Bonjour à tous ! Mes deux dernières vidéos de making of d’un scénario de la série Un village français ne seraient pas complètes sans le résultat obtenu avec la méthode de travail HIGH CONCEPT : vous trouverez donc ci-dessous le séquencier de l’épisode trois, que j’ai écrit avec mon collègue Frédéric Azémar. Pour jouer le jeu, j’ai […].
47 MIN. DE LECTURE
Bonjour à tous ! Mes deux dernières vidéos de making of d’un scénario de la série Un village français ne seraient pas complètes sans le résultat obtenu avec la méthode de travail HIGH CONCEPT : vous trouverez donc ci-dessous le séquencier de l’épisode trois, que j’ai écrit avec mon collègue Frédéric Azémar.
Pour jouer le jeu, j’ai choisi de vous communiquer la version de travail qui a directement suivi notre travail de break down (dont le principe des quatre actes est bien connu des habitués de ce blog).
Il est à noter que :
- Ce séquencier ne comporte pas d’indications de changement d’acte ; cet élément de mise en page, comme les autres, dépend des préférences de la production et du directeur de collection (ici Frédéric Krivine) ;
- De même, la longueur de ce séquencier s’approche ici du traitement afin d’explorer le potentiel de chaque scène ;
- Les numéros de séquences n’apparaissent pas en HTML, mais ils figurent normalement dans le document sous la forme suivante : 301. Façade école — ext nuit ; 302. École/garde-manger — int nuit ; etc. (Dans » 30X « , 3 représente le numéro de l’épisode.)
Bonne lecture !
UN VILLAGE FRANҪAIS :
« PASSER LA LIGNE »
SÉQUENCIER
DE
FRÉDÉRIC AZÉMAR & CÉDRIC SALMON
version du 29/11/2006
Atelier d’écriture :
Frédéric Azémar
Claude Cauwet
Benjamin Dupas
Marine Francou
Séverine Jacquet
Frédéric Krivine
Cédric Salmon
EPISODE 3
Façade école — ext nuit
Dans l’obscurité de la nuit, NOUS SUIVONS une tranchée qui est en chantier ; il y a des outils par terre.
La tranchée arrive perpendiculairement à un mur d’enceinte, au dessus duquel passe grossièrement un gros câble électrique. NOUS GRIMPONS le long du câble; qui masque une partie de l’inscription « ECOLE DE FILLES », peinte en caractères nobles sur le mur.
NOUS ARRIVONS au niveau de quelqu’un qui escalade le mur à l’aide du câble.
La silhouette atteint le sommet du mur et jette un oeil derrière lui : ce visage émacié, c’est celui de MICHEL, qui saute par dessus le mur avec souplesse.
École/garde-manger — int nuit
MICHEL regarde avec envie… le contenu du garde-manger de l’école : une grosse commode bourrée de denrées au milieu d’une petite pièce à deux issues. MICHEL enfourne dans sa besace un gros jambon, puis un berlingot de lait concentré, quand soudain une lumière s’allume derrière la porte d’entrée. BRUITS DE PAS.
MICHEL s’immobilise… LES PAS SE RAPPROCHENT.
MICHEL emprunte l’autre issue. Il débouche sur–
École/dortoir — int nuit
— un ancien réfectoire, aménagé en dortoir : douze lits de camp, tous occupés, disposés de part et d’autre d’une allée centrale. MICHEL marche lentement jusqu’à la porte battante du fond, tel un funambule silencieux.
Curieux, il observe le premier couchage… et y découvre avec effroi un HOMME, mal rasé, profondément endormi. MICHEL remarque alors une veste militaire de l’armée allemande pendue sur un cintre près du lit… comme pour chacun des autres lits !
Terrorisé, MICHEL marche le plus silencieusement possible. Le BRUIT DE SES PAS qui résonnent dans la pièce parfaitement calme lui est insupportable.
Soudain, un SECOND HOMME bouge dans son sommeil, juste à côté de MICHEL, qui s’immobilise à quelques mètres de la sortie.
Temps d’arrêt, puis MICHEL se rue vers la porte, qu’il pousse d’un coup sec. Son GRINCEMENT paraît assourdissant.
MICHEL est dehors.
École/cour — ext nuit
NOUS SUIVONS MICHEL, de dos, qui escalade précipitamment le câble, côté cour. Du sommet du mur, il voit en contrebas DEUX SENTINELLES qui discutent en lui tournant le dos.
MICHEL se retourne vers nous pour redescendre : le souffle court, les yeux rivés sur les sentinelles, il disparaît derrière le mur tandis que nous restons du côté de l’école. NOUS REDESCENDONS le long du câble, jusqu’au boîtier électrique auquel il est fixé.
NOUS NOUS RAPPROCHONS du boîtier, qui tremble dangereusement. Soudain le câble S’ARRACHE, DANS UNE GERBE D’ETINCELLES.
BRUIT DE CHUTE.
Façade école — ext nuit
MICHEL se relève et s’enfuit en courant. Derrière lui, les DEUX SENTINELLES n’ont rien entendu.
NOUS NOUS RAPPROCHONS d’un bosquet, le long du mur, ET DECOUVRONS la besace de MICHEL, tombée là.
FONDU AU NOIR.
JOUR 1
Salle des fêtes – int jour
Une VINGTAINE DE NOTABLES font une réception dans la salle des fêtes, baignés dans la lumière rasante du matin. DEUX HOMMES se retournent au passage de JEANNINE, la femme la plus belle et la mieux habillée de l’assemblée. Un rayon de soleil met en valeur sa chevelure blonde ; au bras de RAYMOND, elle est à l’aise avec les mondanités, contrairement à son mari.
JEANNINE remarque qu’HORTENSE se tient timidement à l’écart, toute seule, tandis que DANIEL fait le tour des invités. JEANNINE la prend amicalement par le bras pour papoter.
– « Vous avez appris la nouvelle ?
– Oui dans le journal.
– C’est terrible n’est-ce pas ? »
RAYMOND, JEANNINE et HORTENSE discutent avec gravité… de l’annonce par les Américains quelques jours plus tôt à New York de la mise au point d’un système de télé couleur. RAYMOND est certain que ça ne marchera jamais.
DANIEL se joint à eux.
RAYMOND le prévient : il va devoir partir pendant la cérémonie, car il a un rendez-vous avec un fournisseur en zone nono. DANIEL le rassure, il comprend très bien la situation.
RAYMOND regarde JEANNINE et ne peut s’empêcher de se justifier : C’est Cocheteux, le marchand de tracteurs, avec qui il va négocier de l’essence. Il habite après la grand-route, mais comme il lui a donné rendez-vous au café des Essarts, c’est jouable de faire l’aller-retour…
JEANNINE acquiesce en souriant.
DANIEL et HORTENSE prennent congé–
–et continuent jusqu’au groupe de SERVIER, JEAN et DE KERVERN, qui discutent au fond de la salle. HORTENSE salue JEAN de la même manière qu’elle salue les deux autres : poliment, mais avec détachement.
DANIEL fait remarquer à SERVIER que les gens s’impatientent.
Inquiet, le sous-préfet lui demande s’il est certain d’avoir fait parvenir une invitation à VON RITTER, et dans un allemand correct. « Oui, c’est Camille, notre traducteur habituel. »
DE KERVERN raille la fameuse ponctualité allemande, ça fait quarante minutes de retard maintenant.
Tandis que DANIEL et SERVIER se demandent ce qu’ils doivent faire, JEAN demande fermement à un FUMEUR du groupe d’à côté de ne pas souffler sa fumée près de HORTENSE. Le FUMEUR s’exécute et présente ses excuses à la jeune femme.
JEAN sourit à HORTENSE, mais elle détourne son regard. JEAN encaisse ce rejet pendant une seconde, avant de revenir à la conversation :
DE KERVERN propose de faire patienter les invités en ouvrant le bar…
DANIEL objecte que si VON RITTER arrive, il risque de mal le prendre. DE KERVERN est agacé : « On a quand même le droit de fêter l’investiture de notre propre maire non ? »
DANIEL trouve un compromis : commençons le discours et attendons les Allemands avant d’ouvrir les bouteilles.
Il demande le silence en faisant tinter un verre avec une cuillère, et va de l’autre côté de la salle, suivi de SERVIER, HORTENSE et JEAN.
JEAN jette un regard à HORTENSE, qui assiste au discours à ses côtés, au premier rang : elle applaudit son mari et lui lance un « je t’aime » silencieux. JEAN tourne la tête vers DANIEL et SERVIER, en serrant la mâchoire.
SERVIER regarde la porte d’entrée, inquiet. Son discours est ultra-bref : il est fier d’officialiser la promotion DANIEL, dont la nomination n’est que la conséquence logique de son dévouement. « A vous mon cher Daniel. »
DANIEL, quelque peu pris de cours, remercie SERVIER : cette cérémonie devrait lui être dédiée, lui qui a été nommé sous-préfet il y a peu…
DE KERVERN lève les yeux au ciel et se sert discrètement un verre d’alcool. En arrière fond, le discours de DANIEL continue :
– « … ma principale préoccupation en tant que maire sera de défendre les intérêts des Français… »
RAYMOND regarde sa montre. « Je dois y aller ».
JEANNINE acquiesce en souriant. Son sourire s’efface tandis qu’elle regarde son mari s’éloigner.
– « …Si nous jouons le jeu avec eux, tout se passera bien. »
BLAM ! La porte s’ouvre juste devant RAYMOND, qui se retrouve face à un VON RITTER, visiblement très en colère. SILENCE dans la salle.
DE KERVERN pose son verre.
VON RITTER se dirige vers DANIEL. Tout le monde s’écarte à son passage.
RAYMOND revient vers JEANNINE.
VON RITTER s’en prend violemment à DANIEL et SERVIER : c’est in-to-lé-ra-ble, un câble téléphonique militaire allemand a été saboté !
J’étais à Besançon pour mettre en place la distribution du courrier de vos prisonniers quand c’est arrivé ! De quoi j’ai l’air maintenant ?! Ah vous pouvez toujours courir pour votre courrier !
DANIEL lui propose d’en parler calmement à son bureau, mais cela énerve d’autant plus le Kreiskommandant, qui interpelle les notables : c’est aux Français de se calmer ! Ils ne jouent pas le jeu ! Depuis juin les Allemands sont korrekt, il y a veillé, mais cette attitude n’est pas payée de retour. Les français doivent mettre de l’ordre dans leurs rangs. Il ordonne à DANIEL, premier magistrat de la ville, d’arrêter le terroriste d’ici la fin de la journée.
