En ce qui concerne la mise en page de scénario, un seul ouvrage fait autorité dans la profession : celui de Philippe Perret. En la matière, pour un auteur émergent, difficile de faire plus que de recommander la nouvelle édition de son SRPS, Savoir rédiger et présenter son scénario, qui contient tout. Pourtant, non seulement Philippe Perret répond ici aux questions de rédaction les plus fréquentes, mais EN PLUS vous avez la possibilité de poser vos questions spécifiques à une HOTLINE « mise en page scénario » ! Bonne lecture :o)
La mise en page de scénario, selon Philippe Perret :
- Comment écrire un scénario ? Quels sont les principes essentiels de mise en page ?
- Quelles sont les spécificités du scénario français face au modèle anglo-saxon ?
- Pourquoi cette timidité française pour fixer le formatage d’un document technique ?
- Quelles sont les ajouts ou modifications de cette nouvelle édition ?
- Des exemples d’erreurs courantes de mise en page à ne pas commettre ?
- Un logiciel de scénario, type Final draft, est-il indispensable à un scénariste pro ?
- Peux-tu te présenter aux membres de la communauté High concept ?
- Comment Robin et toi avez-vous procédé pour écrire ce livre ?
- HOTLINE mise en page : comment écrire dans un scénario…
Cher Philippe, merci de répondre à nos questions. Comment écrire un scénario ? Quels principes essentiels de mise en page faut-il respecter ?
« Vaste sujet ! Ça vaudrait même la peine d’écrire un bouquin sur le sujet (rires). À la première question, je répondrais : « il faut l’écrire bien » (rires) et à la seconde, je répondrais « il faut tous les respecter ». Mais je ne suis pas certain que ce soit la réponse que vous attendiez (rires).« Plus sérieusement, je dirais qu’il faut écrire un scénario avec une seule préoccupation : prendre le lecteur par la main, et ne pas lui lâcher jusqu’à la fin du récit. C’est tout un art, et ça s’apprend en écrivant et en faisant lire des dizaines de projets. Je vois souvent les auteurs préoccupés de précision, mais ils la mettent au mauvais endroit : ils veulent absolument décrire leur image le plus précisément possible. En fait, ça produit exactement l’inverse de l’effet escompté. Le scénario n’est pas une affaire de description mais une affaire de suggestion. Il faut avoir ce lecteur en face de soi quand on écrit, et avoir un désir farouche de le captiver, de le faire rêver. Donc il faut commencer par croire en son histoire, et la connaitre suffisamment bien pour pouvoir la vivre et partant la rendre vivante et captivante sur le papier.« Pour la mise en page, les principes sont peu nombreux, ce sont des usages qui relèvent souvent du bon sens. Le SRPS a justement été conçu pour les divulguer à toute personne intéressée. » ▲
Quelles sont les spécificités du scénario français face au modèle anglo-saxon ?
« Outre le fait que le modèle anglo-saxon est normalisé, ce qui distingue surtout les deux, c’est que le scénario français est un objet métissé.« Les anglo-saxon, beaucoup mieux organisés que nous (sourire), possèdent deux types de scénarios : celui destiné à vendre leur projet, qui raconte donc l’histoire de façon captivante, et celui destiné au tournage du film, qui se focalise donc sur le « comment » l’histoire va être tournée. On pourrait dire que le premier est littéraire et le second est technique. En France, nous n’avons qu’un seul modèle, modèle censé remplir les deux tâches en même temps, ce qui est un non sens. J’ai parlé d' »objet métissé » pour rester poli, j’aurais pu tout aussi bien dire « objet bâtard » mais je crains la censure (rires). » ▲
Pour fixer la mise en page de la continuité dialoguée en France, il aura fallu attendre ton livre en 1998. Pourquoi cette timidité de l’audiovisuel pour le formatage universel d’un document technique (sur lequel travaillent pourtant les principaux corps de métier) ?
