Médias, ton univers impitoyable ! Comme chaque année à la même époque, les espoirs sont grands de voir les choses changer : enfin de la qualité, de l’artistique, de l’industrialisation raisonnée, bref de la nouveauté en somme comme je l’évoquais dans un billet précédent dédié à la rentrée audiovisuelle mais à bien y regarder, les choses ont-elles […].
6 MIN. DE LECTURE
Médias, ton univers impitoyable ! Comme chaque année à la même époque, les espoirs sont grands de voir les choses changer : enfin de la qualité, de l’artistique, de l’industrialisation raisonnée, bref de la nouveauté en somme comme je l’évoquais dans un billet précédent dédié à la rentrée audiovisuelle mais à bien y regarder, les choses ont-elles vraiment changé ?
Cette année, les signaux avertisseurs de changement ont été nombreux :
- pour la première fois depuis des décennies, le « 20 Heures » de France 2 a dépassé celui de TF1 ;
- cette année Canal+ s’offre D8 et D17, deux chaînes sur la TNT gratuite, pour aller chercher ses concurrentes M6 et TF1 sur leur terrain en y mettant les moyens ;
- le groupe Al Jazeera s’installe avec BeIN Sport sur les terres footballistiques et monopolistiques de Canal+ ;
- six nouvelles chaînes débarquent sur la TNT dont HD1, la machine à fiction low cost de TF1 ;
- une nouvelle loi sur l’audiovisuel public chargée de réformer les règles de notre bon vieux PAF arrive à l’automne avec au programme : réforme du mode de nomination des PDG des chaînes publiques et rapprochement du CSA et de l’ARCEP (l’autorité de régulation des télécoms) ;
- un nouveau plan de financement de France Télévisions (à qui il manque toujours une centaine de millions d’euros pour boucler son budget) est annoncé ;
- enfin, un nouveau patron pour l’AEF où cohabitent difficilement RFI et France 24, sera nommé…
Les cadres bougent mais les contenus restent parfois toujours les mêmes
Chez TF1, on attend que l’orage passe, France 2 et France 3 rêvent d’être libérées l’une de l’autre, Canal+ fait semblant de respecter les consignes du CSA pour financer D8, M6 veille à ce que la pub ne revienne pas sur FTV et nous retrouvons de bonnes vieilles constantes de notre univers audiovisuel. Ce qui ne change pas : petit tour d’horizon des valeurs sûres du PAF français :
- Des séries américaines en veux-tu en voilà
- La fiction américaine a encore de beaux jours sur nos écrans : les derniers scores de Mentalist, Esprits criminels et autres Docteur House sur TF1 sont loin de faiblir et passent même largement au-dessus de tous les autres programmes. Ces séries sont solides et enchaînent les saisons comme un rouleau compresseur qui vient prendre presque l’ensemble de nos soirées et après-soirées. Dans les autres pays, le public préfère quand même sa fiction nationale, mais pas nous français, pourtant pays du cinéma (où seuls quatre petits épisodes de notre fiction française (chiffres 2011 du CNC) existent encore dans notre top 100 national des audiences face à 72 épisodes de fiction US).
- En 2012-13 comme depuis une petite dizaine d’années, nous retrouverons donc tous les blockbusters US : Sur TF1 : Les Experts Miami – Las Vegas – Manhattan, Mentalist, Esprits criminels, Dr House, Grey’s Anatomy, New York Unité Spéciale, Fringe, Dexter, American Wives ainsi que des nouveautés comme Unforgettable, Person of Interest, Revenge, Breakout Kings, Dallas (la nouvelle génération des Ewing), Jo et Crossing Lines (coproductions internationales avec Jean Reno et Marc Lavoine).Sur M6, les diffusions des saisons inédites de Bones, NCIS et Desperate housewives sont d’ores et déjà annoncées, tandis que la chaîne mise aussi sur des nouveautés comme Le Transporteur, Terra Nova et Once upon a time. France TV n’est pas en reste avec : Cold Case et FBI portés disparus qui s’arrêteront fin 2012, et Castle le lundi soir. F2 complètera sa grille 2013 avec une nouveauté Rizzoli & Isles, une nouvelle série policière où l’enquêtrice Jane Rizzoli et le légiste Maura Isles traqueront les criminels de Boston. Les autres chaînes du groupe misent sur des séries anglaises et américaines : France Ô diffusera en clair Luther et poursuivra la diffusion de Sur écoute (saisons 4 et 5) et Treme (saison 2). France 4 laissera une grande place à Doctor Who (saisons 6 et 7) tandis que France 3 misera sur Mildred Pierce. Quant à Canal+ qui a fait sa marque de fabrique, elle reprend plus que jamais les séries de ses voisines US HBO et Showtime avec Game of thrones, Dexter, Damages et bien d’autres comme The big C, Mad men, Nurse Jackie, Weeds, Strike back us, Shameless et les indétrônables Simpson. Dans les nouveautés, on retrouve Homeland, Scandal, Prime Suspect, Inside Men pour les majeures. Enfin, Arte n’est pas en reste avec la diffusion de la saison 4 de Breaking bad et la saison 2 de The Walking Dead mais la chaîne culturelle s’est faite une spécialité des séries nordiques.
