat et passé une dizaine d’entretiens téléphoniques avec mes différents interlocuteurs.
Je voudrais tout particulièrement remercier Julie et Cédric Salmon, les fondateurs de High concept, qui m’ont accompagné avec une constante bienveillance et un œil affuté dans cette longue marche vers mon premier contrat de scénariste de cinéma.
Sans eux, mon stress d’auteur aurait multiplié par dix.
Nouveauté : High concept proposera bientôt un nouveau service d’accompagnement juridique sans se substituer aux avocats ni aux représentants juridiques ou aux agents. C’est un service d’expertise pour servir aux ayants droits dans leurs démarches envers les tribunaux ou lors de négociations contractuelles. En attendant, pour toute question à régler en urgence, n’hésitez pas à appeler notre hotline pour obtenir crédit de 30 min. à consommer à votre guise et discuter avec un script doctor professionnel, poser vos questions sur les sujets qui vous intéressent. Tarif : 75,00 € la séance question/réponse avec un scriptdoctor par plage de 30 min.
Cédric Salmon
Dernière nouvelle : Damien a finalement signé son contrat. Félicitations à lui ! La morale de l’histoire est en effet qu’en matière de négociation, il faut savoir avancer lentement et surement.