DANIEL bafouille que le délai est beaucoup trop court, mais VON RITTER affirme que les chances de l’attraper diminuent à chaque seconde. Il faut faire vite. Si DANIEL ne lui présente pas le coupable ce soir, il prendra « des mesures ». Il a été trop gentil jusqu’à présent, mais ça ne marche pas. Il va donc prendre modèle sur ses supérieurs de Lons-le-Saunier. Sortie de VON RITTER. SILENCE. Consternation.
Le brouhaha reprend, toute la salle discute de la tornade qui vient de passer.
JEAN et DANIEL s’interrogent : mais qui a pu faire une telle connerie ?
HORTENSE se blotti dans les bras de DANIEL : qu’on fait les Allemands, à Lons-le-Saunier ? DANIEL ne le sait pas.
Le FUMEUR sait de son beau-frère, qui livre du lait là-bas, que les Allemands ont pris des otages. UNE FEMME réprime un petit cri. UNE AUTRE se retourne pour le dire à son VOISIN. La rumeur se répand et la panique gagne la salle.
DANIEL demande à tout le monde de se calmer. « Otage, ça veut dire quoi, concrètement ? ». Le FUMEUR hausse les épaules.
SERVIER regarde DANIEL avec insistance et lui dit qu’il faut tout faire pour ne jamais le savoir.
Check Point Ligne de démarcation/zone occupée – ext jour
La voiture de RAYMOND s’arrête au check point de la ligne de démarcation.
Un GARDE ALLEMAND inspecte son Ausweiss, et lui fait remarquer qu’il n’est plus valable dans trente-cinq minutes.
RAYMOND assure qu’il sera de retour avant.
La lourde barrière se lève; la voiture redémarre.
Ferme des Essarts – int jour
MARIE fait consciencieusement ses comptes sur un coin de la grande table, qu’elle a dressée avec deux couverts.
Soudain, RAYMOND l’enserre de ses bras puissants. « Bouh ! ». MARIE sursaute, puis sourit. Elle penche la tête sur son bras, elle est bien comme ça.
RAYMOND s’excuse d’être en retard, mais un « irresponsable » a sectionné un câble allemand et ils ont eu droit à une tirade de VON RITTER.
MARIE lui dit qu’il n’a pas à se justifier à chaque fois, elle sait qu’il fait pour le mieux. Elle l’embrasse puis range son cahier d’écolier.
RAYMOND y jette un oeil : Houlala, mais si ça continue, la ferme de MARIE va faire du bénéfice ! Il devrait lui confier sa briqueterie, tiens ! Cette remarque le fait songer à ses problèmes d’entrepreneur, et son sourire s’efface imperceptiblement. Il se ressaisit rapidement, et la chatouille.
MARIE se lève en gloussant. Elle met la table entre eux. « C’est depuis que tu me fais cadeau du loyer, idiot ! »
Les deux amants tournent autour de la table. « Ah il y a erreur madame Germain, je ne vous fais pas cadeau du loyer… je viens justement… le récupérer ! » RAYMOND bondit sur MARIE, qui éclate d’un fou rire.
RAYMOND l’embrasse dans le cou en lui caressant les seins.
MARIE se délecte d’abord de l’odeur de son amant puis se dégage doucement de son étreinte. Elle lui dit malicieusement de s’asseoir pendant que c’est chaud. Elle lui a fait un bon petit plat, alors le dessert ça sera après.
RAYMOND entrouvre la bouche, hésite, puis dit timidement qu’il doit y aller en fait, car son ausweiss n’est valable que jusqu’à midi.
Douche froide pour MARIE. Elle retire doucement son tablier. Elle dit qu’elle comprend, que ce n’est pas grave.
Qu’est-ce qu’il y a ? demande RAYMOND, inquiet du ton de sa voix.
Il doit insister à deux reprises pour s’entendre dire l’évidence.
MARIE s’assied, et sans lui faire aucun reproche, lui dit qu’elle souffre quand il n’est pas là. Où mène leur relation ? Elle passe plus de temps à l’attendre qu’à le voir et elle ne se reconnaît plus.
RAYMOND panique. Il la prend dans ses bras, lui caresse les cheveux, un peu trop vite. Il lui dit qu’il l’aime, qu’il ne peut pas se passer d’elle. « On va se voir plus, je te promets ».
MARIE l’embrasse tendrement sur la joue.
Le regard de RAYMOND tombe sur sa montre. Il l’embrasse une dernière fois et se dirige doucement vers l’entrée, sans la quitter des yeux. Il s’arrête sur le pas de la porte, pensif. Il revient soudain vers elle : avec tout ça il oubliait presque de lui dire la bonne nouvelle ! Il va bientôt avoir un ausweiss permanent ! Ils pourront se voir tous les jours ! Il l’emmènera en pique-nique, ils passeront des jours entiers tous les deux, il pourra dormir chez elle…
MARIE relève la tête, les yeux grands ouverts. « Comment ?! »
RAYMOND explique que dès que les comptes de sa briqueterie lui permettront de rouvrir sa carrière en zone libre, il obtiendra l’ausweiss.
– « Quand ?!
– D’ici quelques jours, tout au plus. »
MARIE le serre fort dans ses bras. Elle est heureuse, c’est exactement ce qu’elle voulait entendre.
RAYMOND, lui, a l’air soucieux…
Bureau de Daniel – int jour
Réunion de crise entre DANIEL, JEAN et DE KERVERN, dans un débarras de la salle des fêtes transformé en bureau du maire. DE KERVERN garde la tête froide : que les Allemands nous demandent de retrouver le type qui a sectionné le câble, c’est normal. Mais on n’est pas obligés de faire du zèle. On enterre l’affaire, ça ne sera pas la première fois.
JEAN est piqué au vif : c’est à cause de ce genre de laxisme qu’on a perdu la guerre ! Les Allemands ont menacé de prendre des otages, et dieu sait ce qu’ils leur feraient, mais on peut être certain qu’ils vont pourrir la vie de tout le monde si on ne marque pas le coup, ou même s’ils trouvent les coupables avant nous. Il faut montrer qu’on est forts si on veut se faire respecter. C’est à nous, Police française, d’arrêter le saboteur.
– « Vous mettez le doigt dans un engrenage dangereux, réplique DE KERVERN d’un ton paternaliste. Si vous agissez par peur des représailles, vous êtes cuit. Ils finiront pas vous faire faire n’importe quoi. »
DANIEL reconnaît qu’il ne peut pas laisser un con qui n’a pas compris que la guerre était finie pourrir la vie de Villeneuve. Il doit présenter le coupable à la Justice française, c’est le seul moyen à sa disposition pour obtenir des choses des Allemands : des ausweiss, du ravitaillement, des colis pour nos prisonniers…
DE KERVERN réfléchit un moment, puis fait la moue :
– Non mais bon, si c’est un sabotage, les seuls capables de monter un coup comme ça, ce sont les cocos hein. Ca fait 9 mois qu’ils vivent dans la clandestinité, ils ont le réseau pour organiser ça. Vous n’aviez pas un tuyau sur un coco clandestin vous ? »
– Oui, je sais qu’il y a un coco à la briqueterie, concède JEAN. Mais ils sont avec les allemands maintenant, ils n’auraient jamais fait ça. Pas depuis le pacte germano-soviétique. A mon avis c’est plus une blague de môme, ou de chemineau. Un accident. On a aucune chance de retrouver le coupable.
DANIEL leur montre une circulaire : de toutes façons, on leur redemande de retrouver et d’arrêter les communistes clandestins. Il ne peut que les encourager à suivre la seule véritable piste dont ils disposent.
DE KERVERN suggère à JEAN d’aller planquer la briqueterie et de découvrir l’identité de leur coco clandestin.
CUT SUR :
Briqueterie/bureau – int jour
MARCEL s’oppose à RAYMOND, qui souhaite baisser les salaires de tout ses employés, et ne travailler qu’avec des journaliers, prévenus la veille pour le lendemain : mais enfin, le minimum est un contrat d’une semaine avec un préavis d’une demi-journée !
RAYMOND, bien décidé à sauver son entreprise de la faillite, lui rappelle que la briqueterie n’a plus qu’une poignée de clients, qui risquent à tout moment d’aller voir ailleurs. Comme les tarifs des fournisseurs grimpent en flèche, il faut bien baisser les coûts de fabrication pour rester compétitifs si on veut remonter la pente et rouvrir la carrière !
MARCEL propose de faire les livraisons eux-mêmes, mais RAYMOND l’a déjà envisagé : ce qu’ils gagnent sur ce poste, il le perdent en essence. Il y a bien Cocheteux qui en propose aux Essarts, mais à 10 fois le prix du mois dernier.
MARCEL n’insiste pas. Il dit qu’il va mettre les gars au courant et quitte le bureau, frustré de cet échec syndical.
Briqueterie – ext jour
MARCEL sort du bureau et se dirige vers un camion SNCF qui vient prendre livraison des briques. Le CHAUFFEUR, un cheminot communiste, charge les sacs avec lui et lui annonce discrètement qu’un « camarade important » veut le voir de l’autre côté de la ligne de démarcation, aux Essarts.
MARCEL renâcle, la ligne de démarcation est maintenant bien installée, mais l’autre insiste, c’est un ordre du Parti.
MARCEL acquiesce. L’autre lui donne les instructions : passer par l’ancien tunnel de chemin de fer, vers 5-6 heures le matin, y ranger sa bicyclette, retour la nuit suivante par le même chemin.
MARCEL objecte que cela lui fait rater une journée de boulot à la carrière, qu’il va falloir donner une excuse à RAYMOND. L’autre ne veut rien savoir, il précise que le camarade, « Edmond », se tiendra à 11 heures demain matin devant le calvaire des Essarts, sur le chemin des Trois-Sœurs. MARCEL lui demandera du feu, l’autre dira qu’il ne fume pas parce que c’est mauvais pour la gorge. MARCEL doit être ponctuel, « Edmond » n’attendra pas.
Puis le chauffeur s’en va dans son camion, laissant MARCEL à ses réticences.
MAREK, le gardien, ouvre la grille d’entrée au camion SNCF. Le camion s’engage sur la route et croise la voiture de JEAN et UN INSPECTEUR, en planque devant l’entrée de la briqueterie.
