eaucoup d’auteurs ne se soucient pas de la réception de leur œuvre. Ils écrivent avant tout pour eux, pour faire une bonne histoire sans se soucier qui leur projet pourra intéresser. Or, c’est précisément la première question que va se poser le producteur, le diffuseur, le distributeur ou l’éditeur qui achètera leur projet.
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Beaucoup d’auteurs ne se soucient pas de la réception de leur œuvre. Ils écrivent avant tout pour eux, pour faire une bonne histoire sans se soucier qui leur projet pourra intéresser. Or, c’est précisément la première question que va se poser le producteur, le diffuseur, le distributeur ou l’éditeur qui achètera leur projet…
Ainsi, même s’il n’est pas faux de penser qu’après tout, ce sera le problème du producteur ou de l’éditeur en question ; les acteurs de la distribution et de la diffusion TV ayant d’ailleurs souvent des départements entiers consacrés à cette problématique, certaines campagnes promotionnelles sont parfois creuses. Les unes ne vendent pas le projet mais les ambitions des auteurs dans une déclaration d’intention vertueuse qui n’a rien à voir avec le contenu (cf. mon analyse précédente sur le match Dr. house – Caïn et l’illustration des problèmes de narration des séries françaises), d’autres trompent carrément sur la promesse. On croit aller voir une comédie et on se retrouve devant un drama limite déprimant…
La réalité, pour avoir travaillé longtemps sur ces problématiques quand j’étais consultante, c’est que l’on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même et que l’on peut construire le succès marketing d’un film dès le scénario parce que ce qui sera vendu au final au public est ce qui doit déjà exister à la base… Enfin, plus vous inclurez tôt la problématique marketing, plus vous aurez de facilité à vendre, et plus vous prendrez conscience des véritables points forts de votre projet.
L’écriture d’une oeuvre (d’art) ne devrait donc pas être décorrélée de son public potentiel, tout simplement car l’art sous toutes ses formes a toujours été associé à des problématiques de réception. Pas d’oeuvre sans public, pas de public sans promotion. La publicité et les affiches ne sont ainsi faites que pour attirer le public le plus nombreux possible dans les salles de cinéma ou devant un écran tv. Pour maximiser vos chances de séduire, voici quelques points à considérer au moins avant d’envoyer votre scénario :
- Trouvez le bon titre
C’est le premier contact avec l’oeuvre. C’est donc un moment important car un bon titre peut déjà constituer une promesse séduisante. Qui aurait envie d’aller voir « Morte nature », « Évidence trompeuse », ou encore « Rixe mortelle » ? Partie parfois fastidieuse, le titre est un élément à soigner. Cédric et moi sommes d’ailleurs particulièrement mauvais à ce petit jeu mais il ne faut pas désespérer.Votre titre devrait ainsi dans l’idéal pouvoir évoquer un sentiment, communiquer un élément fondamental de votre projet, ou créer une envie. Il faut qu’il soit percutant, efficace, en un mot, indélébile. Il peut être court, épique, cool … et lié au genre. Beaucoup de films d’horreur insistent par exemple sur les armes utilisées comme Massacre à la tronçonneuse ou la franchise Saw, etc. D’autres reprendront le nom emblématique du personnage Ray, Julie Lescaut. Bref votre titre doit forcément vendre quelque chose, il peut être poétique, épique, synthétique, drôle.
- Dépassez les attentes : vendez un high concept
Bien évidemment, c’est l’objet de ce blog. Plus vous aurez un pitch attractif, visuel, original, plus vous séduirez. Pour retrouver toutes nos techniques pour écrire des high concept, commencez votre formation par la vidéo pédagogique comprendre le high concept.
Vous pouvez aussi vous appuyer sur le genre de votre projet. Le public aime en général les films de genre, comme les polars, les films d’horreur, thrillers, comédies romantiques et c’est d’ailleurs toujour un ces codes qui est vendu dans la bande-annonce (attention à la différence entre le genre marketing et celui du scénariste !
pour comprendre, reportez-vous à la masterclass vidéo suivante genres cinéma et dramaturgie).Une façon de distinguer cet univers connu (tout le monde a déjà vu beaucoup de comédies romantiques, etc.) est d’avoir un concept. Un low concept dans ce cadre sera très difficile à vendre (pourquoi iraient-ils voir un film s’il est bon ? Vous aurez du mal à expliquer rapidement en quoi il est différent de ce qui a déjà été fait sur le même sujet. En revanche, un projet moyen avec un twist intéressant aura toujours plus d’attraction. (pour comprendre cette notion, n’hésitez pas à vous reporter à la masterclass sur le high concept)
- Faites une promesse forte Le plan de vente d’un bon projet réside dans sa promesse. Parfois vous n’aurez pas le temps de convaincre. Vous ne pourrez pas tout détailler à votre interlocuteur. Il faudra juste en dire assez pour lui donner envie de lire ou d’acheter. C’est la même logique en cinéma où l’on donne envie avec des teasers. Aussi, à l’écrit, les producteurs ou diffuseurs ne lisent souvent que les premières pages. Il faut donc insister sur la promesse. Certains projets ont une promesse inhérente à leur titre, cf. Jurassik park, La guerre des étoiles, NY police criminelle, etc.), certains autres ont besoin de plus de temps pour cristalliser l’histoire.
