Qu’est-ce qui se vend en ce moment ? C’est la question que nous, scénaristes ou producteurs, pouvons nous poser parfois et qui ne sert pas vraiment à grand-chose puisque par essence les tendances passent aussi vite que les saisons. En fonction des précédents cartons d’audience, d’un film qui explose le Box Office, les diffuseurs sont tentés […].
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Qu’est-ce qui se vend en ce moment ? C’est la question que nous, scénaristes ou producteurs, pouvons nous poser parfois et qui ne sert pas vraiment à grand-chose puisque par essence les tendances passent aussi vite que les saisons. En fonction des précédents cartons d’audience, d’un film qui explose le Box Office, les diffuseurs sont tentés de reproduire les succès établis, mais deux à trois ans plus tard (vu les délais de production), le temps de créer un high concept par exemple…
Pour vous exercer à trouver des high concepts, n’hésitez pas à vous reporter au chapitre dédié et à commencer par le cours sur le high concept, voie royale pour vendre un scénario.
Comparons avec le marché hollywoodien pour voir ce qui attire nos voisins en ce moment.
- Les BLOCKBUSTERS :
- C’est une tendance de fond du marché US qui produit des films ou des séries à gros budget et donc à gros potentiel de recettes. Ce sont en général des projets qui coûtent très cher (la mise de départ est au moins de 150 millions de dollars par film, voire plus) sans compter le budget promo qui peut être dans certains cas équivalent à tripler le coût du film. Bien évidemment, avec un tel investissement, le risque doit être minimal d’où les multiples adaptations, reboots, prequels et sequels de licences utilisées jusqu’à la corde. Bandes dessinées, jeux vidéos, romans à succès, tous les filons sont bons pour exploiter une marque avec un savoir-faire reconnu. La cible principale de ce type de films est bien sûr les jeunes adultes.
- Films d’action en général, l’excitation retombe aussi vite que le film est vu, dans une consommation de l’instant qui ne laisse que peu de traces dans notre mémoire. Une fois la série de films produite, deux à trois ans plus tard, la franchise est à nouveau exploitée avec une autre série de films et ainsi de suite.
- Si l’on devait faire une comparaison avec notre marché TV, vous aurez reconnu dans ce type de projets, nos fameuses coproductions internationales. Initiées par toutes les chaînes du PAF, même France TV qui ne le crie pas sur tous les toits, ce genre de projet à gros budget représente une des tentations actuelles les plus fortes. Bien évidemment, les règles sont les mêmes que pour un blockbuster à savoir : qui dit gros budget (au moins 25 millions d’euros de mise pour le diffuseur), dit stars (acteurs mais aussi réalisateurs et auteurs), dit grosse société de production (Europacorp TV, Atlantique, etc.), dit projets à vocation internationale et langue anglaise.
- Bien évidemment, ce genre de projets n’est pas à la portée des débutants, ni même des scénaristes dont la carrière n’a pas à rougir mais qui n’ont pas connu de gros succès public. Les « copros » comme on dit maintenant, sont le plus souvent confiées à un savoir-faire étranger (showrunning obligé). Certaines chaînes en ont fait une spécialité comme Canal+, qui exploite un catalogue d’une petite dizaine de séries diffusées ou en cours de production. Tout comme Hollywood produit ses blockbusters, nos chaînes hexagonales se lancent dans la coproduction internationale pour générer des marques fortes et surfer sur un engouement mondial pour l’entertainment et l’action. Ces projets à cible large ne sont donc pas ceux qui possèdent par essence la plus forte valeur ajoutée artistique mais dans notre univers français, ils représentent néanmoins l’un des efforts les plus aboutis pour générer de l’adhésion et de l’addiction. Ils devraient donc se démarquer nettement de nos productions typiques plus bas du front. Bien sûr pour être recruté à l’écriture de ce genre de projets, mieux vaut avoir un CV international ou bien fourni avec des succès au cinéma par exemple.
- Les FILMS D’ANIMATION familiaux :
- Autre tendance de fond chez nos voisins outre-Atlantique, ces films produits essentiellement par Disney (Pixar) et Dreamworks génèrent de très bons revenus tout en véhiculant des valeurs positives sur la famille. Certains d’ailleurs sont d’un très bon niveau.