Véhicule de police – int jour
JEAN note la plaque minéralogique du camion. L’INSPECTEUR lui fait remarquer que SATOLAS n’est pas le seul ouvrier de la briqueterie à avoir été membre du parti communiste avant sa dissolution.
JEAN lui rétorque que le type du camion est aussi un ancien du PCF. Un ancien coco tout seul, c’est un ancien coco ; deux anciens cocos qui discutent, c’est déjà un réseau. JEAN est certain qu’ils découvriront quelque chose de louche en allant interroger SATOLAS chez lui, après son travail.
Soudain, une voiture militaire allemande passe à côté d’eux et rentre dans la briqueterie.
CUT SUR:
Briqueterie – ext jour
DEUX OFFICIERS, qui mesurent la distance qui sépare l’entrée principale de la loge du gardien. Ils échangent des propos en allemand et prennent des notes sur leur carnet.
VON RITTER posent des questions à un MAREK terrorisé, tandis qu’une SECRETAIRE de la kommandantur prend ses réponses en sténo : y a t-il encore des explosifs ? Où sont stockés les outils ? Qui y a accès ?
RAYMOND sort de son bureau, paniqué. Mais enfin que se passe t-il ? VON RITTER ne prend même pas la peine de lui répondre et continue l’interrogatoire de MAREK : Combien y a t-il d’employés ? Quel est leur profil ?
RAYMOND explique que MAREK est juste un gardien, et que c’est lui le responsable.
VON RITTER demande au « responsable » un inventaire exhaustifs du matériel dangereux de l’usine (outils tranchants, explosifs etc.)
RAYMOND demande pourquoi, mais VON RITTER se détourne pour parler en allemand aux OFFICIERS. Ceux-ci lui font « O.K » de la tête et grimpent dans la voiture.
VON RITTER se retourne vers RAYMOND, qui bafouille que, pardon, il n’a pas d’inventaire à jour depuis janvier dernier.
VON RITTER se dirige vers sa voiture et demande à RAYMOND de refaire un inventaire et de lui faire parvenir à la Kommandantur, dans les deux heures qui suivent. Merci.
RAYMOND, dépité, regarde les allemands repartir, sans comprendre les raisons de cette agitation.
Briqueterie/débarras – ext jour
Dans un débarras sombre et poussiéreux, un OUVRIER fait l’inventaire des explosifs de la carrière à voix haute, tandis que MARCEL le note par écrit.
MARCEL se retourne pour rassurer RAYMOND, qui est assis sur une caisse à côté de lui : peut-être qu’ils veulent juste marquer le coup, pour le câble, non ?
RAYMOND est désemparé : non, question sécurité ils sont sérieux là. Et avec nos journaliers qui vont et viennent comme dans un moulin, les accès libres aux lieux sensibles, et un gardien boiteux pour surveiller toute la surface… Von machin doit se dire que la briqueterie pourrait fournir planque et matériel à des terroristes. Cet inventaire, ça sent la réquisition à plein nez. Si ça se trouve, ils vont aller jusqu’à fermer la briqueterie !
A cette idée, RAYMOND a un soubresaut, comme piqué au vif. « Je vais téléphoner au maire pour avoir des infos, amenez-moi l’inventaire dans mon bureau. »
RAYMOND sort du débarras. MARCEL et l’OUVRIER se regardent, inquiets.
L’OUVRIER tend à MARCEL un sac : ces explosifs ont pris l’eau pendant l’orage d’avant-hier, à cause de la fuite de la toiture. On les compte ? MARCEL jette un oeil dans le sac : non, ils ont l’air en mauvais état. On les jette.
MARCEL arrête finalement le geste de l’OUVRIER : non, donne les moi, je vais les mettre de côté. On ne sait jamais.
École/cour – ext jour
DE KERVERN inspecte le boîtier électrique dans la cour de l’école. Il salue d’un léger signe de tête TROIS SOLDATS ALLEMANDS en bras de chemise qui terminent la tranchée pour faire passer le câble sous le mur. Soudain, il entend des PLEURNICHEMENTS : ceux de GUSTAVE, qui est debout contre un mur de la cour. Un petit CAID est également puni, dans le coin opposé. Le flic va voir GUSTAVE.
GUSTAVE, qui a visiblement été tabassé, lui apprend qu’il n’a rien fait, il a été puni injustement, c’est l’autre qui voulait lui voler son berlingot de lait concentré à la cantine. Il n’a même pas pu se défendre ! Mais le CAID a nié et la maîtresse, dans le doute, les a puni tous les deux. Et maintenant, dès le premier jour de la rentrée, GUSTAVE est sûr qu’il peut dire adieu au prix d’excellence à la fin de l’année !
DE KERVERN essaie de garder son sérieux, goûtant un peu de lait concentré sur la veste de GUSTAVE. Il remonte le moral au gamin humilié : il va convaincre le CAID d’avouer son « crime » à la maîtresse. DE KERVERN traverse calmement la cour.
Le CAID joue au petit malin quelques instants, mais le flic l’interroge comme le véritable suspect d’une affaire criminelle, et en quelques secondes, le môme perd tout ses moyens : en pleurs, il avoue tout, promet de dire à la maîtresse qu’il a volé GUSTAVE…
… mais c’est pas de sa faute à lui s’il n’y avait pas assez de berlingots au départ ! C’est la loi du plus fort. DE KERVERN tique : il n’y avait pas le compte de berlingots à la cantine, le jour de la rentrée ? Pensif, DE KERVERN regard le mur du câble et tourne la tête vers le réfectoire.
Forêt – ext jour
MICHEL est à l’affût derrière un arbre, une lourde pierre à la main.
Il guette un lapin.
MICHEL tire et rate l’animal, qui détale.
Il court derrière le lapin, un couteau à la main, et se jette sur l’animal, en vain. Frustré, MICHEL s’assoit et se résigne à sortir son minuscule berlingot de sa poche.
Soudain, UN BRUISSEMENT DE FEUILLES. JACQUES sort tranquillement des bois, un arc à la main, un chevreuil mort sur ses épaules, sous le regard méfiant de MICHEL, qui range son précieux butin dans sa poche. Les deux hommes se jaugent. MICHEL ramasse doucement son couteau par terre.
JACQUES toise une dernière fois le môme, puis lui demande : « tu as faim ? ».
École/garde-manger – ext jour
MORHANGE ouvre la porte du garde-manger à DE KERVERN. « Vous ne fermez pas à clef ? » s’étonne l’enquêteur.
MORHANGE lui dit que les allemands veulent avoir accès à toutes les pièces et comme il n’y a qu’une seule clef, on laisse ouvert le temps de faire un double.
DE KERVERN demande quand a été fait le dernier inventaire.
– Avant-hier, la veille de la rentrée.
>– Parfait.
MORHANGE regarde avec inquiétude DE KERVERN retirer sa veste et remonter ses manches. Est-ce vraiment nécessaire de tout défaire, juste pour quelques berlingots manquants ? Un gamin aura chipé la part des autres voilà tout. Les enfants, eux aussi, subissent le rationnement. Ils peuvent se montrer très cruels quand ils ne mangent pas à leur faim.
– Vous en parlez comme si c’était des fauves, s’esclaffe DE KERVERN.
Un coup d’oeil au visage de MORHANGE lui fait comprendre que pour elle, ce sont bel et bien des fauves. Il commence à défaire les cartons.
LUCIENNE frappe timidement à une porte. Puis un peu plus fort. On finit par lui répondre en allemand. Elle a peur. Elle ouvre la porte.
École/dortoir des filles – int jour
LUCIENNE entre dans le campement militaire allemand aperçu en début d’épisode. Son regard croise celui de KURT.
Il lui demande de fermer la porte, pour le courant d’air. Pas très rassurée, elle lui dit que ce n’est pas la peine, elle veut juste récupérer la trousse à outils de l’école pour afficher les nouveaux portraits de Pétain dans les classes.
KURT demande à LUCIENNE de l’aider à accrocher un grand portrait de Hitler, pour qu’il puisse lui rendre les outils. LUCIENNE accepte du bout des lèvres.
Un prudent dialogue s’amorce pendant la manipulation du portrait.
KURT regrette la guerre. Il aime la France. La forêt autour de Villeneuve lui rappelle la forêt noire.
Il est gentil et arrive adroitement à faire dire à LUCIENNE qu’elle n’est ni mariée ni fiancée. Il est lui-même célibataire. Il serait ravi d’aider LUCIENNE à accrocher ses portraits après ça.
L’arrivée de MORHANGE, qui est très réactionnaire, mais aussi très germanophobe, interrompt cette amorce de dialogue. Elle prend LUCIENNE à part, et lui tend une lettre du rectorat de Besançon, arrivée avec plus d’un mois de retard : on l’informe que deux INSPECTEURS viendront pour évaluer la responsabilité de LUCIENNE dans l’« incident » de l’avion.
LUCIENNE blêmit : ma responsabilité ? Comment ça ?
MORRHANGE profite du trouble de LUCIENNE pour la culpabiliser au sujet de ce qui est peut-être en train de s’amorcer avec KURT : la lettre est laconique, mais l’on peut s’attendre à voir débarquer les INSPECTEURS à tout moment, vu la date. LUCIENNE devrait s’assurer d’avoir une attitude irréprochable…
MORRHANGE sort.
KURT propose à nouveau son aide à LUCIENNE.
LUCIENNE refuse poliment, encore toute retournée par l’annonce de son audition.
Kommandantur/couloir – int jour
DE KERVERN approche de DANIEL, qui s’impatiente sur la banquette de l’ancienne mairie, la Kommandantur. « Alors ? La piste des communistes ? » DE KERVERN lui explique que JEAN soupçonne SATOLAS d’être le militant clandestin, il va le cuisiner. DANIEL est désespéré, des soupçons ça ne suffit pas ! Qu’est-ce qu’il va dire à VON RITTER ?
DE KERVERN lui tend un dossier contenant un rapport de police et deux inventaires du garde-manger de l’école. Le premier a été fait hier, à la dernière livraison, et l’autre c’est lui qui la fait ce matin : un jambon a été volé dans la nuit, précisément au moment où le câble a été arraché. DE KERVERN explique qu’il a découvert des traces de pas dans le talus à côté du câble. Il a plu avant-hier, heureusement. Les pas se dirigeaient vers l’école. Ce câble a en réalité servi au voleur pour escalader le mur, avant d’aller piller le garde-manger. Ce n’est donc pas un sabotage, mais la maladresse d’un voleur, une conséquence du manque d’approvisionnement en nourriture.