- Des bonnes vieilles séries françaises low concepts centrées sur des stars :
- La fiction française traditionnelle reste encore majoritaire : malgré quelques nouveautés et quelques exceptions que nous détaillerons plus tard, la fiction française reprend ses bonnes vieilles habitudes de faire des lows concepts centrés sur des stars. Pour en savoir plus sur la différence entre un low et un high concept, je vous renvoie au cours Le high concept, ou comment vendre son premier scénario à un producteur.Sur TF1 : les séries usuelles reviennent avec Doc Martin (Saison 3), Mes amis, mes amours, mes emmerdes (Saison 3), Profilage (Saison 4), Section de recherches (Saison 7), R.I.S. Police Scientifique (Saison 8), mais aussi Nos chers voisins, Interpol, Camping Paradis, Week-end chez les Toquées, Joséphine ange gardien, Affaires étrangères, Alice Nevers, le juge est une femme, Julie Lescaut, Clem, Une famille formidable. Sur M6 : Victoire Bonnot, Scènes de ménages, En famille, Kaamelott… Sur France TV, il faudra aussi compter sur Fais pas ci, Fais pas ça (saison 5), Les hommes de l’ombre (saison 2), La Smala s’en mêle, Drôle de famille, Vestiaires, Deux flics sur les docks, Boulevard du palais, Dame de carreau, Nicolas Le Floch, Un flic ou encore Tango sur France 2, Un village français (saison 4), Famille d’accueil, Le Sang de la vigne, Commissaire Magellan, Enquêtes réservées et Plus belle la vie sur France 3…Même Canal+ joue la sécurité avec Engrenages (saison 4), Mafiosa (saison 5), Braquo (saison 3), XIII (saison 2), Maison close (saison 2), Borgia (saison 2), Hard (saison 3), etc. Apprenez vous aussi à créer une série avec le cours écrire une série tv, les quatre ingrédients d’une bonne bible de série.
- Bref, le règne de la continuité : mais pour combien de temps ?
- Pas de pub sur France TV après 20h : malgré les tergiversations et le trou dans le budget de France TV, la publicité est belle et bien enterrée après 20h sur le service public, au grand ravissement de ses rivales privées M6 et TF1 qui comptent bien se réserver les annonceurs sur la tranche horaire la plus convoitée du PAF.
- Rémy Pflimlin reste président du groupe France Télévisions et tentera de négocier un COM (contrat d’objectifs et de moyens) pour libérer le service public du diktat de l’audience tout en garantissant son indépendance financière (des licenciements et donc une grève sont encore à prévoir malheureusement). Beau challenge en l’état !
- D’anciennes séries qu’on croyait éteintes reviennent : c’est le cas de la série française la plus exportée de tous les temps, Sous le soleil, qui fera son retour sur TMC (qui signe aussi pour une saison 2 des Mystères de l’amour).
- Le cercle vertueux des territoires connus et assurés : De la télé-réalité et des jeux sur TF1 : nous verrons ainsi sans surprise le retour de Koh-lanta, Danse avec les Stars, The Voice, Masterchef et des émissions dédiées au coaching avec l’arrivée d’Estelle Denis à la tête de The Audience et au dating pour concurrencer directement M6 avec Coup de foudre au prochain village présenté par Julie Taton. Nous continuerons par ailleurs de voir sur M6 un ensemble d’émissions de coaching sur les mêmes thèmes : la cuisine (après Top Chef, Un Dîner presque parfait et Cauchemar en cuisine, M6 continue d’exploiter le filon culinaire avec Le meilleur pâtissier amateur) ; le couple (après L’amour est dans le pré, Adriana Karembeu présentera Pour le meilleur et pour le pire où elle tentera de réconcilier des couples en crise) ; l’immobilier (Stéphane Plaza rempile sur Recherche appartement ou maison et prend les commandes de J’ai décidé d’être heureux où des volontaires suivront des défis pour apprendre à cultiver le bonheur) ; le coaching parental (après Super nanny, Laisse-moi t’aider reprend le flambeau sur le sujet).Sur France TV on reste sur les mêmes crédos : Patrimoine – jeux – Documentaires – Magazines. Sur France 2, Nagui continuera d’animer des jeux et des journées spéciales seront consacrées à des événements ou soirées thématiques sur des sujets tels que l’école, la santé, le travail, etc. France 3 restera centrée sur les documentaires et les magazines (Mireille Dumas y animera des soirées événementielles sur des thèmes de société), France 4 cultive son positionnement de laboratoire et mise sur son trio jeu, magazine et divertissement tandis que France 5 s’occupera de philo et de documentaires, et France Ô de rêves exotiques.