vous devez ainsi réfléchir à quelle trajectoire s’affilie votre personnage. Ai-je une possibilité de divertir ? L’aventure de mon héros est-elle originale ? Plus votre promesse sera explicitée et tenue, plus vous vous démarquerez et séduirez.
- Dopez votre potentiel en créant un document commercial Pour aider à vendre votre projet, l’écriture doit se concentrer sur quelques moments forts, des instants magiques par nature qui retiennent l’attention parce qu’ils ne nécessitent pas de contexte préalable. Ils sont visuels comme une bande annonce. Pour fonctionner, ils n’ont pas besoin d’être complètement originaux ou de représenter quelque chose que l’on n’a jamais vu. Cela peut être un focus sur un détail, une réplique culte, une scène drôle… Ces moments sont difficiles à gérer car on a trop souvent envie d’en faire trop et l’on rate son objectif. A posteriori, il est toujours plus facile de se détacher et de mettre en valeur un argumentaire pertinent de vente. Côté présentation, il faut bien sûr trouver des codes homogènes, et constituer de véritables tourneurs de pages.
Les séries présentées sous la forme de bible (nous vous en donnons un exemple dans notre pack exemple de documents synthétiques, efficaces, précises. Vous ne convaincrez pas avec des pavés. Quant aux continuités dialoguées, il faudra respecter les normes de la profession (cf. l’ouvrage de P. Perret, savoir rédiger et présenter son scénario). Ainsi, il n’est pas inintéressant d’y accoler le pitch pour faciliter l’entrée dans le document. Nous expliquons dans notre masterclass dédiée comment rédiger un bon one liner et comment rédiger un concept en une phrase). Soignez ainsi particulièrement vos premières pages. Une comédie qui ne susciterait aucun rire dans les dix premières pages partira directement à la poubelle (normalement !)…. Votre objectif est ainsi de ne pas décevoir les attentes. Il n’y a rien de pire que de pitcher un projet de comédie par exemple sans obtenir au moins un sourire.
Attention non plus à ne pas mutiler votre travail à cause du Marketing. Ces outils doivent vous servir à mettre en valeur les forces de votre projet, pas à les créer à partir de rien. C’est aussi pour cela que les bons films n’ont pas besoin non plus de beaucoup de Marketing. Tout était déjà là au scénario. Paradoxe intéressant, non ?
Anonyme
Julie,
"Les bons films n'ont pas besoin de beaucoup de marketing qui ( si j'ai bien compris) serait capable de créer les forces d'un projet à partir de rien".
Je n'y vois aucun paradoxe mais un début de réponse à la question: Comment le marketing a raté son marketing?
Car s'il est un mot qui me rebute c'est bien marketing.
Vous me direz que les cordonniers sont les moins bien chaussés.
Du coup vos excellents conseils sont dévalorisés, du moins selon ma sensibilité, par cette appellation marketing. Alors qu'il ne s'agit que de présenter, de mettre en valeur son travail de la façon la plus efficace possible.
Paul
High concept
Cher Paul, je pense que la fabrication d'une oeuvre d'art n'entre pas forcément en contradiction avec les moyens de sa commercialisation. De tout temps les artistes ont vendu leur oeuvre pour vivre. Pour moi, s'intéresser à ces problématiques ne diminue pas la force d'un univers d'auteur. Je suis personnellement contre l'idée de l'auteur installé dans sa tour d'ivoire, désintéressé du concret et du monde extérieur, enfermé dans sa création en communication unique avec ses muses… Bref, certains outils (le Marketing n'est ni plus ni moins que du bon sens organisé et théorisé par des retours d'expérience sur la relation client, la vente, etc.) peuvent aider les artistes à maîtriser d'avantage la communication de leur oeuvre. Pour ma part, si je pouvais gérer entièrement cette partie, je le ferais. Malheureusement, le bout du processus de vente échappe souvent au créateur, d'où l'intérêt de faciliter le travail des équipes marketing en leur prémachant la sauce… pour éviter les écueils dont je parlais ci-dessus. Ce n'est que mon avis bien sûr.
Anonyme 007
"Alors qu'il ne s'agit que de présenter, de mettre en valeur son travail de la façon la plus efficace possible."
