Je vous propose aujourd'hui de développer les autres couches nécessaires pour donner de la profondeur et faire de votre personnage principal un vrai protagoniste de fiction, original et emblématique.
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Nous avons parlé de l’archétype comme de la première grande couche à appliquer sur votre personnage principal, je vous propose aujourd’hui de développer les autres couches nécessaires pour donner de la profondeur et faire de votre personnage principal un vrai protagoniste de fiction, original et emblématique.
Construire vos protagonistes avec des traits de caractère secondaires
- Établir des traits secondaires en cohérence avec vos intrigues
- Dans une logique de remplissage comme dans un coloriage, si l’archétype vous a donné les traits en noir et blanc de votre personnage, vous pouvez aller plus loin en lui mettant de la couleur. Pour cela, vous devez choisir des caractéristiques secondaires qui vont définir finalement la personne que vous allez mettre en scène et à laquelle le public s’identifiera. Ces traits doivent être compatibles avec les enjeux principaux de votre personnage ainsi que les qualités qu’il lui faudra pour mener à bien son intrigue
- Attention : n’oubliez pas de lui donner un objectif réifié clair corrélé à des enjeux forts sous peine de ne pas remplir totalement votre contrat avec votre spectateur ! (cf. savoir comment trouver un concept fort)
- De même, pour que ces quelques traits pertinents supplémentaires servent à votre histoire, il vous faudra veiller à les exploiter dans des scènes dédiées qui remettent en question votre personnage sur ces qualités précises ou qui lui permettent de les dépasser (comme avec les phobies par exemple).
- Par exemple, si vous écrivez une série policière (cf. le cours qui vous aidera à maîtriser le genre policier) avec un personnage de flic qui enquête sur un crime odieux, vous pouvez choisir un archétype de héros en lui adjoignant une couleur secondaire de style incorruptible et impitoyable. Toutes les scènes où vous mettrez en scène votre personnage devront donc reprendre cette caractérisation pour la mettre en valeur.
- Dans une logique de remplissage comme dans un coloriage, si l’archétype vous a donné les traits en noir et blanc de votre personnage, vous pouvez aller plus loin en lui mettant de la couleur. Pour cela, vous devez choisir des caractéristiques secondaires qui vont définir finalement la personne que vous allez mettre en scène et à laquelle le public s’identifiera. Ces traits doivent être compatibles avec les enjeux principaux de votre personnage ainsi que les qualités qu’il lui faudra pour mener à bien son intrigue
- Construire vos scènes clés avec les caractéristiques de votre protagoniste
- L’erreur de débutant est de faire entrer l’archétype en opposition avec les traits secondaires. Votre flic ne pourra pas être compétent et manquer de confiance ; s’il est impitoyable, il ne sera pas indécis ; s’il est mondain et homme de réseau ; vous ne le mettrez pas en scène dans un comportement casanier ; s’il est courageux, il n’aura pas peur d’une araignée, etc.
- Cela paraît évident, et pourtant, il est si facile de perdre en route son archétype. L’une des façons les plus utiles pour éviter cet écueil est de se servir des traits de caractère de votre protagoniste pour structurer directement vos scènes. Ainsi, il est souvent conseillé de mettre en valeur l’archétype de votre protagoniste dans le « 1 » de votre 1-2-3 (cf. la masterclass pour apprendre le 1 du 1-2-3, c’est-à-dire, comment écrire un concept d’unitaire ou de série). Puis au fur et à mesure du développement de votre histoire, vous pourrez utiliser des traits secondaires de caractérisation pour façonner une image peut-être plus en nuance de votre personnage.
- Dès lors, dans chaque scène vous devrez constamment vous demander : « Est-ce quelque chose que mon personnage ferait, compte tenu de son archétype principal ? La scène est-elle cohérente avec ses traits secondaires ? Si non, envisagez de la réécrire pour la rendre fidèle à votre caractérisation.
- Contraster l’archétype avec vos traits de caractérisation secondaires
- Une des exceptions à la règle précédente est d’utiliser le contraste ou l’opposition pour densifier votre protagoniste. Plus vous développez un personnage complexe avec des traits de caractère secondaires forts, plus vous pourrez jouer avec des contrastes intéressants pour votre spectateur. En effet, si vous faites un contraste entre l’archétype et les traits secondaires, vous pourrez « humaniser » en quelques sortes votre personnage. Par exemple, si nous reprenons notre personnage de flic incorruptible et impitoyable, vous pouvez lui donner une faiblesse, une sorte de talon d’Achille qui nous permette de le voir d’une façon moins monolithique, plus humaine. C’est le cas dans certains films noirs où l’homme viril est manipulé par une femme fatale ? Est-ce qu’un enfant qui s’engage sur la trajectoire de la balle destinée au criminel qu’il poursuit sans relâche peut lui faire faire une pause dans son jusqu’au-boutisme ?