« Ce n’est pas comme ça que j’exprimerais les choses… Disons que le livre est arrivé à un moment où l’écriture audiovisuelle prenait un essor particulier, se démocratisait, en quelque sorte. Il était temps d’essayer de faire le point sur les diverses pratiques et de proposer une nomenclature.« Je précise quand même que ce livre n’a pas vocation de fixer la mise en page. On n’y impose pas, par exemple, d’utiliser telle ou telle police à chasse fixe, comme c’est le cas dans les scénarios américains. On suggère plutôt de respecter certains usages qui ne visent qu’à faciliter la lecture par tous les corps de métier dont vous parlez. » ▲
Dans ce contexte, Savoir rédiger et présenter son scénario a rapidement été épuisé. Jusqu’à aujourd’hui : quelles sont les ajouts ou modifications de cette nouvelle édition ?
« En fait, il y a eu quatre ou cinq ré-impressions du livre depuis sa sortie. Nous dépassons aujourd’hui les 15 000 exemplaires vendus. Il n’y a que très récemment que l’éditeur précédent ne faisait plus son travail de ré-impression, et c’est lorsqu’on m’a informé qu’on trouvait l’ouvrage vendu à 100 euros sur Amazon que je me suis décidé à récupérer les droits pour que les ré-impressions soient plus suivies. Dixit était intéressé, mais on ne s’est pas entendu sur les termes du contrat, j’ai donc préféré me tourner vers une toute jeune maison d’édition, Encres de Siagne, plus soucieuse du lecteur que de l’argent qu’elle espérait de lui (sourire).« Pour ce qui est des ajouts et des modifications, ils émanent surtout des années de pratique de l’écriture qui séparent la première édition de celle-ci. J’étais un peu vert lorsque j’avais écrit la version de 1998 (rires). Rien de révolutionnaire dans cette nouvelle édition, mais une refonte en profondeur, un meilleur accent mis sur les choses essentielles, une plus grande clarté, et une épuration des éléments un peu « gadget » des versions précédentes.« Et puis l’éditrice m’a laissé superviser entièrement cette édition, de a à z, donc elle correspond vraiment à ce que j’en attendais. J’en suis particulièrement content. » ▲
Un exemple tiré d’un scénario illustre chaque notion de mise en page dans le livre. Peux-tu nous donner des exemples d’erreurs courantes de mise en page à ne pas commettre ?
« Non, parce que je préfère que vous achetiez le livre (rires). En fait, pour dire la vérité, ça n’est plus tellement des erreurs de mise en page à proprement parler qu’on trouve aujourd’hui, même s’il en demeure. Grâce à internet, la plupart des apprentis-auteurs savent peu ou prou à quoi ressemble un scénario, parce qu’ils ont pu en télécharger sur le net ou en échanger sur les forums.« Les erreurs, on les trouve donc surtout au niveau de la rédaction. J’en citerais simplement deux parmi les plus courantes. Elles peuvent paraitre triviales, mais dans la réalité, elles se révèlent toujours dommageables au projet. La première, c’est de croire qu’une fois qu’on a mis son intitulé de scène, par exemple « 12. INT. CHAMBRE DE CAMILLE — JOUR », le lecteur connait le décor et le moment où se déroule la scène. L’auteur débutant ne sait pas encore que personne ne lit ces intitulés, à part le tout premier. Le livre lui apprend donc qu’il faut systématiquement réintroduire ce décor et ce moment dans le corps même de la scène, en général dès la toute première phrase.« Une autre erreur tout aussi dévastatrice pour de nombreux projets, c’est d’oublier « d’habiter ses personnages », et ce dans toutes les scènes, sans exception, et pour tous les personnages, sans exception. Le livre conseille donc par exemple de ne pas oublier de bien préciser l’humeur ou l’émotion de chaque personnage dans chaque scène où il apparait, et ce dès la première phrase qui lui est consacrée. On évite ainsi l’effet de « pantin inanimé » qui rend la lecture on ne peut plus ennuyeuse.« Par parenthèse, je dirais que c’est là aussi un des apports de la réflexion du livre sur la rédaction proprement dite, et ça a été une découverte pour moi : le soin porté à la simple rédaction amène incidemment l’auteur à se poser des questions d’ordre dramaturgique, des questions incontournables. Ici, par exemple : quel est le sentiment, l’humeur, l’émotion de chaque personnage dans chaque scène ? Et donc d’avoir à la rechercher, à la choisir, à la préciser, à l’affiner, en optant pour le plus judicieux et le plus captivant pour son histoire. » ▲
Un logiciel de scénario, type Final draft, est-il indispensable à un scénariste pro ou un logiciel d’écriture gratuit comme Open Office ou CeltX peut-il suffire ?