DANIEL lui objecte que ces traces pourraient très bien appartenir aux soldats qui travaillent sur le câble.
DE KERVERN secoue la tête : elles sont plus petites et plus profondes, parce qu’on a sauté le mur.
DANIEL pousse un soupir de soulagement.
Kommandantur/bureau de Von Ritter – int jour
Dans son ancien bureau, DANIEL fait face à VON RITTER, qui examine brièvement le dossier. VON RITTER n’y croit pas une seule seconde. Comme par hasard, ce câble stratégique aurait été arraché ? Soyons sérieux ! DANIEL essaie de protéger le terroriste français. C’est intolérable. VON RITTER a donné l’occasion aux français de se racheter, mais maintenant c’est fini. Il va charger un détachement spécial de la Wehrmacht de trouver le coupable.
VON RITTER tend une feuille et un stylo à DANIEL et lui ordonne d’y noter 19 noms de Villeneuvois, en plus du sien.
Paniqué, DANIEL demande pourquoi mais n’obtient pas de réponse. Le silence confiant de son interlocuteur lui fait comprendre qu’il n’a d’autre choix que de s’exécuter.
Sa main tremble. Il hésite et rédige trois premiers noms. « Des hommes valides, des pères de famille responsables s’il vous plaît. » précise VON RITTER. DANIEL raye nerveusement les noms qu’il vient de noter, et recommence sa liste…
VON RITTER annonce à DANIEL que ces « volontaires » seront chargés de la surveillance nocturne des principaux câbles militaires de Villeneuve, tant que le « terroriste » sera dans la nature. Et bien entendu, si un autre attentat à lieu, ils seront tenus pour responsables et en subiront les conséquences…
DANIEL bafouille qu’il va être compliqué de demander à ces hommes de veiller toutes les nuits : ils ont un métier la journée, ils doivent faire vivre leur famille, lui même a veillé un malade toute la nuit d’hier et… VON RITTER le coupe : garde nocturne jusqu’à arrestation du terroriste. Point.
« Sauf votre respect, si par hasard la théorie du vol de nourriture est vraie, ce « terroriste », c’est un chemineau ou un sans-abri, quelqu’un qui avait faim et qui a mangé ce jambon, la seule preuve de sa culpabilité. Dans ce cas, on ne l’attrapera jamais. »
VON RITTER est imperméable à l’argument. « Si vous voulez dormir, aidez-nous à trouver ce terroriste ».
Cabane de Jacques – int jour
MICHEL inspecte la cabane : des pièges à loup, un arc de chasse, une carte sur laquelle est posée une boussole… tout ici respire l’aventure. JACQUES, de dos, remue le contenu de la casserole qui cuit dans la cheminée. MICHEL ne peut pas rester ici. Quoi qu’ait fait le môme, il est clair qu’il n’est pas le bienvenu à Villeneuve, alors il ferait mieux de passer la ligne rapidement.
Le regard de MICHEL s’arrête sur la boussole en or, une pièce de collection particulièrement ornée. Après s’être assuré que JACQUES lui tourne toujours le dos, MICHEL glisse discrètement l’objet dans sa poche.
JACQUES se retourne : il a plu avant-hier; le torrent est infranchissable.
MICHEL attrape l’arc vivement et fait mine de s’exercer à le bander.
JACQUES vient corriger la position de MICHEL. Le poignet doit être souple s’il ne veut pas que la corde lui arrache l’avant bras.
MICHEL, trop faible, parvient difficilement à bander l’arc. Il vacille et manque de tomber.
JACQUES le rattrape en riant (toussant) et l’installe dans son fauteuil, sous une couverture. Et lui tend une assiette. MICHEL regarde approcher la marmite au contenu alléchant, et écoute à peine JACQUES : « quand tu auras repris des forces, je te ferai passer la ligne. Je connais un point de passage sûr la nuit, le tunnel de l’ancienne voie ferrée. Il est caché par des branchages, à un kilomètre et demi d’ici. Je vais te montrer sur la ca… »
SILENCE.
Soudain JACQUES prend MICHEL par la gorge et lui ordonne de « la rendre toute suite ».
MICHEL brise son assiette sur la tête de JACQUES qui le libère de son étreinte.
MICHEL sort son couteau, mais JACQUES le désarme d’un revers de la main, avant de lui coller une torgnole. Il récupère sa boussole dans sa poche, attrape MICHEL par l’oreille et traîne le voleur dehors.
Cabane de Jacques – ext jour
JACQUES donne un coup de pied au cul à MICHEL et lui ordonne de décamper.
MICHEL se retourne après quelques mètres, et l’insulte. JACQUES rentre dans sa cabane. La nuit est en train de tomber. Le ventre de MICHEL gargouille. Il sort de sa poche son berlingot.
Il hésite, le range précautionneusement, et repars vers la forêt. La nuit tombe.
École/façade – ext nuit
C’est la nuit. Le câble a été installé dans la tranchée de l’école, il ne reste plus qu’à le recouvrir. DANIEL, entouré de CINQ SOLDATS ALLEMANDS, explique aux « VOLONTAIRES », parmi lesquels RAYMOND et le FUMEUR du début, comment va se passer la surveillance : cinq groupes, constitués de quatre civils et un militaire, marcheront chacun le long d’un câble important de Villeneuve.
LE FUMEUR, agacé, veut savoir s’ils seront indemnisés.
DANIEL assure que la mairie paiera à chaque « guetteur » une indemnité de 7 francs pour la nuit.
LE FUMEUR est scandalisé, 7 francs c’est rien du tout !
DANIEL promet de négocier une participation des Allemands si ça s’éternise.
RAYMOND ricane. « Négocier avec les allemands ? Vous rigolez monsieur le maire ? J’ai même pas pu avoir des infos sur le cirque qu’ils m’ont fait à la briqueterie ! » RAYMOND n’est d’ailleurs pas d’accord avec l’organisation de DANIEL, il faut mettre en place des tours de garde pour dormir. Comment pourra t-il faire tourner sa briqueterie s’il ne dort pas la nuit ?
DANIEL explique que VON RITTER l’a interdit : les SOLDATS sont justement là pour qu’ils restent éveillés.
Tollé général. « Qu’est-ce qu’on fait si on voit un saboteur ? » demande un TROISIEME VOLONTAIRE.
DANIEL, épuisé, ne sait que répondre.
La grogne monte parmi les VOLONTAIRES qui pointent l’absurdité de la tâche qui leur est confiée.
DANIEL perd son sang froid : ce n’est pas une mission bordel, c’est une humiliation ! Vous comprenez ? Nous sommes des otages ! On nous pourrit la vie, c’est tout ! Puis il se calme, et leur assure qu’il a conscience que cette situation ne peut pas durer, et qu’il va tout faire pour faire arrêter le coupable.
Cabane de MARCEL – int nuit
MARCEL embrasse le front de GUSTAVE qui dort, puis enlace longuement MICHELINE. Il doit abréger car il doit y aller. Elle lui tend un petit casse-croûte et lui chuchote de rentrer le plus tôt possible. Il lui manque déjà.
MARCEL s’énerve, à voix basse. Pour la troisième fois : il ne passe pas la journée en zone nono pour son bon plaisir, mais parce qu’il ne veut pas prendre le risque de passer la ligne en plein jour, bordel ! C’est pour la cause hein. Il se passerait bien de se taper 7 kilomètres de cote à vélo en plein couvre feu.
MARCEL sort avec sa bicyclette et une vareuse sombre.
Route principale de Villeneuve – ext nuit
RAYMOND longe un câble suspendu à des poteaux avec son groupe. Les discussions portent sur les techniques des uns et des autres pour calfeutrer les fenêtres et bleuter les phares à cause du couvre-feu.
Soudain, à l’autre bout de la rue, UN SOLDAT ALLEMAND appelle RAYMOND et lui dit de venir.
Peu rassuré, RAYMOND traverse le trottoir, sous les regards angoissés du FUMEUR et des DEUX AUTRES VOLONTAIRES. Ils voient RAYMOND dire deux mots au SOLDAT, avant de revenir vers eux, un pli officiel frappé de la croix gammée dans les mains.
RAYMOND l’ouvre, attirant la curiosité de ses camarades. Merde c’est en allemand, il n’y comprend rien ! Ah si ! Il reconnaît tout de même le mot « Ziegelei », qui veut dire « briqueterie », pour avoir travaillé avec les suisses.
Les autres ne parlent pas allemand non plus, mais l’un d’eux reconnaît un second mot, qui veut dire « fermer ». Il le sait parce que son cousin, alsacien, n’arrêtait pas de lui dire gamin quand il était trop bavard.
RAYMOND est effondré mais le SOLDAT leur fait signe de continuer de marcher.
RAYMOND tend son papier au SOLDAT, qui le lit en souriant. LE SOLDAT lui rend son papier et lui tape sur l’épaule.
RAYMOND lui demande ce qu’il y a de marqué au sujet de sa briqueterie, mais l’autre lui dit en allemand qu’il ne parle pas français. Pour RAYMOND, la nuit va être longue…
Cabane de MARCEL – int nuit
Des COUPS A LA PORTE. MICHELINE jette un oeil à la pièce – rien de compromettant- et finit par ouvrir : c’est JEAN et L’INSPECTEUR, qui demandent à parler à MARCEL.
MICHELINE ne se démonte pas. Préparée psychologiquement à ce genre d’épreuves, elle explique du tac au tac que MARCEL n’est pas là, car il est parti rendre visite à sa mère, à l’hospice de Lons.
JEAN regarde MICHELINE dans les yeux mais elle reste impassible. Il lui fait remarquer que Lons, c’est pas tout prêt… il y passe la nuit ?
MICHELINE lui rétorque du tac au tac qu’il y a des gens qui prennent soin de leurs parents.
Elle ne sait pas qu’elle vient de frapper JEAN là où ça fait mal. JEAN lui demande l’adresse et le numéro de téléphone de l’hospice. MICHELINE répond que l’adresse, elle l’a oubliée, et que le téléphone est coupé à l’hospice, c’est d’ailleurs pour ça que MARCEL s’y rend.
JEAN lui dit qu’alors il repassera.
MICHELINE referme la porte. Elle peut souffler maintenant.