Que retenir ?
Même s’il y a des nouveautés, l’ensemble du PAF semble jouer sur la sécurité. La crise est là, les budgets sont resserrés et les audiences s’érodent. C’est donc une politique vers un tout low cost qui s’annonce. De la fiction patrimoniale, du terroir, des JT et des émissions politiques et à quelques exceptions près, toujours les mêmes têtes pour servir la soupe sur France TV, du divertissement à l’américaine sur Canal+, de la TV-réalité-fictionnée et des fictions américaines sur M6 et TF1. Voilà pour l’essentiel de ce qui ne va pas changer. N’hésitez pas d’ores et déjà à partager avec nous vos commentaires sur cette rentrée télé bien conservatrice.
Pierre-Antoine Favre
Très instructif ! A la lecture de ces deux articles sur la rentrée audiovisuelle, une question (ou plutôt plusieurs questions, mais qui se recoupent) : le vent de nouveauté est limité, sauf peut-être sur les formats courts et les web séries qui autorisent plus facilement une prise de risque. Pour autant, est-ce que l'expérience acquise sur des formats est transposable par la suite à des formats plus longs et plus exigeants ?
Formulé autrement, est-ce que les formats courts sont un laboratoire d'essai qui préfigure les succès de demain ? Ou bien sont-ils un révélateur d'une perte d'audace et de savoir-faire sur la fiction française "classique", laquelle souffre cruellement de la comparaison avec les créations US/UK/nordiques ? Les formats courts représentent une bouffée d'oxygène, mais cela ouvre-t-il la voie à la maîtrise de séries de type "22 épisodes x 42 minutes" par exemple ?
La question encore sous une autre tournure : les formats courts permettent-ils de faire l'économie d'une réflexion et d'une réforme en profondeur de la fiction française en général, notamment à travers une logique d'écriture plus cohérente et mieux financée ? Au fonds, la recrudescence des formats courts, est-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle ?
Anonyme
Pour apporter un élément de réponse à la question de PA Favre je peux témoigner d'une expérience de jeune auteur sollicité par la production du programme court le plus regardé.
Un jour je reçois un mail me proposant d'envoyer 8 textes ( 2 pour chacun des couples) afin de voir si je serais susceptible d'incorporer le pool d'auteurs. Rémunération seulement si des textes sont acceptés en lecture, sans plus de précision.
Je demande le temps imparti. On me répond 8 jours et réponse sous trois semaines.
Ayant regardé un peu cette série j'accepte. Je reçois la bible (pleine de fautes et anglicismes). J'envoie 8 textes. Les semaines et les mois passent sans aucune réponse. Je télépone:"Vous serez informé dés lecture."
Un jour je reçois un mail me disant que mes textes ne peuvent être acceptés dans l'état mais ils me proposent une formation dans leurs locaux, à Aubervilliers, durant laquelle je pourrai corriger le tir. Formation non rénumérée ni payante mais je dois fournir 5 textes.
A la première séance nous sommes 5 "jeunes" auteurs (pas si jeunes: l'un de nous à plus de 30 ans d'expérience,un autre est un humoriste qui a eu son heure de gloire.)
Nos deux formateurs nous passent la pommade en nous disant que nous avons été sélectionnés parmi des centaines et aussi que jamais un texte n'est accepté en V1 et donc qu'il ne pouvait en aucun cas y avoir de rémunération lors du premier contact!
Ensuite nos textes sont lus par les formateurs d'une voix inexpressive et systématiquement critiqués. En fin de séance il nous faut soit réécrire les textes soit en proposer de nouveaux. Au cours des séances suivantes le travail de démolition se poursuit sans aucune logique.
Par manque de place je vais poursuivre sur un autre commentaire.
Anonyme
La suite.
Nos formateurs nous disent:" Afin que vous soyez dédommagés de vos frais de déplacements il faut que chacun ait deux textes qui passent en lecture." Nous nous sommes quittés avec cet objectif soit disant atteint mais quelques jours plus tard nous recevions une lettre type disant que , malheureusement, nous ne faisions pas l'affaire.
