Dans cet article vous apprendrez les bases d’une coécriture efficace, à partir de l’exemple d’une série SF que j’ai cocréée.
Babel, pilote de série – date du 1er draft : août 2009 – auteur : Julie Chemla, d’après un concept de Julie et Cédric Salmon – développé par ITV France & La Pan-européenne / BFC productions – titulaires actuels des droits : les auteurs – projet lauréat du Fonds d’aide à l’innovation audiovisuelle du CNC.
Comment travailler avec un coauteur : quelques conseils
Bonjour à tous ! La coécriture est pour certains scénaristes tout simplement hors de question : en effet comment signer à quatre mains un scénario sans sacrifier sa liberté artistique sur l’autel du compromis ? Que l’on croit aux vertus du mariage ou non, il faut bien reconnaitre que trouver son coauteur est aussi difficile que trouver l’âme sœur et je n’ai pas la prétention de détenir la solution à ce problème… quasi-mystique. En partant du principe que vous avez trouvé votre alter-égo artistique, voici néanmoins quelques conseils pour vous aider à poser les bases d’une collaboration efficace.
– Dans un environnement où la majorité des auteurs sont autodidactes, je m’assure dans un premier temps que mon coauteur et moi possédons un langage technique commun. Je dois avouer que High Concept facilite grandement les choses de ce point de vue (même si ce n’était pas mon principal objectif en débutant ce blog) ;
– Je m’assure surtout que nous souhaitons la même forme de coécriture. Pour rappel, parmi les œuvres réalisées avec plusieurs auteurs, le Code de la propriété intellectuelle distingue :
- L’œuvre collective (véritable OVNI de la propriété intellectuelle). Quand une œuvre est composée d’un très grand nombre de très modestes contributions personnelles (qui se fondent dans un ensemble collecté et coordonné par une personne, physique ou morale). C’est le cas du dictionnaire par exemple, pour lequel les droit moraux des auteurs sont très réduits.
- L’œuvre de collaboration (la plus répandue). Deux auteurs travaillent ensemble et échangent, participant tous deux activement à l’écriture. C’est ce activement que je vous conseille de bien définir, puisqu’il est physiquement impossible de taper un scénario à quatre mains.
Dans ma carrière j’ai eu l’occasion de tester à peu près toutes les méthodes de coécriture : vous pouvez travailler en « ping-pong », c’est à dire que l’un se jette dans le grand bain et envoie un premier jet au second, qui le corrige et ainsi de suite. Vous pouvez également vous répartir les séquences à rédiger (comme je l’ai expérimenté en coécrivant le séquencier de l’épisode 3 de la série Un village français). Enfin, plus atypique mais efficace dans les périodes de gros rush, vous pouvez physiquement vous tenir tous les deux derrière l’ordinateur, l’un étant le préposé à la saisie (La bible de la série Un flic en prison a été rédigée ainsi) ; - L’œuvre composite, en opposition directe avec la collaboration, est la résultante des créations respectives de deux auteurs qui n’ont pas travaillé ensemble (et qui, éventuellement, ne se sont même pas rencontrés. C’est le cas d’un scénario qui est l’adaptation d’un roman, d’une bible ou d’un concept par exemple.)
Cette distinction est proche de la différence entre coauteur et complice en droit pénal : dans le premier cas on participe activement; dans l’autre on autorise, on laisse faire. Il m’arrive parfois de travailler ainsi.Vous trouverez ci-dessus le pitch vidéo de Babel, une série d’anticipation qui se déroule dans le monde de l’entreprise et dont j’ai proposé l’écriture du pilote à une scénariste dont les compétences étaient idéales pour le job : Julie Chemla (qui est devenue Julie Salmon dans la foulée.. choisissez votre coauteure avec soin les gars, vous pourriez bien l’épouser vous aussi !) Non seulement Julie maîtrise parfaitement les codes de la science-fiction, mais elle a arpenté pendant des années les couloirs des grandes entreprises du CAC 40 : elle était nettement plus qualifiée que moi pour développer ce projet. Julie et moi avons naturellement choisi une relation réalisateur/scénariste sur ce projet, mon apport artistique concernant alors la mise en images.
Évidemment si la coécriture est un mariage, je ne saurais trop vous conseiller de choisir votre coauteur avec soin. Un divorce artistique pourrait en effet s’avérer tout aussi compliqué qu’un vrai concernant la « garde des enfants » ; tous les auteurs d’une œuvre de collaboration ou composite ayant voix au chapitre concernant l’avenir du-dit projet. A bientôt !
Cédric Salmon
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