- Bien évidemment, sur notre marché français, l’animation n’est pas un créneau pour des cibles adultes. Néanmoins, ce qui ressemble le plus à ce type de projets sont les séries courtes (en pleine explosion) à coloration cartoon.
- Vous aurez reconnu les formats de type Scènes de ménage et autres Chers voisins qui surfent sur une cible familiale et des thèmes légers. Bien évidemment, nous n’y reviendrons pas, ils représentent l’inverse du système de production des blockbusters. Ce sont des fictions low cost, produites par quelques sociétés de production qui s’en sont faits des spécialités. Elles requièrent des modes d’écriture spécifiques à faible niveau de rémunération (la brièveté du texte et le nombre d’auteurs sollicités, obligeant). Par ailleurs, la sélection des auteurs et de leurs gags peut être parfois brutale (cf. séance de pitch, atelier de formation non rémunérés, etc.).
- Tendance qui n’est pas prête de s’éteindre étant donné l’engouement du public et leur floraison sur la TNT et sur le web ainsi que le décollage de la scripted-reality, les fictions courtes ont encore de beaux jours devant elles. Capables de lancer certains créateurs de fiction (cf. Le visiteur du futur), elles résultent souvent pourtant de commandes explicites des chaînes. Avis aux créateurs : mieux vaut présenter votre projet original avec des images tournées pour convaincre sur ce genre de format.
- Autre tendance de fond chez nos voisins outre-Atlantique, ces films produits essentiellement par Disney (Pixar) et Dreamworks génèrent de très bons revenus tout en véhiculant des valeurs positives sur la famille. Certains d’ailleurs sont d’un très bon niveau.
- Les FILMS DE GENRE (cf. notre cours pour connaître les genres du scénariste) :
- Ce sont des thrillers, des comédies romantiques, des films de filles (de type Bridesmaids, etc.) ou de garçons (The hangover), des films d’horreurs (de type Sinister, etc.), des films de science-fiction (de type Looper) etc. Bref, le gros de la production audiovisuelle américaine sur des budgets en général compris entre 30 et 100 millions de dollar par film, exploités sur un marché mondial et que nous voyons sur nos écrans de cinéma français à raison d’au moins un ou deux films par semaine. Ont-ils un équivalent en France ?
- Au cinéma très peu, d’ailleurs, dès qu’un film sort sur ce type de positionnement, le marketing insiste souvent sur un made in à l’américaine (les comédies romantiques et les polars sont les genres les plus exploités en France).
- En TV, là aussi le bât blesse même si cette année, nous avons eu un revival avec le lancement de plusieurs comédies policières ainsi que des séries d’action proposées par l’équipe Besson.
- Non, en France, nous aimons les dramas, qu’ils soient orientés comédies low concept à cible familiale (cf. syndrome de la fiction française), ou dramas sociétaux (le gros des unitaires France TV par exemple). Cela ne veut pas dire qu’il ne faut proposer que ça actuellement, mais vous aurez compris que si vous essayez de faire autre chose, une stratégie commerciale pour enrober votre bébé s’impose (si vous n’êtes pas une star bien sûr).
- Ce sont des thrillers, des comédies romantiques, des films de filles (de type Bridesmaids, etc.) ou de garçons (The hangover), des films d’horreurs (de type Sinister, etc.), des films de science-fiction (de type Looper) etc. Bref, le gros de la production audiovisuelle américaine sur des budgets en général compris entre 30 et 100 millions de dollar par film, exploités sur un marché mondial et que nous voyons sur nos écrans de cinéma français à raison d’au moins un ou deux films par semaine. Ont-ils un équivalent en France ?
Tendances ou pas, il est donc idiot de se fonder sur la demande du marché pour écrire un projet (sauf si vous faites de la commande bien sûr), car même si vous collez parfaitement aux critères actuels, vous ne serez jamais sûr de vendre.
C’est d’ailleurs le drame de nos producteurs, si frileux à prendre des options ou encore à investir sur un projet en spéculation, qui malgré toutes leurs tentatives pour sécuriser leurs propositions (cf. leurs demandes de réécriture), n’arrivent à placer en général qu’un projet sur 5 pour les meilleurs d’entre eux.