Cabane de MARCEL – ext nuit
Dans la cour devant la cabane, l’INSPECTEUR se demande si MICHELINE a dit la vérité.
JEAN sait qu’elle à menti : ces traces de vélo dans la boue ne se dirigent pas vers Villeneuve, mais vers la ligne de démarcation… C’est là qu’on le retrouvera.
Campagne – ext nuit
La nuit est assez claire, on est proche de la pleine lune. Phare avant bleuté, phare arrière éteint, MARCEL peine sur son vélo, la route de campagne qui s’éloigne de Villeneuve grimpe beaucoup.
A un moment, nous constatons qu’il est suivi, à distance, par une voiture : celle de JEAN et de l’INSPECTEUR, qui arrivent à la ligne de démarcation, près d’une voie de chemin de fer.
Soudain JEAN perd le visuel de MARCEL, qui a tout bonnement disparu derrière un bosquet. JEAN, ravi, comprend qu’ils viennent de découvrir un point de passage, un tunnel désaffecté probablement.
Planqué dans un bosquet, MICHEL voit la voiture des flics non loin du point de passage.
Agacé, il fait demi tour et regarde la route qui descend à Villeneuve. Sa main joue avec son berlingot dans sa poche.
Il a trop faim, il y va.
Tunnel – int nuit
MARCEL planque sa bicyclette dans le tunnel. Il entend un bruissement non loin de lui, puis un BRUIT DE MOTEUR DE VOITURE QUI S’ARRETE. Il a peur. Ce n’est pas un héros.
Campagne – ext nuit
L’INSPECTEUR veut arrêter MARCEL avant qu’il ne passe car ils ne sont pas compétents de l’autre côté de la ligne.
JEAN l’arrête dans son élan : il ne veulent pas coffrer un passeur clandestin de la ligne, mais un militant communiste. Il vaut mieux attendre son retour. Satolas a un emploi à la carrière, une femme et un enfant, il reviendra forcément vite. Et sûrement pas les mains vides… JEAN va mettre en place une souricière avec plus d’hommes qu’il n’en faudra pour l’accueillir.
JOUR 2
Appartement de Daniel/entrée + façade – int/ext jour
HORTENSE installe JEREMIE dans son landau, dans le couloir à côté de la porte.
COUP DE SONNETTE. JEREMIE se réveille.
HORTENSE appelle MARIA et calme le bébé.
La bonne ouvre et annonce que le docteur ne reçoit pas sans rendez-vous aujourd’hui, désolé.
Une voix d’homme lui répond timidement qu’il n’est pas la pour un rendez-vous, il recherche le bébé de sa défunte femme, dont il sait qu’elle était sous la responsabilité d’un accoucheur de Villeneuve le 15 juin.
HORTENSE accuse le coup derrière la porte. Elle jette un bref coup d’oeil : de là ou il est, le PERE DE JEREMIE ne peut pas le voir.
HORTENSE dit à MARIA qu’elle s’en occupe, et se présente au PERE DE JEREMIE. Stupeur : elle découvre un homme en haillons, un bras en écharpe, crasseux, le visage plein de douleur, un regard fuyant. Elle lui dit que ce n’est pas ici, car le docteur n’a pas fait d’accouchement à Villeneuve ce jour là : elle et DANIEL étaient réfugiés à Lons chez sa soeur ce jour là.
Soudain, les PLEURS DE JEREMIE retentissent derrière la porte.
HORTENSE ne se démonte pas : écoutez je suis vraiment désolée pour votre femme et votre bébé, mais le docteur m’attend pour faire un vaccin à cet enfant : coqueluche. Au revoir.
Le PERE DE JEREMIE remercie HORTENSE timidement, tandis qu’elle referme déjà la porte.
En repartant, il croise DANIEL, qui revient de sa nuit blanche, exténué. Les deux hommes se regardent à peine.
Appartement de Daniel/entrée – int jour
DANIEL embrasse HORTENSE, qui lui annonce qu’il a deux rendez-vous en retard. Il pousse un long soupir, et lui dit qu’elle a bien fait de refuser ce patient, qu’il vient de croiser. Qu’est-ce qu’il avait au fait ?
HORTENSE hésite à lui dire la vérité. Elle regarde JEREMIE dans son landau… et finit par raconter qu’il cherchait à vacciner son gamin contre la coqueluche…
Chez Camille/escalier – int jour
RAYMOND, la mine défaite par sa nuit blanche, son pli en allemand à la main, monte péniblement les marches de l’escalier en colimaçon qui mène à la chambre de bonne d’une petite maison. Il se fait houspiller en passant devant CINQ PERSONNES qui attendent dans l’escalier : eux aussi ont un document à faire traduire, une lettre ou un article de journal, alors chacun son tour ! RAYMOND redescend et fait la queue, stressé.
RAYMOND regarde combien il a dans son porte-monnaie : juste un billet de 100 francs. Il hésite, et propose à la DAME de la première marche d’échanger de place contre ce billet. Toute la queue hallucine.
La DAME n’en revient pas mais procède à l’échange, ravie.
RAYMOND s’impatiente sur sa première marche. Il finit par frapper à la porte de CAMILLE.
A travers la porte fermée, CAMILLE répond qu’il est occupé pour l’instant.
Chez Camille – int jour
RAYMOND entrouvre la porte en s’excusant. Il voudrait juste savoir combien de temps… et découvre que CAMILLE traduit un pavé d’une centaine de pages. Sur la table, dans une cage, un pigeon roucoule.
RAYMOND demande s’il peut passer avant ce document, vu que son pli ne fait qu’une page… C’est pour sa briqueterie, c’est important.
CAMILLE ironise : tous les documents à traduire sont importants, puisque personne ne sait ce qu’ils disent. Et puis là c’est différent, ce n’est pas un service qu’il rend, c’est son travail : Monsieur le maire, son employeur, l’a chargé de traduire ce texte officiel le plus vite possible. Le mieux que RAYMOND puisse faire, c’est de le laisser travailler en silence.
RAYMOND réplique que le sien est signé par VON RITTER lui-même. DANIEL ne verra pas d’inconvénient à ce que sa traduction passe en premier… CAMILLE soupire et repose sa plume.
RAYMOND explique à CAMILLE qu’il sait que ce papier le concerne, lui et sa briqueterie, qu’il y a également le mot « fermer », et aussi le mot, « die Kaserne », qui signifie sans doute… « caserne », c’est ça ?
CAMILLE, qui est déjà plongé dans la traduction de la lettre de RAYMOND pour avoir la paix, lui fait signe de se taire. Après quelques secondes de lecture silencieuse, il précise que dans ce cas, « entschieden » ne veut pas dire « fermer », mais « fermement » : VON RITTER, après une inspection de sa briqueterie, propose à RAYMOND de transformer l’école des Garçons en caserne militaire fortifiée. Cependant, les conditions de sécurité étant insuffisantes, la Kommandantur recommande fermement de faire un effort dans ce domaine. Une réponse, positive ou négative, est attendue dans les plus brefs délais.
RAYMOND hallucine.
CAMILLE prend ce silence pour une hésitation : RAYMOND ne compte pas travailler pour les allemands si ?
RAYMOND remercie distraitement CAMILLE, et tout en se recoiffant, prend la peine de préciser au vieil homme que ce contrat pourrait sauver sa briqueterie, et tous ses employés avec.
RAYMOND s’apprête à repartir mais, arrivé sur le seuil de la porte, tourne les talons. Est-ce que VON RITTER a mentionné une date limite pour sa réponse ?
CAMILLE relit le texte rapidement et acquiesce. RAYMOND a jusqu’à mardi soir.
RAYMOND panique : mardi ? mais on est mardi !
École/salle de classe – int jour
LUCIENNE trace sur le tableau noir les lettres en pleins et déliés que ses élèves devront recopier à leur retour de récréation. Sur le tableau noir, on peut voir une ligne de A tracés impeccablement, tous identiques. A côté, sur le mur, un portrait de Pétain.
ON ENTEND LES ENFANTS QUI JOUENT DANS LA COUR.
Lucienne peine à tracer le B. Elle s’y reprend à plusieurs fois.
Dehors, les rires et les cris des enfants redoublent, envahissent la salle de classe.
Lucienne casse sa craie contre le tableau noir.
MORHANGE rentre alors dans la classe et annonce sèchement que les INSPECTEURS sont arrivés. L’audition de LUCIENNE va commencer.
Chez DANIEL/salle à manger – int jour
HORTENSE termine de dresser une belle table. Elle réajuste un couvert et arrange le bouquet… sous le regard intriguée de MARIA.
COUP DE SONNETTE. MARIA s’apprête à aller ouvrir mais HORTENSE dit qu’elle s’en charge. MARIA n’en revient vraiment pas.
Chez DANIEL/entrée – int jour
HORTENSE ouvre la porte. C’est DE KERVERN. Seul. Elle ne peut s’empêcher d’en faire la remarque. DE KERVERN répond que JEAN aurait aimé se joindre à eux, mais il doit taper son rapport sur sa filature.
Sous le coup de la déception, HORTENSE reste un instant les yeux dans le vague et réalise soudain qu’elle manque à tous ses devoirs : elle fait entrer DE KERVERN et referme la porte derrière lui.
Chez DANIEL/salle à manger – int jour
HORTENSE regarde l’assiette vide en face d’elle, celle de JEAN.
Elle déjeune avec DANIEL et DE KERVERN, qui font un point sur l’affaire du câble.
DANIEL déplore qu’on ait toujours rien sur le voleur. Que fait-on ?
DE KERVERN répond qu’il va commencer par interroger quelques-uns de ses indics. Si leur gars essaie de refourguer son jambon, ils le sauront.
Le flic englouti une nouvelle tranche de jambon de pays, et fait glisser le tout avec une rasade de gros rouge, quand soudain, il s’immobilise. Il demande innocemment à DANIEL d’où vient ce jambon…
DANIEL cesse de mâcher, regarde DE KERVERN, et éclate de rire. Il a bien compris où DE KERVERN veut en venir, mais c’est un peu gros.
HORTENSE ne comprend pas la plaisanterie.
DANIEL explique à HORTENSE que le commissaire va la coffrer si elle ne lui dit pas tout de suite d’où provient ce jambon.
HORTENSE l’ignore, mais appelle MARIA pour lui poser la question.
DANIEL est hilare.
