Dans toutes les histoires racontées au théâtre et au cinéma, on peut considérer différents niveaux structurels. Tout d’abord, l’archi-structure du récit, puis le genre auquel une histoire appartient et qu’il est toujours intéressant d’identifier. Action.
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Dans toutes les histoires racontées au théâtre et au cinéma, les arts narratifs en général, on peut considérer différents niveaux structurels. Tout d’abord, l’archi-structure du récit qui classe les histoires en types fondamentaux, puis le genre auquel une histoire appartient qui fait non seulement référence aux situations dramatiques qu’elle exploite mais aussi au mythe qu’elle prend en référence et qu’il est toujours intéressant d’identifier.
Action !
Votre fiction est-elle une Iliade ou une Odyssée ?
Dans le la masterclass dédiée aux 18 genres hollywoodiens à connaître et à décrypter, vous avez appris à différencier un genre marketing de façade et un genre dramatique ou littéraire de scénariste, qui permet, lui, de structurer professionnellement votre récit. Vous avez également appris à vous repérer parmi les (très) nombreux genres dramatiques pour sélectionner la mécanique qui vous convient grâce au tableau des genres.Ce tableau classe les genres en trois catégories (ou archi-structures) en fonction de l’objectif de votre protagoniste principal. Toujours dans l’esprit de simplification qui nous caractérise, je rajouterais que ces trois catégories sont elles-mêmes contenues dans deux archi-structures originelles. En effet, toute œuvre est soit une Iliade, soit une Odyssée. Aucune histoire, aucun récit n’y échappe. Parfois, les deux se fondent l’une dans l’autre.Une odyssée (Ulysse) est un voyage, une marche, une errance tendue vers un but lointain, une quête de sens ou d’identité, un parcours initiatique : les road movies (Easy Rider, Thelma et Louise, Duel et bien sûr Pierrot le fou, Godard étant considéré comme le précurseur du genre) — les films d’aventures (L’homme qui voulut être roi) — les films initiatiques (Matrix, Le seigneur des Anneaux, Avatar), etc.
Qu’elle soit tragédie ou comédie, comme dans O’Brother, l’odyssée a sa constante structurelle, le voyage du héros : l’appel — le départ — les premières épreuves — l’épreuve suprême — la récompense — l’abandon des instruments du pouvoir et le retour (voir le livre de Joseph Campbell Le Héros aux mille et un visages). L’Iliade quant à elle, est une recherche du temps perdu, le retour en un point. Elle évoque un lieu clos qu’il s’agit de pénétrer, d’intégrer ou de s’échapper : Citizen Ken, Le Procès, etc. Sa constante structurelle : l’affrontement entre deux entités — deux mondes, deux groupes humains, deux personnages.
Identifiez le mythe grec de votre genre dramatique
Un scénario ou une histoire totalement originale n’existe probablement pas. C’est la façon de la raconter qui peut l’être.Dans la formation socle aux fondamentaux d’une histoire, vous avez ainsi appris que le nombre de situations dramatiques exploitées dans les œuvres littéraires, théâtrales ou cinématographiques mondiales est limité. (Cédric cite les « Trente-six situations dramatiques » de Polti, il existe aussi les deux cent milles d’Etienne Souriau.)
Les genres dramatiques se structurent suivant ces patrons de façon plus ou moins systématique, plus ou moins combinatoire, plus ou moins assujetti au modèle :
- être traqué (Le fugitif, un thriller/innocent-on-the-run) ;
- devoir sacrifier les siens (Le choix de Sophie, un mélodrame) ;
- sauver (Armageddon, un film d’action) ;
- obtenir ou conquérir (La vie rêvée des anges, un drama) ;
- amours empêchés (Roméo et Juliette, une love story) ;
- ravir ou kidnapper (Misery, encore un thriller), etc.
Au sein de ces genres, les mythes (souvent grecs mais pas toujours) imposent aussi des structures aux films qui les utilisent. On appelle ces modèles des « mythèmes ». L’époque change, les décors, les mœurs, mais les personnages, leur parcours, le thème, la construction restent à quelques variations près ceux du mythe.