Ce producteur fait cette " formation" tous les mois avec 5 nouveaux auteurs. J'ai lu que ce producteur veille particuliérement au respect des auteurs!
Nous n'avons jamais su quel était le but réel. Rien de clair et net , même pas le prix d'achat d'un texte accepté ( 350€?).
Ce qui est sûr c'est que chacun a fourni gratuitement une vingtaine d'idées de gags au producteur.
A vous de voir si la prolifération des programmes courts est une bonne chose pour vous.
High concept
@Pierre-Antoine : difficile de répondre en étant catégorique. D'un point de vue d'auteur, le format court comme les autres formats requiert un savoir-faire spécifique. Il est même très exigeant en termes d'efficacité et d'organisation (cf. sa récurrence). D'un point de vue de production, c'est aussi un format avec des coûts spécifiques (utilisation d'un studio souvent cf. Scènes de ménages, format plutôt low cost à l'exception de Bref, etc.). Après, si cette industrie décolle (en termes de taille de marché et d'exportations), elle entraînera forcément des changements plus structurels dans notre artisannat.
À mon humble avis, ce qui fera basculer le secteur, c'est le bouleversement plus structurel d'un des éléments de l'équation : audience, coûts, recettes. Aujourd'hui, les audiences et les recettes ne suivent pas ou moins bien pour les diffuseurs qui doivent partager de plus en plus leur gateau (cf. mon billet sur le CNC et la fiction française). Le format court, la copro internationale sont des pistes pour réduire les coûts (stratégie la moins risquée). Espérons aussi qu'ils veillent à augmenter leurs recettes (programmes plus attractifs, formats plus récurrents, etc.) pour que cela fasse travailler un peu plus les savoir-faire français en train d'émerger (cf. ce blog dédié au high concept et aux techniques d'écriture adaptées à la création de fiction originale), mais je ne suis pas objective bien sûr. Qu'en pensez-vous ?
High concept
@Anon : merci pour ce témoignage. J'évoquais d'ailleurs ces pratiques déplaisantes et très concurrentielles dans mon billet : Scénaristes américains vs scénaristes français : quel statut est le plus enviable ?, où vous voyez que même dans une industrie puissante comme Hollywood, les auteurs ne sont parfois pas mieux lotis que nous et sont souvent obligés de donner leurs pitchs et parfois plus (commande déguisée) gratuitement pour être embauchés. Que faire ? Ma position personnelle sur le sujet est de rendre mon travail aussi unique et efficace que possible (et donc indispensable…) grâce à l'emploi des techniques enseignées sur ce blog, mais la aussi, je ne suis pas objective et cela n'engage que moi. Qu'en pensez-vous ?
Anonyme 007
Concernant l'anecdote très éclairante d'Anonyme, je me permettrais une nuance avec la position US d' auteurs "souvent obligés de donner leurs pitchs et parfois plus (commande déguisée) gratuitement pour être embauchés."
En l'occurrence, là , on est très loin d'une hypothétique embauche. Il s'agit plutôt, à mon avis, d'une "méthode de formation" douteuse qui permet, sans faire trop de parano, de noyer le poisson en émettant une critique systématique des textes proposés…et surtout in fine, de ne pas les rémunérer (puisqu'ils ne "fonctionnent pas"). Résultat, comme le conclue Anonyme: des auteurs non payés qui ont fourni un bon paquet d'idées refusées…MAIS des idées de format court, ça se recycle assez facilement, quand on connaît un peu le processus d'écriture courte: rien n'empêche de tordre un peu une idée, de changer une chute, de différencier légèrement une situation de départ, d'inverser un rôle, etc…et d'exploiter tranquillement le script ainsi validé. Il sera surtout très compliqué de revendiquer sa paternité originelle, de vérifier que "son" idée de départ apparaît à l'antenne, etc. Je pense que ce "système" mise en partie là-dessus (avec confirmation par un autre auteur de l'existence du même type de process pour une autre série courte célèbre plus ancienne (indice, il y a 5/6 ans) … et produite par la même prod(!).
Pour avoir tenté l'expérience une fois mais pas deux (sans passer par la case "formation"), je confirme: 8 scripts écrits en 5 jours et refusés sans explications argumentées autre que mail laconique, genre "ça va pas" , puis impossibilité de se joindre: "la responsable d'écriture est en réunion", etc)… Même chose pour une autre connaissance avec même motif, même punition…
Ca fait beaucoup d'auteurs refusés, beaucoup de scripts dont on ne sait où ils atterrissent.