MARIA hésite un instant, puis explique finalement qu’elle l’a acheté au vieux BOURREL ce matin. DANIEL ironise : DE KERVERN est-il rassuré ?
DE KERVERN dit que non, elle ment. Le vieux BOURREL, paysan qui passe de ville en ville pour vendre ses produits, a quitté Villeneuve très tôt ce matin… Par ailleurs, ça fait bien longtemps qu’il ne vend plus de jambon, ces derniers temps il n’a plus que des choux et des patates dans sa charrette.
DANIEL perd son sourire. Il menace de se séparer des services de MARIA si elle ne livre pas celui qui lui a donné le jambon.
La pauvre bonne ne tarde pas à dire tout ce qu’elle sait : c’est son amie ODETTE qui le lui a donné. Mais elle est certaine qu’Odette n’a rien fait de mal… c’est le ruskof là, Malek, ou MAREK, celui qui travaille à la briqueterie, qui lui a donné ce jambon. Il est amoureux d’elle… MARIA se confond en excuses et HORTENSE la rassure : tout va bien. Elle a bien fait d’être honnête.
DE KERVERN s’excuse également auprès de ses hôtes, il va arrêter MAREK.
Café – int jour
JEAN et DE KERVERN entrent dans le café. Brouhaha.
En passant, DE KERVERN adresse un signe de tête au tenancier qui, d’un coup de menton, lui indique une table au fond.
Sur le passage des deux flics, les conversations s’éteignent.
JEAN DE KERVERN approchent de la table à laquelle se trouvent attablés MAREK et DEUX JOURNALIERS de la briqueterie. DE KERVERN use d’un ton rassurant pour enjoindre MAREK de les suivre. Effrayé, il lance des regards à ses amis, restés assis. Les journaliers détournent le regard. MAREK se lève tout en jurant qu’il n’a rien fait. Il se laisse guider sans résistance jusqu’à la sortie.
Une fois les flics sortis, le brouhaha reprend.
Commissariat/salle principale – int jour
JEAN ET DE KERVERN entrent au commissariat avec MAREK. DE KERVERN remarque que la cellule est occupée par MICHEL, qui se goinfre dans une écuelle : « C’est quoi ça ? » UN POLICIER répond que c’est un vagabond qu’ils ont ramassé aux abords de Villeneuve.
DE KERVERN râle : si on arrête tous les vagabonds, on est pas sorti… C’est pas un hôtel ici. Et puis ils ont besoin de la cellule pour le ruskof.
MAREK est effrayé : « la cellule ? »
JEAN va préparer la salle d’interrogatoire, tandis que DE KERVERN ouvre la porte de la cellule. MICHEL et MAREK se croisent et ce dernier vient s’asseoir à la place qu’occupait MICHEL à l’instant.
Pendant que DE KERVERN referme la porte derrière MAREK, MICHEL attend de récupérer ses affaires auprès du POLICIER. Il voit que le flic rapporte un carton qui contient notamment son berlingot, et jette des regards inquiets autour de lui. MICHEL attrape l’objet du délit juste avant que DE KERVERN ne se retourne vers lui… Et DE KERVERN regarde sortir le jeune voleur sans rien soupçonner.
Commissariat/salle d’interrogatoire – int jour
Dans le fond de la salle d’interrogatoire, JEAN observe les réactions de MAREK tandis que DE KERVERN tente de l’amadouer : franchement, voler un jambon… avec les problèmes de rationnement qu’on a, ce n’est pas bien grave. C’est humain. Qu’il avoue et on en parle plus.
MAREK reste silencieux.
DE KERVERN s’énerve, lui dit d’avouer, et finit par lui coller une mandale, moins dans un objectif policier que par frustration.
Le flic bourru se reprend. Bon, ok, c’est pas grave, ils en ont assez pour le coffrer de toutes façons. Il va téléphoner à DANIEL. DE KERVERN sort de la pièce.
JEAN fait relire à MAREK sa déposition, mais le gardien est illettré. JEAN doit la lui relire : il a trouvé le jambon dans une besace, près de l’école, le soir après le couvre-feu, parce qu’il s’était perdu. Il n’a fait que le ramasser. Jamais il ne l’a volé et jamais il n’a arraché le câble allemand, c’est bien ça ? MAREK acquiesce.
JEAN essaie de le coincer sur des détails, mais rien à faire ça tient. Il toise MAREK, authentiquement terrorisé.
Commissariat/bureau – int jour
DANIEL : « Alors c’est lui, vous êtes sûrs ? »
DE KERVERN acquiesce : Tout l’accuse. Il a avoué être en possession du jambon volé, être dehors après le couvre-feu, être sur les lieux du vol au moment du vol… Et franchement, qu’il se soit perdu, j’y crois moyen.
DANIEL cherche le regard de JEAN, qui se tient en retrait. Après une seconde d’hésitation, il hoche la tête.
Percevant l’hésitation, DANIEL se permet d’insister : vous êtes sûrs ?
JEAN jette un coup d’œil à DE KERVERN pour chercher son assentiment puis se résout à parler : « Personnellement, un type qui avoue avoir volé un truc mais pas un autre truc au même endroit, je n’ai jamais vu ça de toute ma carrière ! »
DE KERVERN trouve ça très logique au contraire : avouer un vol de jambon, c’est une chose, reconnaître avoir arraché un câble allemand, une autre !
JEAN n’y croit pas : MAREK est un simple d’esprit, il n’est pas capable de faire preuve d’une telle logique… Il n’y a qu’à voir la terreur sur son visage… Les deux flics se retournent vers DANIEL : qu’est-ce qu’on fait ? DANIEL réfléchit : tant qu’un coupable n’est pas trouvé, Villeneuve vit dans la terreur. Les volontaires s’épuisent. Il faut faire quelque chose. Après un temps, il tranche : le mieux est de mettre MAREK en état d’arrestation et de le livrer à la Justice. Si vraiment il est innocent, c’est aux juges d’en décider, pas à nous. Si par contre il est jugé coupable, il sortira après une peine légère. Je vais prévenir le sous-préfet et VON RITTER que le responsable de l’arrachage du câble a été appréhendé.
JEAN acquiesce. DE KERVERN : « Pour un ruskof, il avait plutôt l’air d’un brave type… » Le sort de MAREK est scellé.
Chez RAYMOND/salle à manger – int jour
SARAH, la bonne, termine de débarrasser la table des assiettes et de l’énorme plat de potée comtoise avant d’apporter le dessert, le tout dans un silence presque absolu qu’on devine durer depuis le début du repas. JEANNINE lance un regard interrogatif à ANDRE, son père, qui lui répond par un haussement d’épaule : les sautes d’humeur de RAYMOND ne l’intéressent pas.
Comme s’il avait entendu l’échange silencieux, RAYMOND prend enfin la parole et met directement sur le tapis sa volonté d’accepter la proposition de VON RITTER de transformer l’école des Garçons en caserne militaire.
ANDRE ne dit rien, il sauce sa potée.
Un silence gênant s’installe… Les enfants ne lèvent pas le nez de leur assiette. MARCEAU ose à peine se gratter la tête.
RAYMOND explique à ANDRE que s’il accepte la proposition de VON RITTER, c’est surtout pour sauver la carrière familiale. C’est ce que voulait ANDRE, non ?
« La carrière est en zone libre », fait remarquer sèchement ANDRE.
RAYMOND explique qu’ils auront des ausweiss permanents, qu’ils pourront travailler librement en zone libre.
JEANNINE tourne la tête vers son mari. Elle saisit tout le danger d’un ausweiss permanent pour elle… et finit par faire remarquer timidement que, avec tout le stress que RAYMOND doit gérer, si en plus il doit assumer un travail pour VON RITTER… il faut qu’il prenne garde à sa tension, c’est DANIEL qui lui a dit.
ANDRE rappelle à l’ordre sa fille sèchement. C’est quoi cette façon de les interrompre alors qu’ils parlent affaires ? Et pour dire des bêtises en plus. Non, RAYMOND doit accepter cette offre pour sauver l’entreprise. C’est tout.
Campagne/zone libre – ext jour
MARCEL marche dans la campagne. L’herbe semble plus verte qu’en zone occupée, le chant des oiseaux plus puissant. MARCEL est détendu. La zone libre…
Un peu plus loin, le chemin des Trois-Sœurs, le calvaire, lieu de rendez-vous. Personne. MARCEL attend, sans trop de discrétion. Il fait le tour des lieux, revient sur ses pas. Il regarde sa montre, puis jette un coup d’œil alentours. Que faire ? Visiblement déçu, il repart.
École/Salle de classe – int jour
Les DEUX INSPECTEURS, installés derrière le bureau de LUCIENNE, fouillent dans leur serviette. L’un d’eux en sort un document relié de plusieurs pages, écrit en petits caractères, et le tend à LUCIENNE. Veuillez parapher en bas de chaque page et signer à la fin s’il vous plaît mademoiselle.
LUCIENNE ne sait pas quoi faire.
MORHANGE, qui est assise au fond de la salle, demande ce que contient le document.
LUCIENNE se tourne vers MORHANGE, visiblement rassurée de sa présence.
LES INSPECTEURS expliquent assez froidement qu’il s’agit là d’une déclaration circonstanciée décrivant les événements du 12 juin 1940, et établissant sa responsabilité de LUCIENNE dans la mort des enfants et de l’instituteur. Ils ont besoin de sa signature.
LUCIENNE n’en revient pas. Elle n’est pas coupable !
Les INSPECTEURS reprennent à zéro : c’est bien elle, LUCIENNE, qui a décidé de la sortie, alors qu’elle entendait tonner au loin ?
LUCIENNE acquiesce.
MORHANGE fait remarquer que les bombes auraient très bien pu tomber sur l’école, il n’y avait aucun moyen de savoir où les Allemands bombardaient. D’ailleurs il y avait plus de risques que les bombes tombent sur Villeneuve et donc sur l’école que n’importe où en rase campagne… Sans parler du danger de ce faire ensevelir sous les décombres… La chose la plus sage à faire, alors que les bombardements faisaient rage dans la région était justement de sortir.
Les INSPECTEURS prennent des notes pendant ce qui semblent être à LUCIENNE de longues et douloureuses minutes.
Soudain, on Morhange se lève. Elle s’excuse, mais elle doit aller au commissariat pour porter plainte pour le vol de jambon. Elle sort.
LUCIENNE est désemparée.