Les mythèmes prennent toute leur force lorsqu’ils sont associés à des problématiques contemporaines :
- Tirésias (Tirésia, un conte) ;
- Icare (les films d’Antonioni !) ;
- Faust (La Beauté du diable ou L’Imaginarium du docteur Parnassus, des films fantastiques) ;
- l’Arche de Noé (2012, un film d’action/catastrophe), etc.
CUT. Dans le prochain article nous allons aborder la Trinité qui structure toute histoire, les différents temps et les procédés dont nous disposons. Le fameux 1-2-3 de High concept, à ma sauce ;o) En attendant, bonne écriture…
Loic Gandon
Super ! La suite ? La suite ! La suite.
stephane
Je suis un peu perdu dans cet article.
L'Odyssée m'apparaît très clairement expliquée, l'Illiade en apparence aussi, mais toutefois les exemples sont moins évidents à mes yeux.
citizen Kane est une enquête, un récit, il y a une "évolution" des journalistes, où se situe l'affrontement entre deux entités ?
Journalistes VS vérité ?
Avez-vous des exemples ou les 2 se mélangent ?
Est-ce ces 2 genres que vous appelez les mythèmes ? Ou alors y a-t-il un nombre délimité de ces mythèmes ?
désolé, c'est peut-être mon état de fatigue. 🙂
merci pour ce billet en tout cas.
BOOKS OF LOU MA HO
Il n'y a pas de nombre délimité pour les "mythèmes". Il faut seulement que le mythe soit devenu universel et référentiel comme les mythes grecs repris par la philosophie ou la psychanalyse.
Dans Citizen Kane il faut trouver la vérité, percer le mystère, rentrer dans un univers, une folie des grandeurs, une ambition dévastatrice, mais ce n'est en aucun cas le parcours du héros.
Anonyme
Si je comprends bien on ne peut raconter que deux types fondamentaux d'histoire !
C'est vrai qu'en analysant les films ou livres qui m'ont marqué, ce sont soient des Illiades, soient des Odysées. Je trouve que le savoir gâche un peu le mystère. C'est toujours réducteur de connaître les ficelles. Surtout dans ce qu'on considère comme un art. C'est comme de connaître soudain le truc d'un tour de magie qui nous impressionnait. On est surpris par sa simplicité et toujours un peu déçu.
Pierre Gestin
Ce que vous dites de l’Odyssée est évident : un voyage initiatique. Par contre on voit mal ce que vous retenez de l’Iliade … Certes un affrontement, mais on pourrait en trouver dans l’Odyssée . Certes une histoire relativement statique (encore que les lignes bougent pas mal ), cependant il n’est nullement question de la prise de Troie ou d’une quelconque fuite dans l’Iliade, ni d’un retour, encore moins de la recherche d’un temps perdu (ce serait plutôt le cas de l’Odyssée).
Il est question dans ce poème de la colère d’Achille qui se tourne d’abord contre les Grecs puis contre les Troyens. Il est question d’orgueil et de déchirement. Il est question de la puissance des dieux qui se jouent des humains (bien plus que dans l’Odyssée, où la ruse d’Ulysse est bien plus divine que la force des héros de l’Iliade). Il y est enfin question d’apaisement arraché sur la cruauté du monde (Achille pleurant avec Priam et lui rendant le corps de son fils), alors que l’Odyssée, si humaine, s’achève au contraire sur la vengeance sanglante et implacable d’Ulysse.
En somme l’Iliade est plus tragique que l’Odyssée (elle en a tous les thèmes ) et l’on peut voir dans son dénouement un rituel de refondation de la communauté sur des valeurs humaines. Il est à signaler que l’autre (les Troyens) sont mis en avant à la fin du poème, avec les funérailles d’Hector, un peu comme ce sera le cas dans les Perses d’Eschyle.
A ce titre, l’Iliade est beaucoup plus difficile à ramener à un type et il est très douteux que toutes les histoires ne relevant pas du voyage initiatique ressortissent à cette épopée .