Conclusion personnelle: à éviter si vous ne faites pas partie de l'équipe (pléthorique) directement embauchée au départ. Autre info concomittante: lors d'un séminaire où intervenait une prod. d'un célèbre format court, le producteur intervenant se targuait d'avoir "près de 5000 scripts " en réserve. Ca donne une idée de la probabilité de se faire "acheter" rapidement un script.
A réfléchir avant de dépenser beaucoup d'énergie pour un résultat très très aléatoire.
Anonyme
@Julie. Je pense que ce producteur a aussi mis en oeuvre une technique qui lui permet d'alimenter en sang frais sa série à moindre coût. L'efficacité d'une technique serait-elle le seul critére à prendre en considération?
Ma position est qu'il faut réagir et lutter contre les exploiteurs. Je vous remercie trés sincérement d'avoir publié mon témoignage.
Je suis d'accord avec vous : vous n'êtes pas objective. Si votre travail est indispensable ce n'est pas seulement du à l'emploi de techniques.
Anonyme
@anonyme 007. Merci pour votre témoignage qui vient confirmer le mien. Je partage totalement votre analyse sur le recyclage des idées. L'idée est essentielle: c'est facile de changer sa présentation.
Il semble donc bien qu'il s'agit d'un "systéme" mis au point depuis de nombreuses années.
Vu le nombre d'auteurs abusés ( plus de 50 rien que pour cette prod ,cette saison) je suis étonné de n'avoir jamais rien lu sur ces pratiques. J'espére que nos messages ne s'autodétruiront pas. Amicalement
Pierre-Antoine Favre
@ Anonyme & Anonyme 007 : merci beaucoup pour vos témoignages… qui sont édifiants ! En espérant que nombreux seront les lecteurs avertis par vos propos. A vous lire, je me pose d'ailleurs la question de savoir s'il est possible de réussir à proposer une nouvelle série en format court en étant uniquement scénariste ? Est-ce que vos interventions ne suggèrent pas qu'à moins de cumuler plusieurs casquettes (auteur-réalisateur, acteur, comme Alexandre Astier par exemple), il est extrêmement difficile de faire valoir un nouveau concept aujourd'hui ?
@ Julie : effectivement, l'idée de centrer son travail sur un high concept pour le distinguer clairement de la concurrence et le rendre d'autant plus difficile à "pirater" semble la seule solution viable. Reste à espérer que l'éventuelle réussite économique associée aux formats courts encouragera une professionnalisation croissante du secteur et une évolution vers des pratiques honnêtes plutôt que l'inverse…
thierry
je me rappelle qu'il y a déjà trois/quatre ans, j'entendais le directeur des programmes de FranceTV (de l'époque) répondre a une interview sur ce sujet en disant qu'UNE DIZAINE de projets de programme court arrivait CHAQUE SEMAINE sur son bureau, alors, tirez-en les conclusions que vous voudrez.. Mais ça doit être encore pire aujourd'hui… Alors sans passer pour un pessimiste…
Bien structurer son projet ne le rend pas plus drôle pour autant et quand ça leur plait pas, rien ne leur fera changer d'avis.
(l'humour étant le truc le plus subjectif du monde, c'est encore plus aléatoire…)
Tu peux passer des années a peaufiner ton truc, et le moindre gus venu te dira que "c'est un bon début mais ça manque vraiment de travail".
Et a moins d'une idée "géniale" et qui ne coûte rien, je crois que le genre arrive a saturation.
Bonne chance a ceux qui veulent tenter l'aventure… 😉
et merci pour le retour d'expérience!
Anonyme 007
@ Anonyme: si le" système " s'avère…heu, avéré (quelques échos semblent déjà se répondre), il faudrait un journaliste sévèrement couillu pour faire un gros papier d'enquête (après, tout, c'est sensé être une part de leur job, non?)… Affaires africaines, Clearstream, ce soir une enquête sur les coulisses de la télé-réalité…alors pourquoi pas ce genre d'investigation? Ce serait salutaire…
Sinon, pour avoir (un peu) réfléchi au programme court, j'aurais tendance à penser que pour convaincre un producteur, il faut évidemment en théorie un high concept…mais je pense qu'arriver en binôme "auteurs associés", aka scénariste+ réalisateur peut être un plus… toujours idéalement, en présentant un dossier en béton, très accrocheur (avec parti-pris de réal, direction artistique, mood boards et cie) et même, why not, un début de casting potentiel (avec accord de principe c'est encore mieux): mais ça implique d'être vite en phase avec une production prête au pari. A l'heure qu'il est, impossible de vous dire si une initiative de ce genre marche ou si vous allez droit dans le mur.