Mais Paul, votre phrase de conclusion est une définition large mais assez synthétique du marketing, justement. Elle s'adapte tout à fait à la vente (ou la promotion, si vous préférez) d'une série ou d'un film, par exemple. L'objectif est simple, même si les moyens à mettre en oeuvre sont assez complexes (et non garantis de résultat obligatoire): attirer le public à qui est destiné le projet.
Si vous êtes amateur de séries, revoyez les campagnes de lancement de Dexter (y compris en France où elles étaient assez réussies) et vous constaterez que ça n'enlève strictement rien à la valeur artistique du projet. Au contraire, elles le valorisent (c'est quand même le but du jeu!..;-)
Idem pour le lancement publicitaire de la série "Maison Close", assez réussie avec son portraits de groupe de prostituées fin 19eme siècle (un peu comme un tableau d'époque) avec une tagline efficace: « Maison Close. Les hommes rêvent d’y entrer. Elles se battent pour en sortir. » Tout l'enjeu de la série tient dans ces deux phrases. Rien qui ne dévalorise le projet. Idem pour le lancement de "Ainsi soit-il" et des affiches très créatives (peut-être même plus que la série et on rejoint là le piège possible de trop "promettre" en amont du projet…Attention, dans ce cas, à la déception possible).
Et je ne parle là que de la partie immergée de l'iceberg sous forme d'affiches, de presse, le b-ba ba du marketing. Une opération de promotion bien pensée s'étend à bien d'autres domaines (dont des opérations transmedias avec le public visé; cf "Les Revenants" et plus récemment "Real Humans").
Voyez que si l'on dépasse certains à priori (la "vente" de projets culturels c'est mal, pour résumer de manière un peu caricaturale votre répulsion du terme marketing), on peut tout à fait trouver des exemples d'adéquation intelligente, efficace et (allez, j'ose!) créative pour vendre un projet. N'oublions jamais la fin de ces moyens somme toute assez courants: trouver un public large (si possible) et enthousiaste pour un projet créatif. Ca s'appelle le succès. Rien de diabolique là-dedans.
Bien entendu et pour résumer, une bonne pub ne rendra jamais un mauvais projet bon.
Je finirais sur une réflexion élargie au domaine de l'art en général mais qui peut s'adapter à de nombreux cas, tous secteurs confondus: "Malgré tout votre talent, si votre promotion est mal faite, on vous oubliera. " Signé Andy Warhol, un maître es communication dès les années 60 de l'autre siècle.
Anonyme
@Julie et 007,
Ayant beaucoup de plaisir à consulter ce blog j’ai essayé de remercier en mettant un commentaire car, à tord ou à raison, je suis plus attiré par les billets commentés. Comme Julie venait de mettre, coup sur coup, deux billets, après une longue période de disette je me suis dit qu’il fallait faire un effort pour promouvoir son travail.
J’ai voulu faire le marketing de ce billet. Résultat : 4 commentaires. Je crois que cela va stimuler la curiosité des lecteurs et illustrer ce qu’est, trop souvent, le marketing.
En comptant sur votre humour et celui de vos lecteurs je vous adresse mes cordiales salutations.
Paul
High concept
@Merci Paul 😉 Tel est pris qui croyais prendre… Merci pour les compliments et pour votre intérêt. De là à trahir votre pensée, il ne faut pas se flageller non plus! Nous ne courons pas forcément après les commentaires ou les "j'aime" même s'ils nous font plaisir. L'envie de débattre et de partager doit être le seul et unique guide. A bientôt alors, Julie.
Anonyme 007
Aïe, aïe, aïe, Paul! Vous confondez tout (ou vous le faites exprès) : marketing, commentaire de bloggueur, débat. Vous ne lisez donc pas les commentaires?
Pourtant (comme vous le soulignez avec malice), ils ne sont pas si nombreux. Je vous conseille donc de relire attentivement les 2 et 3, votre vie en sera changé!
Une phrase de votre 1er commentaire m'intrigue: vous dites que le mot marketing vous rebute. Puis cette phrase: "Vous me direz que les cordonniers sont les moins bien chaussés." Seriez-vous un homme de marketing défroqué? Ou un marketeur honteux? Dites-nous tout, histoire d'alimenter le débat…;-)
Anonyme
@Julie,
Si j'en crois votre réponse vous m'avez pardonné ma plaisanterie .Je vous en remercie.
@007,
Soit vous êtes vraiment trop bon public, soit vous jouez la comédie marketing avec talent. De toute façon j'espère avoir le plaisir de vous croiser sur un autre sujet. Cordialement.
Paul
Anonyme 007
Marketing ou pas, c'est toujours un plaisir de débattre sur ce site talentueux avec des gens qui ne le sont pas moins (volet valorisation du sujet..;-).
High concept
@Paul et Anon007: Merci de défendre vos idées comme vous le faites. C'est l'esprit du blog, ne changez rien les gars ! :o)
Bien à vous,
Cédric