- C’est l’exception à la règle qui veut qu’archétypes et traits secondaires se complètent. Ici, choisir des traits contrastés avec l’archétype permet de mettre en valeur votre protagoniste dans des situations particulières. Ces scènes doivent alors être utilisées avec parcimonie car votre personnage principal devra toujours avoir une logique interne. Vous devrez ainsi être vigilant aux deux écueils inhérents à cette technique :
- Si vous multipliez les traits secondaires opposés sans cohérence avec l’archétype, vous risquez de perdre votre caractérisation principale (le public ne sait plus à qui il a affaire). Un seul grand contraste vaut mieux que plusieurs petits. La subtilité en scénario ne s’obtient pas de cette manière.
- Attention aussi à vous concentrer sur les traits secondaires sans avoir affirmé au préalable l’archétype de départ. Vous péchez ainsi par excès de zèle. N’oubliez pas que la caractérisation principale tient uniquement sur l’archétype. Si vous réussissez moins bien à le mettre en scène que vos traits secondaires, vous risquez là aussi de perdre l’adhésion du spectateur. Vous devez toujours établir fermement votre archétype au départ avant de vous lancer dans une caractérisation de traits secondaires. Mieux vaut un archétype fort et bien utilisé que des traits secondaires, certes intéressants, qui ne révéleront que des facettes de votre personnage mais ne nous permettront pas de le cerner dans sa globalité.
- Injecter vos éléments de caractérisation avec subtilité
- Tout auteur a envie de créer des personnages multidimensionnels et complexes. C’est la raison pour laquelle chacun d’entre nous se retrouve souvent avec une quantité d’informations non négligeables sur ses personnages principaux, surtout lorsque l’on sait qu’il faut parfois plusieurs années pour développer un projet audiovisuel ou littéraire quel qu’il soit. Pour vous en rendre compte, il vous suffit de faire une liste qui contient outre l’archétype, tous les autres éléments de caractérisation importants que vous avez réunis comme un collectionneur, vous y trouverez ainsi :
- sa backstory (ou histoire personnelle de votre protagoniste, son enfance et tous les événements qui lui sont arrivés et qui l’ont conduit jusqu’au moment où vous commencez votre récit) ;
- son ghost (événement traumatique du passé qui vient hanter votre protagoniste tout au long de son parcours et qu’il doit apprendre à surmonter) ;
- sa faille (un de ses comportements négatifs qui blesse les autres ou lui-même et auquel il se confronte en général au climax de l’intrigue) ;
- les éléments de sa vie professionnelle ;
- ses craintes, ses espoirs, etc. ;
- ses idiosyncrasies ;
- ses particularités ou attributs physiques (taille, poids, couleur des cheveux, style, etc.) ;
- ses points forts et faiblesses ;
- etc.
- Bien évidemment, vous ne pouvez pas utiliser tout cela, tel quel, dans votre histoire, car l’une des règles en scénario est de faire passer ces informations de la façon la plus subtile et originale possible. Nous reconnaissons ainsi les débutants à leur façon prosaïque de jeter ces informations de base dans des dialogues lourds qui paraphrasent la plupart du temps le chapitre qu’ils ont consacré à leurs personnages dans leur bible de projet. (cf. un exemple de présentation d’une bible de série).
- Pour être sûr de bien retransmettre toutes les caractéristiques de votre protagoniste sans alourdir votre narration, une des techniques les plus efficaces est ce que les Américains appellent le SHOW DON’T TELL, c.-à-d. une façon de mettre en scène votre protagoniste directement dans l’action. Cela vous évitera de le rendre passif et surtout, cela vous permettra de faire passer tout un tas d’informations de façon efficace sans ralentir votre récit. Votre protagoniste n’aura ainsi donc pas besoin de les commenter.
- Une autre technique consiste à laisser aux autres personnages de votre récit le soin de caractériser votre protagoniste : confidents, alliés, antagonistes, etc. Tous vos personnages secondaires n’auront d’intérêts pour votre histoire que s’ils contribuent à résoudre ou à empêcher de résoudre le problème de votre protagoniste. Vous pourrez en parallèle leur construire des lignes narratives propres éventuellement, mais il ne faudra jamais qu’ils perdent de vue leur interaction avec votre protagoniste et la façon la plus facile de le faire est de créer du conflit entre eux, d’où la technique de caractérisation dite à quatre coins (cf. notre pack formation socle) que nous vous enseignons grâce à notre pédagogie agile.
- Tout auteur a envie de créer des personnages multidimensionnels et complexes. C’est la raison pour laquelle chacun d’entre nous se retrouve souvent avec une quantité d’informations non négligeables sur ses personnages principaux, surtout lorsque l’on sait qu’il faut parfois plusieurs années pour développer un projet audiovisuel ou littéraire quel qu’il soit. Pour vous en rendre compte, il vous suffit de faire une liste qui contient outre l’archétype, tous les autres éléments de caractérisation importants que vous avez réunis comme un collectionneur, vous y trouverez ainsi :
Que retenir ?