Et, last but not least, proposer un pilote…histoire de donner le ton, de montrer de la "matière".
Avantage: si l'interlocuteur est ouvert, ça peut lui arracher un cri du coeur ("J'achète!!").
Inconvénient: si l'interlocuteur est plus "mainstream", il peut se sentir dépossédé d'un projet dans lequel il aimerait mettre ses petits doigts velus dès le pitch.
C'est une méthode non orthodoxe mais justement…jouer aux francs-tireurs est peut-être la solution pour ne pas se faire refourguer à la nième réunion une histoire de voisins qui se font des scènes de ménage (au hasard).
Autant pour du format long, ça me paraît impossible (sauf producteur mécène fou et de toute façon il y a des accords contractuels avec les chaînes, il me semble), autant le programme court peut permettre une prise de risque plus affirmée : mettre en boîte 10 minutes de sketchs, avec une bonne idée paraît encore jouable… Une opération commando. Pas sûr que les décideurs apprécient les têtes brûlées. Mais qui ne risque rien…
(de toute façon, si c'est pour se faire jeter sur le papier 150 sketchs de "Mes meilleurs amis en crise sur le palier du voisin", l'énergie est peut-être mieux distribuée)
Toute la question est de savoir si le "système" est réceptif aux aventures hors cadre… Si je me rappelle "Kamelott", je me dis que c'est possible. Si je regarde le reste, beaucoup moins.
Qui peut nous faire partager des témoignages d'expériences "hors bocal"?….-)
thierry
(sans oublier le fait que "scène de ménage" est un concept acheté a l'étranger, pas créé.)
En effet, comme vous avez pu le constater, on est passé de la camera-café au médieval fantastique, puis on revient tranquillement aux couples et enfin aux voisins.
Le cadre se veux de moins en moins hors norme pour rassembler et rassurer le plus grand nombre possible.
Comme disait Leodagan (ou les décideurs); "maintenant la rigolade, c'est terminé!"
High concept
@tous : le format court n'est un eldorado que pour les producteurs… Bien évidemment qu'à choisir, tous les auteurs ici présent préfèrent avoir 52' ou plus pour s'exprimer. A qui profite le crime ? Vos témoignages désignent un suspect évident. Je ne fais pas partie de la Guilde des Scénaristes mais peut-être serait-ce un sujet à lui soumettre ? Qu'en pensez-vous ?
Bien évidemment que ces pratiques sont honteuses et inadmissibles (tout le monde le sait bien : agents, diffuseurs, auteurs confirmés, etc.), pourquoi personne ne réagit, ça c'est une autre histoire !
@Thierry : une des seules façons de faire du format court à l'heure actuelle sans se faire avoir est bien de tout faire soi-même (sans producteur) en misant sur Internet pour démarcher… cf. Le visiteur du futur et autres succès du web qui ont enfin trouver une chaîne pour les financer.
@Anon : contrairement à vous, je pense que la technique est indispensable en scénario, c'est ce qui fait des auteurs des experts dans leur domaine et leur garantit un minimum de respect dans un artisannat qui les considère comme la dernière roue du carrosse. Après, cela ne veut pas dire qu'elle peut à elle-seule changer les rapports de force existants ou vous faire éviter les comportements malhonnêtes… A part un syndicat puissant et des sanctions juridiques réelles, rien ne le peut malheureusement.
Anonyme
@P.A. Favre, Thierry et 007.
C'est touchant de vous voir chercher la formule magique qui va vous permettre de convaincre un producteur.
Vous misez sur la qualité de votre travail et sur le packaging: fourniture d'un réalisateur, de comédiens,etc. afin d'emporter son adhésion.
Vous lui dites: " Tenez voiçi mon projet. Est-ce qu'il vous plait?". C'est vous qui faites une démarche vers lui, à vos risques et périls, avec la conviction que vous vous adressez à une personne de bonne foi.
Dans mon expérience le producteur vient vous solliciter avec l'intention préméditée de vous manipuler pour vous faire travailler gratuitement. Circonstance agravante: il utilise son succés pour mieux vous embobiner. Il s'agit d'une escroquerie pure et simple.
Effectivement il faudrait que ces pratiques soient connues pour le plus grand bien des scénaristes et des… producteurs honnêtes.
Pierre-Antoine Favre
Mon réflexe personnel est plutôt de me concentrer sur l'écriture et rien que l'écriture (ce qui est déjà bien assez…). Trouver les acteurs, le réalisateur, les financements, c'est justement par essence le boulot… du producteur.
J'ai plutôt tendance à considérer comme une absurdité de la part des producteurs de demander à des scénaristes un début d'association avec d'autres corps de métier pour juger de la viabilité d'un projet.
