Créée en 1959 par André Malraux, l’Avance sur Recettes reste en France l’un des éléments clés du dispositif d’aide au cinéma...mais pour l’aider à quoi au juste...
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UNE TÂCHE INGRATE, DIFFICILE MAIS NÉCESSAIRE
En premier lieu, il semble que le renouvellement soit le but essentiel de cette commission, aussi bien pour le collège s’occupant des premiers films que pour les autres. Les nombreux professionnels qui se sont consacrés à cet exercice et qui s’y consacrent d’ailleurs toujours, reconnaissent en grande majorité que l’expérience est fortement enrichissante quoique lourde.
En effet, on ne lit pas quelques huit cents scénarios sans en ressentir le poids, souvent l’ennui, mais fort heureusement quelquefois aussi la joie, quand dans la masse, par sa clarté, son dessin, son dialogue, un scénario émerge et s’impose en toute évidence comme un passeport pour un premier long-métrage et beaucoup de lecteurs reconnaissent avoir ressenti ce sentiment à plusieurs reprises durant le temps où ils se sont adonnés à cette tâche. Il est vrai que lire des scénarios à la chaîne s’avère être un exercice ingrat, la forme-même incluant l’imperfection, même si on ne demande heureusement pas aux jeunes auteurs d’être des écrivains. Le jeu, ou plutôt le pari, consiste à déceler derrière enchaînement des séquences, une logique de film possible sinon une véritable architecture cinématographique, une évidence ou une justesse dans le dialogue ou encore une tonalité personnelle.
De l’avis général, le cas le plus courant de scénario proposé aligne les mêmes défauts majeurs : trop compact, avec un dialogue souvent « inaudible », plus proche du roman raté que du matériau devant nécessairement subir sa mutation vers l’image et la mise en scène, rarement conçu à portée de main d’un apprenti cinéaste.
BEAUCOUP DE PRÉTENDANTS ET PEU D’ÉLUS
Les candidats au premier film sont évidemment plus nombreux que les places qui leur sont réservées : En moyenne on recense environ vingt fois plus de demandes que d’aides allouées chaque année aux premiers films. C’est bien sur insuffisant pour un cinéma français qui, plus que d’autres dans le monde, sait qu’il a un urgent et permanent besoin de laisser rentrer un air nouveau.
De plus, sur cette cinquantaine d’aides annuelles, quelques-unes demeurent à l’état de promesses, car même lorsqu’ils ont reçu ce coup de pouce symbolique et réel (l’aide financière est de l’ordre de 500.000 € maximum), les scénarios de premiers films ne trouvent que difficilement accès aux autres sources de financement indispensables au passage à l’acte : télévisions, producteurs, Soficas ou distributeurs…
Le cinéma français, et en cela il est exemplaire aux yeux des cinématographies voisines, détient avec l’Avance sur Recettes un moyen essentiel, levier à la fois artistique et financier, pour assurer son renouvellement. Encore faut-il que tous jouent le jeu : institutions financières, chaînes de télévision (surtout les chaînes publiques !), distributeurs…et c’est loin d’être le cas.
LA PASSION PLUS FORTE QUE LA RAISON
Quelque chose a pourtant bougé à la fin des années 80, où le premier film a semblé, pour un temps, béni par quelques producteurs aventuriers ou avides de succès commerciaux tels Alain Rocca ou Charles Gassot. En effet, avec le succès de La Vie est long fleuve tranquille (Étienne Chatilliez-1988), Un monde sans pitié (Éric Rochant-1989), ou de La Discrète (Christian Vincent-1990), le marché du premier film est soudainement apparu plus ouvert et ce phénomène est parvenu à se maintenir, tant bien que mal, jusqu’à aujourd’hui.
Dans ce contexte, les premiers, seconds et troisièmes films de jeunes auteurs jouent un rôle décisif dans le renouvellement du cinéma français, car le paradoxe veut qu’en France la fameuse « crise du cinéma » ne rebute pas un nombre sans cesse grandissant de jeunes gens et jeunes filles à vouloir exercer les métiers du cinéma, en premier lieu la mise en scène. Cette évolution accompagne également celle du public de cinéma : jeune, très informé, avide de nouveautés et curieux des extrêmes.
DES AJUSTEMENTS NÉCESSAIRES
L’aide aux premiers films sera donc à l’avenir plus essentielle encore au sein des mécanismes des soutien sélectif. La division de l’Avance sur Recette en deux collèges (l’un pour les premiers films, le second pour les autres), si elle a bénéficié à un grand nombre de premiers films, porte néanmoins préjudice aux seconds films. Mêlés aux scénarios de cinéastes confirmés, les auteurs de seconds films n’ont eu ces derniers temps que fort peu de chance de « passer ». Effet pervers ?
Peut-être que cette division ne correspond plus à rien, au moment où il devient vital de mettre en place une politique sélective qui encourage les premiers, seconds, voire troisièmes films. Pourquoi pas un collège qui leur soit réservé, doté de moyens financiers conséquents ? Cela mérite réflexion, comme mérite réflexion le fait que des films à gros budget, qui trouvent sans grosse difficulté accès au financement audiovisuel, soient présentés devant une commission dont le point de vue qualitatif est premier et dont le rôle consiste d’abord à compenser le risque financier pris par des films à ambition artistique.
Bref, si l’Avance sur Recettes reste un élément important du dispositif de soutien au cinéma français, il faut sans cesse veiller à ce que ses mécanismes ne soient atteints de sclérose.
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