Qu’on écrive un roman, une série, un film, le protagoniste est souvent le pilier de tous nos projets d’écriture. Il nous prend ainsi parfois beaucoup de temps pour développer un personnage qui ait une trajectoire, une faille ou un ghost à surmonter qui soient intéressants pour le spectateur mais aussi un objectif à atteindre, des enjeux corrélés et des obstacles à affronter. Mais c’est grâce à ce choix final qui permet de savoir si votre protagoniste a atteint son objectif et réussi à surmonter son problème que vous réussirez à le rendre intéressant.
S’il est important que l’auteur sache tout ou presque sur ses personnages : de ses habitudes alimentaires ou ses qualités de flics par exemple, en passant par ses diverses aptitudes ou au contraire ses phobies et autres faiblesses, il est indispensable aussi de pouvoir faire un tri et de ne présenter au spectateur que ce qui est vraiment utile pour l’histoire.
Cette capacité à ne montrer que l’indispensable tout en suggérant le reste fera la différence entre les personnages identifiants et emblématiques et les autres, entre les auteurs professionnels et les amateurs.
La suite dans le billet : construisez l’antihéros idéal en 10 leçons.
Anonyme
Bonjour,
je rame depuis le début d'un projet de long sur la distinction entre le personnage principal et le protagoniste. Dans mon récit le personnage entre en contact très rapidement avec l'archétype d'un mentor, qui prend le contrôle sur sa vie, sous prétexte de l'aider (non, ce n'est pas un remake de "Harry"!). L'ensemble du scénario développe leur lien ambigüe, la difficulté vient de la passivité du personnage principal face aux actions déterminantes du mentor qui devient l'antagoniste. Qui est le protagoniste?
Les deux vivent du conflit, les deux évoluent significativement jusqu'au climax, la symphatie allant plus vers le "mauvais" mentor que vers le personnage principal jusqu'au climax médiant.
Il est bien possible que ce soit là une question assez simple, mais je tourne vraiment autour depuis queques temps, et ça remet en cause mon point de vue même sur l'histoire. Une petite suggestion?
Fabrice O.
Bonjour Anonyme !
Le protagoniste c'est celui qui souffre le plus, c'est celui qui a une quête. Et c'est cette quête qui va lui permettre ou non de résoudre ses problèmes, sa souffrance. Le protagoniste est pro actif puisqu'il a une quête à mener. Il faut faire un choix entre le mentor et son élève, à savoir qui est le protagoniste et qui est l'antagoniste.
High concept
@Anon : vous pouvez suivre le conseil de Fabrice O. pour cette précision tout à fait pertinente :-). Merci Fabrice. En effet, le protagoniste est celui à qui vous donnez un objectif suite au déclencheur (cf. le « 1 » du 1-2-3). Le film sera fini quand cet objectif sera atteint. Pour vous aider à choisir, demandez-vous ainsi quand vous pensez que votre histoire est terminée et pourquoi. Vous trouverez ainsi surement qui est votre protagoniste. Simple, non ?
Anonyme
Merci pour vos réponses, et effectivement, avec le questionnement que vous proposez, Julie, c'est simple, mon antagoniste de base devient logiquement le protagoniste puisqu'il arrive au bout de son objectif clairement… néanmoins le personnage principal, même s'il est passif, arrive lui aussi à un aboutissement, moins bien défini…
Mon problème vient du choix de base, c'est clair!
Il est possible que mon histoire comporte finalement 2 protagonistes…
Bref, je retourne à mes cogitations et arrête de polluer cette page! merci de votre patience!
Fabrice O.
Un détail me turlupine. La caractérisation est-elle la partie émergé de l'iceberg ou l'inverse ?
Ou les deux en même temps ?!
Pierre-Antoine Favre
McKee parle par exemple de caractérisation (les traits extérieurs du personnages, son apparence physique) par opposition au "caractère vrai" (selon son expression, la personnalité profonde), révélé par les choix du personnage face aux dilemmes auxquels il est confronté.
Sinon, l'usage du mot "caractérisation" indistinctement pour la partie émergée et pour la partie immergée de l'iceberg est fréquent, mais ce qui contraint parfois à préciser de quoi l'on parle (apparence ou personnalité ?).
Pour cette raison, j'aime bien les termes "caractérisation" (partie émergée) d'un côté et "caractère" (partie immergée) de l'autre. Mais c'est personnel, chacun sa terminologie naturellement.
High concept
@Fabrice O. et Pierre-Antoine : l'essentiel est en effet de savoir de quoi l'on parle. L'idée est ici de proposer une terminologie commune en parlant d'archétype (caractérisation de base) et de traits secondaires de caractérisation pour tout le reste, comme si nous pouvions reconnaître dans la rue nos personnages si on les croisait…
Fabrice O.
Merci Julie, merci Pierre-Antoine. 🙂