Campagne/zone libre – ext jour
MARCEL revient au calvaire. Il croise UN HOMME sur le chemin des Trois Soeurs, à quelques mètres du Calvaire. Ils se toisent. MARCEL s’approche de lui, hésitant : « Vous avez du feu ? ».
L’autre ne répond pas, et inspecte les alentours.
MARCEL finit par lui demander si c’est lui Edmond.
L’autre bondit : soyez plus discret bon dieu !
MARCEL rétorque qu’EDMOND pourrait, lui, commencer par être à l’heure ! Plus d’une heure qu’il attend, il a été obligé de le chercher dans la campagne environnante, et de repasser ici plusieurs fois, pour ne pas se faire repérer ! C’est quand même la moindre des choses d’arriver à l’heu…
« Vous êtes à l’heure allemande. » le coupe EDMOND.
MARCEL comprend son erreur, il a oublié de retarder sa montre d’une heure en passant la Ligne… Il tente maladroitement de changer de sujet :
– Vous ne deviez pas me parler de votre gorge ?
– Marchons, s’impatiente « Edmond ».
Les deux HOMMES marchent. « EDMOND » explique qu’il dépend de l’inter-régional Besançon, mais qu’il était réfugié sur Lyon pendant l’exode et ne voulait pas repasser la Ligne en ce moment. Il n’a aucun contact avec la Fédé de Besançon ou les camarades de Lons, dont plusieurs ont été arrêtés par la gendarmerie ou la police.
MARCEL demande de nouvelles de la ligne du parti, de la Direction Nationale. EDMOND reste vague. C’est un apparatchik dogmatique, coupé des réalités de terrain. On reste sur la ligne du Pacte Germano-Soviétique, le camarade Staline sait ce qu’il fait. C’est sur Pétain qu’il faut concentrer nos attaques. Pétain et les deux cents familles.
MARCEL ne peut dissimuler son manque d’enthousiasme : la « ligne » du parti est invendable, les gens ne comprennent pas, les trois quarts des adhérents ont quitté le parti ou sont prisonniers, le dernier quart ne sait que faire. Lui-même, avoue MARCEL est désorienté : son père est quand même mort à Verdun. Et Guernica ? Et la Tchécoslovaquie ? Et la Pologne ? L’Allemand, c’est quand même l’ennemi !
EDMOND tance sévèrement MARCEL : le Nazi est l’ennemi, pas l’Allemand. Le soldat allemand est un travailleur sous l’uniforme, il est comme nous. Un jour, il se révoltera contre ses maîtres, comme nous. Et nos maîtres, ils se vendent à Pétain et Vichy, d’ailleurs regarde comment les députés ont vendu la République le 10 juillet ! Après avoir fait mettre en prison les députés et sénateurs communistes ! Aujourd’hui, c’est le tour des Francs-maçons, demain, Dieu sait qui ! EDMOND en vient à la partie la plus concrète : MARCEL, qui doit se trouver un pseudo (un prénom usuel), est nommé responsable politique du secteur « Villeneuve ». Il doit recruter des camarades.
Le titre ronflant de « responsable politique » fait ricaner MARCEL, qui sera responsable politique… de 3 personnes dont lui-même ! (le CHEMINOT et MICHELINE).
C’est là qu’ils croisent MARIE, qui vit aux Essarts, juste à côté, et conduit cinq ou six vaches avec un CHIEN. Elle connaît MARCEL de vue et le salue.
MARIE passée, MARCEL est obligé d’expliquer à « EDMOND » qu’il connaît cette femme, EDMOND lui dit d’être prudent, il y a des mouchards partout, des deux côtés de la Ligne. Et il donne à MARCEL cinquante papillons, petits papiers volant où il est écrit :
POUR LA PAIX, CONTRE LES PLOUTOCRATES
DE VICHY ET DE LONDRES,
REJOIGNEZ LES COMMUNISTES.
MARCEL contemple les papillons, circonspect. Il est déçu par le rendez-vous, il n’aime pas trop ce qu’il lit sur le papillon. Il fait remarquer à EDMOND que s’il se fait choper avec ça en passant la ligne, son compte est bon !
EDMOND reste ferme : il faut qu’il le fasse, la cause est juste, et le parti sait ce qu’il fait. Il recontactera éventuellement MARCEL par le même canal.
Chez RAYMOND/chambre conjugale – int jour
JEANNINE referme la porte de la chambre conjugale et fait asseoir RAYMOND sur le lit. Elle lui retire son veston et lui dénoue sa cravate. RAYMOND se débat mollement : il n’a pas sommeil, et puis de toute façon il n’a pas le temps de faire une sieste, il a une affaire à faire tourner !
JEANNINE ne l’écoute pas. Avec cette histoire de garde nocturne, il ne va pas tenir bien longtemps sans dormir. Et puis après tout c’est lui le patron ! Il peut bien s’accorder une heure pour recharger ses batteries ! Tout en parlant, JEANNINE passe derrière son mari pour lui masser les épaules.
RAYMOND se détend un peu.
Après un temps, JEANNINE lui dit qu’elle a réfléchit : c’est bien qu’il fasse ce marché avec les allemands finalement. Elle a confiance en lui, il va remonter sa boîte.
RAYMOND pose les mains sur celles de sa femme, qui continuent de le masser. Il semble qu’il y a bien longtemps que les doigts de JEANNINE ne l’ont pas touché ainsi.
RAYMOND se retourne et embrasse sa femme à pleine bouche. JEANNINE, surprise, se fige un instant, mais elle s’abandonne rapidement. Elle attire RAYMOND à elle sur le lit, tout en continuant de l’embrasser.
Commissariat – int jour
DANIEL raccroche le téléphone et se tourne vers JEAN et DE KERVERN. Il a tout arrangé avec les GENDARMES, ils passeront prendre MAREK dans la matinée du lendemain. Soudain, un bruit dans le couloir du commissariat. Plusieurs SOLDATS ALLEMANDS débarquent en armes, prétendant venir chercher le prisonnier MAREK sur ordre de VON RITTER.
DANIEL s’insurge : MAREK est sous la garde des autorités françaises jusqu’à son jugement !
Les SOLDATS échangent des regards dédaigneux. MAREK sera jugé par un tribunal militaire allemand.
MAREK est horrifié. Il supplie DANIEL, qui rappelle aux soldats les conditions de la Convention d’Armistice… et annonce qu’il ne livrera pas MAREK sans l’accord du Préfet de Besançon, ou à la rigueur du sous-préfet de Villeneuve.
Les soldats se figent. DANIEL a trouvé la faille. Il décroche son téléphone et appelle SERVIER.
DANIEL déchante. A l’autre bout du fil, SERVIER lui donne des leçons de politique : mais oui, mon vieux, j’ai autorisé son transfert. « Ecoutez, j’ai le plaisir de vous annoncer que grâce à vous, les courrier pour nos prisonniers est à nouveau à l’ordre du jour. Monsieur VON RITTER a été très compréhensif. On ne va pas envenimer la situation ; il n’est même pas français, bon sang. »
Le visage de DANIEL se décompose. Il raccroche.
Les soldats allemands ont compris. Ils savent que DANIEL n’a pas d’autre choix que de les laisser l’emmener.
MAREK crie sur DANIEL en roumain, tandis qu’il est escorté par les allemands. Nul besoin pour DANIEL de parler la langue pour saisir la haine et le sentiment d’injustice que véhicule chaque insulte.
École/salle de classe – int jour
Le procès de LUCIENNE est de plus en plus violent. LES INSPECTEURS la cassent psychologiquement : « Des bombes sont-elles tombées sur Villeneuve, a plus forte raison sur l’école ? »
LUCIENNE est obligée de répondre par la négative.
Elle s’apprête à répéter l’argument de MORHANGE une nouvelle fois, mais l’un des INSPECTEURS la coupe sèchement. Il prononce lentement les noms des deux garçons décédés. « Ces enfants seraient-ils morts si vous étiez restée à l’école ? »
LUCIENNE, de plus en plus angoissée : « Non, mais… »
Les INSPECTEURS, de plus belle : « Avez-vous, oui ou non, organisé cette sortie, sans obtenir le formulaire d’autorisation nécessaire ? »
LUCIENNE est désemparée.
« Vous êtes la seule responsable de la mort de ces enfants ! », « vous bafouez leur mémoire et celle de l’instituteur en refusant de signer! »
LUCIENNE craque. Elle tente de contenir ses larmes, mais elle ne peut les empêcher de couler. Elle signe le document.
Les INSPECTEURS lui font part de ce qui l’attend à présent : LUCIENNE sera mutée à un poste administratif au sein de l’Education nationale. L’enseignement, pour elle, c’est terminé.
LUCIENNE tremble. Elle essaie de parler, mais sa voix se casse. Elle respire un instant puis reprend la parole pour demander quand elle doit partir.
Les INSPECTEURS lui répondent sèchement qu’ils reviendront avec tous les détails, et sans doute sa remplaçante, pour veiller à ce que la transition soit la plus douce possible. En attendant, elle restera à son poste.
Kommandantur/couloir – int jour
DANIEL est assis avec RAYMOND sur un banc de la Kommandantur. Ils attendent tous les deux de voir VON RITTER. Pour briser un silence qui devient embarrassant, RAYMOND se risque à parler de l’affaire MAREK : franchement, il ne croit pas que ce pauvre gars soit un terroriste ! Que vont lui faire les allemands ?
DANIEL lui explique alors qu’il est là justement pour plaider la cause de MAREK : c’est à la justice française de s’en occuper, pas aux Allemands.
A cet instant la porte du bureau de VON RITTER s’ouvre et le kreiskommandant en sort. DANIEL se lève. Mais VON RITTER se dirige vers RAYMOND et lui serre la main.
VON RITTER fait entrer RAYMOND dans son bureau.
DANIEL est visiblement vexé.
Kommandantur – int jour
VON RITTER fait glisser sous les yeux de RAYMOND un document en allemand frappé du sceau de la Kommandantur et de la Croix gammée : le contrat.
RAYMOND sort son porte-plume et appose sa signature. VON RITTER esquisse un sourire satisfait.
RAYMOND fait glisser le contrat vers VON RITTER, qui fait glisser en retour un document plié en 3 : « Ausweiss permanent. Avec ça, vous pourrez passer la ligne autant de fois que nécessaire. » RAYMOND sourit à son tour.
Les deux hommes se serrent la main.