« La question est tendancieuse (rires). Je vais me sortir de ce guet-apens en répondant qu’un scénariste pro n’a pas besoin de moi pour choisir son logiciel de prédilection (rires).« Plus sérieusement, je dirais qu’acheter un logiciel comme Final Draft simplement pour la mise en page serait une erreur. Effectivement, Open Office peut faire presque aussi bien l’affaire, pour peu qu’on prenne le temps d’apprendre à utiliser les feuilles de styles et les raccourcis. On y perd juste quelques facilités comme l’écriture d’un nom de personnage à l’aide d’une simple touche. Non, les logiciels de formatage sont surtout intéressants pour leurs outils annexes, comme la possibilité d’éditer uniquement les dialogues d’un personnage particulier, ou les outils de production par exemple.« En conclusion, jusqu’à ce que je sois sponsorisé par Final Draft (rires), je dirais que ce n’est pas l’outil qui fait l’artisan, et qu’en conséquence ce n’est pas ce logiciel qui transformera un apprenti-auteur en auteur-pro. L’auteur ne devrait faire cet achat, s’il en a vraiment envie, seulement lorsqu’il pourra se le payer à l’aide du chèque reçu pour son premier scénario vendu (sourire). En attendant, il pourra toujours utiliser CeltX, qui vient comme Open Office du « monde du libre » et se révèle un outil largement suffisant. » ▲
Sur la mise en page de scénario, ton livre est LA référence professionnelle française. Peux-tu néanmoins te présenter aux membres de la communauté High concept qui ne te connaîtraient pas encore ?
« Je ne me prête pas facilement à ce jeu de la présentation, car j’ai du mal moi-même à me cerner (rires). Disons que j’adore créer, que ce soit en musique ou en audiovisuel, et que j’aime toutes les formes d’écriture. Un instantané sur ma vie actuelle pourrait en donner un aperçu : outre les projets musicaux qui ne sont pas le sujet, on pourrait voir sur ce cliché le développement d’un long-métrage cinéma avec un jeune réalisateur, la fin de l’écriture d’une pièce radiophonique pour la RTBF ou encore une mini-série en pré-production à l’international chez Atlantiques. Mes différentes expériences m’ont permis d’aborder l’écriture, et donc la rédaction, par tous les bouts, des bouts aussi divers qu’un roman, chez Anne Carrière, un long-métrage cinéma, et quelques trucs pour la télé — entre nous, juste pour voir ce que c’était (rires).« Et puis bien sûr, je mentionnerais aussi ma passion pour la pédagogie, pour le partage du savoir. Au niveau de l’écriture, je peux l’assouvir au sein de l’Atelier Icare, un atelier d’écriture virtuel encore jeune, mais qui connait déjà de belles réussites (sourire). » ▲
Ce livre est aussi une œuvre de collaboration avec notre collègue Robin Barataud. Comment avez-vous procédé pour écrire à quatre mains ?
« En fait, pour le scoop (rires), il n’a pas été écrit à quatre mains. S’il m’a semblé incontournable que le nom de Robin figure sur la couverture, c’est simplement que l’ouvrage était le fruit de nos longues heures de discussions passionnées à l’époque où nous participions au comité de lecture de la Maison du Film Court — Robin en était le responsable. Sans Robin, sans ces discussions, je pense que le bouquin aurait été beaucoup moins pertinent.« En passant, c’est peut-être la raison pour laquelle le SRPS répond tellement aux besoins de l’apprenti-auteur : parce qu’il émane justement des dizaines et des dizaines de scénarios amateurs que nous avons pu lire et réfléchir au sein de ce comité de lecture. C’est cette expérience très enrichissante qui a permis au livre de passer au crible les écueils classiques dans lesquels tombe sans le savoir l’aspirant scénariste, qu’il écrive un long ou un court métrage, et lui proposer des solutions que j’espère satisfaisantes. » ▲