Non seulement parce que c'est son métier à lui et que s'il ne considère pas être le mieux à même de rassembler les talents il faut peut-être lui conseiller de se trouver une autre vocation… mais aussi parce que la qualité dramaturgique d'un texte doit s'apprécier pour elle-même et que détourner le scénariste de sa responsabilité fondamentale par rapport à la valeur du matériau qu'il propose (ou refuser de lui donner les moyens d'être à la hauteur de cette responsabilité) est à mon sens une erreur grossière, très lourde de conséquences.
Après, ça c'est pour la théorie… je ne fais ensuite que m'interroger sur la réalité des pratiques et découvrir ce à quel point elles peuvent laisser pantois dans certains cas.
High concept
@Anon : La pratique que vous décrivez est simplement dégueulasse, il n'y a pas d'autre mot. Il faut absolument lutter contre, et c'est en effet le job de la Guilde des scénaristes. Je vous conseille de les contacter au plus vite (tél. 01 44 89 99 80).
A notre niveau à tous, nous pouvons aussi faire quelque chose en refusant ces usages. Voici des limites que je vous conseille comme moi de respecter :
1) Ne JAMAIS écrire gratuitement. Pas d'argent au départ, pas d'argent à l'arrivée ;
2) On peut accepter d'être mal payé pour diverses raisons, mais JAMAIS de ne pas être payé du tout. Une somme symbolique est déjà un respect de votre travail;
3) Éventuellement, donner à lire UNE scène dialoguée MAX (rédigée à partir d'un cadre précis que vous aurez demandé à la prod) pour convaincre.
Bises à tous,
Cédric
Anonyme
Cédric,
Je vous remercie pour les conseils que vous donnez.
Etant en formation d'écriture , mon professeur, à qui j'avais exposé la proposition m'avait mis en garde( Dans ce cours d'environ 20 éléves nous avons été 2 à être sollicités par cette prod, avec le même résultat).
Je ne me sens pas assez solide pour contacter la guide bien que je connaisse un peu Elie G.
Je pense que votre blog a suffisamment de notoriété pour avoir la conviction que l'information se répandra.
Je vous renouvelle mes remerciements pour avoir publié mon témoignage car j'ai pu constater que le milieu des scénaristes est particuliérement silencieux sur ce genre de pratiques.
J'ai reçu le conseil, d'un professionnel, que dans ce métier il faut toujours dire merci et la fermer ,même quand on vous fait la pire vacherie car , qui sait, peut-être que dans le futur vous serez amené à retravailler avec votre tortionnaire!
Je n'ai jamais vu ce conseil écrit mais il est gravé dans toutes les têtes des scénaristes car , bien que le systéme tourne depuis des années et a pressé de nombreux scénaristes dont des confirmés je n'en ai jamais lu la description alors que je fréquente quotidiennement de nombreux blogs de scénaristes depuis des années!
Personnellement , si ce fut une expérience désagréable, ça m'a permis de voir une autre facette du miroir aux alouettes. Je n'en avais vu que le côté envoûtant lors d'un tournage qui m'avait donné un désir fou de regoûter à cette ambiance.
Comme un imbécile ,j'ai choisi le chemin le plus difficile pour y retourner!
Le cinéma est une drogue dont il est facile de se désintoxiquer: il suffit d'écrire des scénarios.
NB: Mon témoignage est anonyme mais s'il était utile qu'il ne le soit plus il suffit de me le demander.
High concept
Cher Anon, Vous pouvez rester anonyme car le rôle d'un syndicat est précisément de défendre les auteurs les moins puissants, notamment en leur évitant d'avoir à se mouiller personnellement. (Je ne vois pas comment la Guilde pourrait refuser d'aller mettre son nez dans le mode de recrutement/rémunération des auteurs de cette prod après avoir entendu votre témoignage, mais c'est à vous de voir.)
De là à dire merci et la fermer, à titre personnel, parce qu'il n'y a pas beaucoup de groupes audiovisuels qui recrutent… chez HIGH CONCEPT nous ne sommes évidemment pas d'accord avec ce conseil, vous vous en doutez.
Est-il seulement possible de créer une fiction viable sans respect mutuel (sans parler du respect pour soi-même) ? Certes, en refusant certaines pratiques, je n'ai pas « la carte » de certaines productions… mais elles non plus n'ont pas ma carte : cela me permet de faire le tri dans mes collaborateurs. (Il existe heureusement des producteurs qui sont des gens droits et passionnés, je vous rassure. On passe une carrière à se construire une telle famille de travail.)