Par ailleurs, comme la création originale n’est pas fondamentale dans notre marché (cf. la rareté de notre fiction d’auteur qui s’explique par la situation économique de la fiction française) ; quitte à créer, autant se faire plaisir. Enfin, dites-vous (ce n’est que mon avis) que si votre projet est bon, il trouvera toujours une place, en TV ou en Ciné et quel que soit le format (cela prendra juste plus de temps). Qu’en pensez-vous ?
Anonyme
Julie,
Comment ne pas être d'accord avec vos conclusions?
A la lecture de votre billet j'ai été choqué par le terme:" scénariste poubelle (jeune entrant)".
Je pense que si l'on peut parler de chaine, de série poubelle jamais de scénariste poubelle sauf s'il en vient à être réduit à se nourir d'ordures.
Je pense que vous voulez dire que la production n'hésite pas à mettre les scénaristes à la poubelle. Pour la production les scénaristes sont jetables: ce sont des scénaristes citron ( on les presse et on les jette).
Je vous trouve trés gonflée dans votre description des pratiques!
En attendant qu'on me lance quelques épluchures et autres yaourts vides je vous prie de bien vouloir continuer à nous enseigner.
Amicalement.
High concept
Cher anon, vous avez raison. Je suis allée vite en besogne avec des raccourcis de pensée. J'ai donc modifié en conséquences en nuançant mon propos. Merci pour votre vigilance. A bientôt. Julie
Anonyme
Julie,
C’est moi qui vous remercie d’avoir contribué à rendre publique la pratique de certaines productions qui consiste à solliciter les auteurs afin qu’ils leur fournissent gratuitement un certain nombre de textes, à titre de tests, en leur faisant miroiter de vagues promesses.
Si, du point de vue du syndicat des scénaristes, cette pratique est contestable selon le principe qu’il ne doit pas être fourni de texte sans rémunération on peut aussi comprendre que les producteurs ne peuvent pas « payer pour voir ».
Dans la pratique du gag il semble que le scénariste est bien obligé de faire confiance à la production.
Le producteur peut toujours dire que le gag est mauvais puis le recycler, le détourner ou s’en inspirer sans que le scénariste puisse se défendre. Alors quand, en plus, le producteur utilise des mensonges avérés pour solliciter l’auteur on peut fortement douter de son intégrité.
Ensuite si on apprend que ce même producteur est correct vis à vis d’autres auteurs on ne sait plus quoi penser.
Avec le recul j’aurais tendance à penser que ces productions manquent surtout de professionnalisme. Il suffit de regarder le résultat : le meilleur y côtoie le pire.
Le scénariste débutant qui est sollicité par ces maisons est surtout trompé par le fait qu’il pense avoir à faire à des gens compétents. On lui donne des informations contradictoires ou erronées. Il en conclue qu’on essaye de le tromper. En fait c’est d’abord un manque de sérieux mais il va lui en falloir du temps pour s’en rendre compte!
Voilà pourquoi je pense qu’il vaut mieux éviter des accusations de malveillance qui n’est pas prouvée. Il reste à espérer que les insuffisances se dissiperont et que le syndicat de scénaristes saura proposer un protocole pour solliciter les auteurs dans ce type de programme.
High concept
Cher anon : votre analyse très fine est juste. Cependant, même si le manque de professionnalisme ou de sérieux, ou tout autre terme qui pourrait dédouanner certains producteurs, des écueils liés à la création d'un mode d'écriture nouveau et spécifique (avec des boulons à resserrer pour éviter les problèmes dont vous parlez), il n'en reste pas moins que le risque est toujours pris par les mêmes. Je ne dis pas que l'herbe est plus verte ailleurs (cf. le statut des scénaristes US) ou que toutes les prod. de formats courts sont malhonnêtes, loin de là. Je me permettais juste de faire un point sur un système qui avantage certains par rapport à d'autres (cf. le bilan actuel de la fiction française).
Par ailleurs, il y a toujours eu deux poids, deux mesures. Certains producteurs se comportent mal avec certains et très bien avec d'autres sur le même type de projets. Vous avez donc des scénaristes talentueux qui oeuvrent sur des formats courts et qui sont bien payés et bien traités !
Je me permettais juste d'orienter les efforts des créateurs de fiction : quitte à prendre des risques, autant que les gains soient grands en cas de succès. A mon humble avis, le format court n'est pas, pour l'instant, l'eldorado et le passage le plus facile pour faire reconnaître son talent (sauf exception). J'espère bien que vous me ferez changer d'avis. A bientôt, Julie.