Ligne de démarcation – ext nuit
Les phares peints de la voiture de RAYMOND viennent illuminer d’une lueur bleutée le GARDE ALLEMAND du check point, le même qu’au début de l’épisode. RAYMOND stoppe son véhicule, ouvre la fenêtre et tend au SOLDAT son ausweiss permanent. Le SOLDAT inspecte scrupuleusement le document officiel, comme s’il n’en voyait pas souvent et avait besoin de vérifier son authenticité. Il rend enfin l’ausweiss à RAYMOND : « Monsieur Langlois, tout est en ordre. Vous pouvez passer. A bientôt alors ! »
Le GARDE ALLEMAND fait ouvrir les barrières blanches qui brillent dans la nuit, telles les portes du paradis.
Ferme des Essarts – int nuit
RAYMOND verse du champagne dans deux coupes, en renverse en riant, tandis que MARIE inspecte l’ausweiss, heureuse comme jamais. « Tu sais moi quand je dis un truc, je le fais. » annonce fièrement RAYMOND.
Marie s’enthousiasme : c’est formidable ! Un peu midinette, elle veut qu’il lui raconte comment il a fait pour obtenir cet ausweiss aussi vite ! C’est pas un peu compliqué à obtenir ? Il a fait tout ça pour elle ?
RAYMOND esquive mais Marie ne lâche pas le morceau et RAYMOND finit par lui parler timidement de la proposition de VON RITTER.
MARIE cesse de sourire un instant, elle accuse le choc…
RAYMOND, filou; lui dit que justement, il voulait avoir son avis. En fait rien n’est signé hein, il doit donner son accord à VON RITTER demain ou bien rendre l’Ausweiss…
MARIE est troublée à l’idée que son amant se mette à construire une caserne pour les Allemands. Les arguments rationnels et défendables de RAYMOND butent contre « quelque chose » chez MARIE, quelque chose d’indéfinissable mais d’irréductible. Elle ne sait pas bien l’exprimer. La défaite, c’est une chose, on n’y peut rien. Les Allemands, il faut vivre avec. Mais travailler pour eux ? Sur de l’équipement militaire ?
Et alors je fais quoi ? interroge RAYMOND. Je ferme la boîte ? Je m’inscris au chômage ?
MARIE lui dit gentiment qu’il lui a demandé son avis, et qu’elle lui donne, c’est tout. Si c’était elle, elle ne le ferait pas. Elle trouve ça mal.
Silence gênant.
Pour changer de sujet, MARIE confie qu’elle a croisé MARCEL en ramenant les vaches.
RAYMOND enrage, MARCEL était sensé visiter sa mère malade à Lons. Décidément, il ne sait pas s’il doit continuer à faire travailler ce con qui fait passer ses idées avant son travail. Et puis les cocos ne sont pas gens fiables, ils ne comprennent rien aux réalités de la vie.
MARIE évoque, plus nuancée, l’époque du Front populaire, la magie des débuts. Elle se souvient des premiers « congés payés » qui étaient venus camper, en tandem, aux Essarts. Il y avait quand même un souffle de vie inoubliable…
RAYMOND se calme. Il n’écoute plus MARIE depuis un moment, et sort de sa torpeur. Il dit doucement à MARIE qu’il a bien réfléchi : ce marché allemand, il va le faire. C’est important pour qu’ils se puissent voir plus souvent, mais c’est aussi important pour les employés de sa briqueterie. Même ce con de MARCEL, c’est un peu comme sa famille. Qu’est-ce qu’ils feront si la boîte coule ? Finalement tout ce qu’il fera, c’est renforcer l’école, c’est pas plus mal. Alors il est désolé si cette décision ne plaît pas à MARIE, mais il va le faire.
SILENCE.
MARIE lui dit que si c’est important pour lui, elle comprend. Mais ce qui est important pour elle, c’est qu’il lui resserve du champagne et qu’il vienne lui faire l’amour.
RAYMOND, heureux, rempli la coupe de MARIE de champagne. MARIE l’avale d’un trait.
Kommandantur – int nuit
DANIEL entre enfin dans le bureau de VON RITTER. Il reste debout pendant que le kreiskommandant retourne s’asseoir tranquillement derrière son bureau.
L’attente que DANIEL a subi l’a mis dans les conditions voulues par VON RITTER : le maire est mal à l’aise, en position de faiblesse.
VON RITTER lui demande ce qu’il veut. DANIEL s’éclaircit la gorge puis commence : il ne comprend pas pourquoi VON RITTER est revenu sur les termes de la Convention d’Armistice…
Calme, mais ferme, VON RITTER le coupe : MAREK n’est pas un Français, les Français n’ont pas plus le droit de le juger que les Allemands. Tout le monde s’en fout.
DANIEL insiste timidement : vous avez gagné la guerre, si vous faites ça, vous risquez de perdre la paix. L’effet sera déplorable.
Certaines personnes ont été fusillées pour ce genre de choses, répond VON RITTER. Votre MAREK ne s’en tirera pas mal, 10 ans de travaux forcés tout au plus.
DANIEL accuse le choc – 10 ans ! – et plaide encore : Les gens se détourneront de vous, ils auront peur.
C’est bien qu’ils aient peur, objecte VON RITTER. Maintenant c’est à DANIEL de faire en sorte que de tels actes ne se reproduisent plus.
D’ailleurs lui et ses volontaires iront monter la garde le long des câbles une nuit de plus.
DANIEL ne comprend pas : MAREK est arrêté, c’est fini… VON RITTER toise DANIEL : ce sera fini quand je l’aurai décidé, pas avant.
DANIEL comprend que plus il tient tête à VON RITTER, plus il risque d’alourdir les conséquences. L’entretien est terminé.
Campagne/zone libre– ext nuit
MARCEL arrive à proximité du tunnel, côté zone libre. Il marque un temps d’arrêt. Il sait qu’il doit prendre une décision : s’il passe la ligne avec les papillons et qu’il se fait prendre, il écopera de plusieurs mois de prison.
MARCEL pose les papillons par terre et part…
… et s’arrête. Finalement MARCEL revient sur ses pas, ramasse les papillons, les range, et s’enfonce dans le tunnel.
Campagne/ligne de démarcation – ext nuit
JEAN revient d’un ultime tour de vérification et rejoint un autre POLICIER. C’est bon, toutes les équipes sont en place, MARCEL ne devrait pas tarder à repasser la ligne. Comme pour vérifier les prédictions de JEAN, la silhouette de MARCEL sort du tunnel au même moment. Il marque un temps d’arrêt à la sortie du tunnel, puis se décide à avancer… Le POLICIER s’apprête à siffler mais JEAN retient son bras. Pas maintenant. MARCEL vient en effet de disparaître dans l’ombre d’un bosquet d’arbres.
JEAN attend et scrute la nuit noire…
UNE SILHOUETTE ressort du bosquet, loin sur la droite et déambule dans l’ombre. Cette fois ça y est ! Jean siffle avec puissance, les policiers sortent de leurs planquent et accourent. JEAN lui-même se rue sur LA SILHOUETTE et la plaque au sol.
Il éclaire le visage avec sa lampe torche : ce n’est pas MARCEL, mais un VOLONTAIRE !
JEAN jure. Que viennent foutre les VOLONTAIRES ici, en plein dans sa souricière ?
Puis il réalise, jette des coups d’œil affolés dans toutes les directions et repère enfin une ombre, MARCEL sans doute, quitter les lieux à vive allure sur son vélo… Le communiste vient de lui échapper.
Furieux, JEAN jette sa lampe torche sur le sol avec violence.
Montage final
A – Un convoi allemand passe alors à proximité. A l’intérieur du véhicule principal du convoi, MAREK, menottes aux poignets, flanqué de DEUX SOLDATS lourdement armés.
B – LUCIENNE est assise sur le lit en train de pleurer. MORHANGE entre, s’assied à côté de LUCIENNE et, après un moment d’hésitation, lui passe le bras autour des épaules dans un geste de réconfort. LUCIENNE hésite elle aussi, puis laisse aller sa tête contre l’épaule de MORHANGE.
C – RAYMOND rentre dans la chambre conjugale tard dans la nuit, en silence. JEANNINE, allongée, ouvre un œil et sourit. Elle voit RAYMOND se déshabiller et poser son costume sur le valet de nuit. JEANNINE constate qu’une plume tombe du costume. Elle sait que son mari n’est pas un ange : il est retourné voir MARIE. Elle ferme les yeux.
D – MICHEL s’est fabriqué son propre arc. Il parvient à le bander et envoie une flèche dans la nuit.
FIN DE L’EPISODE 3
Anonyme
Merci pour ce sequencier ! Juste une petite question, pourquoi les "nous suivons" par exemple au debut sont en majuscules ?
Merci d'avance 🙂
Cédric Salmon
Bonsoir,
Il est d'usage de mettre en majuscule les mouvements de caméra…
… mais il est également d'usage de ne pas indiquer de mouvements de caméra quand on est pas le réalisateur de son scénario ! (De peur de froisser le metteur en scène, parait-il.)
Comme on ne se refait pas — je suis aussi réalisateur –, j'ai suggéré les mouvements d'appareil… et j'ai oublié de gommer les majuscules.
Bref, vous m'avez grillé ;o)
Anonyme
Bonjour,
Un grand merci pour ce document très instructif. On n'a pas souvent l'occasion de suivre les étapes de l'écriture les unes après les autres.
Et bravo pour le travail!
Cédric Salmon
@Anon : Je suis heureux que vous appréciez ma démarche.
Anonyme
Bonjour. Je voudrais savoir, combien de pages vous a prit votre épisode et combien de temps prend t-il à l’écran ? J’ai énormément de mal à savoir en fonction de quoi je dois estimer le temps d’un épisode.
Cédric SALMON
Bonjour, un scénario est un document technique qui doit donner une idée précise de la durée de l’œuvre finale, grâce à cette règle simple : une page de scénario équivaut environ à une minute de film. Vous pouvez apprendre ces règles de formatage d’un scénario en vous procurant la formation vidéo e-learning suivante, Écrire une continuité dialoguée efficace. Bonne écriture !
Anonyme
D’accord, merci pour cette réponse. Et je voudrais savoir, est-il judicieux d’aller démarcher auprès de producteurs, de chaînes de télé ect.. lorsque nous avons un projet à présenter ou faut-il plutôt engager un agent pour nous représenter et le faire à notre place ?