Bon courage pour la suite. Il faut, hélas, toujours un peu de temps pour se remettre d'une telle agression envers sa créativité.
A bientôt sur le blog !
Cédric
Anonyme
Cedric,
Vous m'avez convaincu: je vais contacter la Guilde. Amicalement.
Anonyme
Cedric,
Sur votre conseil j'ai adressé un témoignage de trois pages à la Guilde. En réponse ils m'ont donné un lien vers leur service juridique auquel je suis invité à exposer mon expérience, à condition de leur transmettre préalablement 15€. Ainsi je disposerai de 30 minutes pour parler avec un conseiller juridique.
Ne voulant transmettre qu'un avertissement je n'ai pas besoin de conseils juridiques.
A ce propos je conseille la plus grande prudence à ceux qui envisagent de participer au Pich Dating du Montreux Comedy Festival. (Renseignements complémentaires sur demande).
Amicalement
High concept
@Anon : La permanence de la Guilde n'a visiblement pas compris votre démarche. J'ai quitté le Conseil l'année dernière, mais je peux toujours envoyer un mail sur la mailing list des scénaristes pour attirer l'attention sur votre retour d'expérience (qui mérite, à mon humble avis, que le syndicat d'auteurs se penche sur la question). Bien à vous, Cédric
High concept
Done ! ;o)
High concept
@Anon : C'est bon, vous pouvez renvoyer dès maintenant votre témoignage à la Guilde, sans passer par leur service juridique. (Adresse: contact@guildedesscenaristes.org ; objet: à l'att. de Guilhem Cottet, de la part de Cédric Salmon).
Cordialement,
Cédric
Anonyme
Cedric: Je vous remercie pour votre intervention. Je vais retransmettre mon document.
Amicalement.
Anonyme
Cedric,
La Guilde , par l'intermédiaire de votre contact, vient de m'informer que d'autres adhérents ont déjà signalé le problème. Ils étudient comment réagir.
Encore merci pour votre aide et votre dévouement.
Anonyme 007
@ Anonyme et @tous:
Je reviens sur ce fil de discussion 1 mois après…et je vois que l'enquête avance…;-) Presque un début de série!
L'anecdote du service juridique à 15 € la consultation alors qu'il s'agit plutôt d'un témoignage sur des pratiques douteuses et visiblement récurrentes, m'a fait sourire…jaune. Je m'interroge donc sur ce qui sortira de ce "problème" visiblement connu de beaucoup. Sans insulter l'avenir, la réaction "juridique" m'interroge quand même sur la réactivité/volonté voulue d'avancer sur ce cas d'école douloureux pour les auteurs concernés, scandaleux pour l'ensemble de la profession.
Le conseil de prudence d'Anonyme au sujet du pitch dating de Montreux semble aller aussi dans le sens de ce fil de discussion. Un scénariste averti en vaut deux, semble-t-il.
High concept
@Anon: Je vous en prie, ce n'était vraiment pas grand chose. Je n'ai fait que transmettre l'information au syndicat qui lui a vocation à défendre les auteurs. Nous verrons bien la suite. :o)
Anonyme
@Anonyme 007.
Les enquêtes avancent, souvent en piétinant, alors que les coupables courent…
J'ai transmis mon témoignage, en plus de la Guilde, au Montreux Festival , à Scénario Buzz et à la SACD qui sont tous des défenseurs des auteurs ( Mais desquels? Des auteurs de hold up ou de scénarios?)
Bonne nouvelle j'ai rencontré un jeune auteur qui avait entendu parler de ces pratiques donc l'information circule.
Malheureusement même le scénariste averti reste une proie facile. Est-ce l'hypertrophie de son cerveau droit qui lui fait perdre toute prudence pour en faire le dindon de la farce?
Lors de la formation un des participants venait pour la seconde année à "l'essorage" de ses idées. Moi-même je dois reconnaître que je suis obligé de me faire violence pour ne pas participer au Pitch Dating de Montreux!
Il me semble que les défenseurs des scénaristes devraient , au minimum, éviter de faire de la publicité pour des appels à projets dont ils savent les organisateurs douteux.
Je ne sais pas s'il serait possible de labelliser les producteurs qui s'engageraient à respecter une chartre de bonnes pratiques mais le rapport de forces entre le producteur et le scénariste me semble trop inégal.
En espérant une suite. Amicalement.
Anonyme
@high concept
Par l'intermédiaire d'un scénariste du pool d'auteurs de la série (qui se dit tout à fait satisfait de sa collaboration), je viens d'apprendre que nos divers témoignages ont fait du bruit et que le principal intéressé a été mis au courant.
Y aura du changement? A suivre…
Amicalement.