Les bonnes répliques d'un film sont celles qui remplissent trois fonctions essentielles tout, en s'intégrant harmonieusement dans l'action. Explication.
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Dans un film, le dialogue est plus élaboré que dans la vie. Il doit remplir plusieurs fonctions et c’est ce caractère fonctionnel qui l’éloigne de la conversation pour se rapprocher des modèles issus du roman ou du théâtre. Même soi-disant « réaliste », il reste un artifice. Dans la vie on hésite, on cherche ses mots, on se répète, on bafouille, on a des trous, et on ne dit pas toujours ce que l’on voudrait dire. (La nouveauté au cinéma pourrait être d’ailleurs d’aller toujours plus loin dans le réalisme des dialogues. Avis aux amateurs…)
Les trois fonctions attribuées aux dialogues
La fonction d’information. Une réplique peut véhiculer des informations qui servent l’action en donnant, ou en dissimulant ces informations aux spectateurs et aux autres personnages.
La fonction de caractérisation. Par leur contenu et leur forme, les dialogues caractérisent les personnages : leur humeur, leur émotion, et de façon plus générale, leur caractère et leur appartenance sociale (par le vocabulaire, la syntaxe, etc.)
Une réplique ne caractérise pas seulement celui qui parle, elle permet aussi à l’auteur de définir une époque, un milieu, une culture.
Le contenu, la tonalité, les styles des dialogues caractérisent même le genre du film, voire les scènes obligatoires auxquelles ils appartiennent : les genres ont donc aussi leur type de dialogues !
Un petit truc : pour savoir si mes dialogues caractérisent bien mes personnages, je cache leurs noms et tente de trouver qui parle en lisant les répliques. Très efficace.
La fonction d’action et de dramatisation de l’action. Les dialogues doivent jaillir de la situation et révéler les relations conflictuelles entre les personnages. Ils doivent être aussi participer à la mise en tension progressive de la scène et de l’intrigue dans son ensemble.
Donner un secret à un personnage est par exemple l’une des techniques les plus efficaces pour générer du conflit (voir nos dix conseils pour rendre votre héros de fiction emblématique − point n°7, et pour aller plus loin, notre journée de formation dédiée au mystère et à l’écriture policière).
A l’inverse, dans les films d’auteur, l’accent est mis sur la caractérisation des personnages et leur relation au détriment de l’information et de la dramatisation.
Une technique utile : ne pas dire, mais faire dire
Le contenu d’un dialogue, c’est ce qui est dit. La forme c’est comment c’est dit (ton de la douceur, de la colère, du sarcasme…) Cette dernière relève de l’activité, du 2 du 1-2-3© de la méthode High Concept, et non du dialogue. Ce n’est donc pas seulement ce qui est dit qui caractérise le personnage, mais la façon dont il le dit. La façon de parler correspond normalement au statut du personnage, un paysan doit parler comme un paysan, un prince comme un prince… sauf si c’est voulu : un tueur à gage qui sourit et parle avec douceur sera toujours plus inquiétant, n’est-ce pas ?
Le ton emprunté révèle toujours les profondeurs obscures de votre personnage. Il faut être à l’affût de ce qui peut le trahir et le communiquer aux spectateurs. Le ton employé peut être aussi utilisé dans le sens opposé ; c’est l’une de mes techniques favorites :
« Je me sens bien ici ! » dit un personnage. Mais la façon dont il le dit, exprime tout le contraire. Les bons dialogues sont ceux que vous n’avez pas besoin d’écrire.
Encore une fois, le langage visuel informe, caractérise et dramatise avec beaucoup plus de force que le langage parlé.
Mieux vaut voir une femme pleurer jusqu’à l’aube que la même femme nous dire qu’elle a pleuré toute la nuit.
Avec le prochain article nous rentrerons dans la structure du dialogue et les procédés dont nous disposons. En attendant, je vous invite à lire mes précédents articles sur mon approche du scénario et de la méthode d’écriture high concept.
Bonne écriture !
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