Baisse des recettes publicitaires, toutes chaînes confondues, baisse des audiences, multiplication de la concurrence, nos chaînes nationales semblent filer un mauvais coton. J’étais optimiste en notant la bonne performance relative des fictions de TF1 qui reprenaient du poil de la bête.
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Baisse des recettes publicitaires, toutes chaînes confondues, baisse des audiences, multiplication de la concurrence, nos chaînes nationales semblent filer un mauvais coton. J’étais optimiste lors de mon dernier billet sur la fin de la crise de la fiction française en notant la bonne performance relative des fictions de TF1 qui reprenaient du poil de la bête… mais c’était sans compter l’effondrement de celles du groupe FTV, qui garantit pourtant les deux tiers de la production nationale.
En effet, l’avenir s’annonce sombre quand ont sait que le groupe a annoncé être en retard de 35 millions d’euros sur les recettes publicitaires attendues de cette année. Ses finances restent en effet tendues : le budget a déjà été raboté de 17 millions, le marché publicitaire est orienté à la baisse, de même que les audiences de l’après-midi, sans compter le fléchissement du rendement de la redevance, et Bruxelles menace de ne pas avaliser le versement par les opérateurs de téléphonie mobile d’environ 0,9 % de leur chiffre d’affaires (règle imposée par la loi sur l’audiovisuel public de 2009 pour financer le manque à gagner lié à la suppression de la publicité après 20 heures, sur un montant estimé de 210 millions d’euros par an).
Bref, il semble qu’il manque à notre TV publique quelques 200 à 300 millions d’euros. Quel est donc l’impact sur nous, scénaristes ? Car, même si le montant total des productions de fiction de FTV a augmenté de 16% entre 2010 et 2011 et que la progression se poursuit en 2012, c’est le montant global qui augmente, pas le nombre de fictions. L’augmentation des coûts de production et la cherté de certains programmes commandés par le passé, notamment historiques, ne profitent pas aux scénaristes. Ainsi, sur les 280 millions d’euros de budget alloué à la fiction cette année (un record), peu de commandes sont pourtant à prévoir car le panier est déjà bien garni, beaucoup de séries sont déjà en développement et la chaîne court toutjours après ses millions manquants.
Le mot d’ordre est donc : RIGUEUR.
D’ailleurs, cela s’en ressent sur la politique éditoriale du groupe. Je ne résiste pas à vous faire un petit résumé de ce que le groupe attend comme propositions cette année (même si tout est déjà dit sur le site internet du groupe).
- Sur France 2, 2 cases de prime time principales. La première est une case policière qui cible un public jeune de quadras car pour rappel la moyenne d’âge des téléspectateurs de la chaîne est de 61 ans. Série longue bouclée en 52′, mini-série en 52′ ou unitaires de 90′, la Direction de la fiction de France 2 attend surtout des low concepts tenus par des personnages censés retenir le téléspectateur (Antigone 34 en est l’archétype, on a vu ce que cela a donné).
Nouveauté cette année, les personnages peuvent être caractériels, moins lisses, ou transgressifs comme Caïn, une nouvelle fiction qui sera diffusée en septembre et qui présente un commissaire en chaise roulante, pas sympa mais qui est sauvé par son humour noir (un Dr. House en somme).L’autre case est dédiée à la comédie (tous genres : comédie sociale, sentimentale, dramatique…) sur des enjeux modernes de sociétés, type familles recomposées (cf. La smala s’en mêle), ou provenant de l’exploration d’univers ou d’institutions (école, monde du travail…) qui se prêtent à la mise en scène d’une diversité de personnages.
On pense à Fais pas ci, fais pas ca, ou encore Les hommes de l’ombre.
Des formats de 26’ pourront être commandés au sein de soirées comédies ainsi que des unitaires ou mini-séries sur des grands sujets de société. En outre, France 2 prévoit de faire des coproductions internationales et un feuilleton d’été qui ciblera un public familial en 10X52’. Conclusion : sur ce programme alléchant, une douzaine de projets sont déjà en développement. Quelques places restent à prendre en septembre. - Sur France 3, quatre thématiques émergent pour 4 cases de prime time autour d’une ambition : divertir, émouvoir, instruire et surprendre.
Pour rappel, la moyenne d’âge des téléspecateurs de la chaîne est de 62 ans. Une case dédiée à l’histoire avec des séries ou des unitaires. L’exemple cité sur le site est celui d’Un village français, qui sert de locomotive. Pour cette case, le programme est déjà complet pour 2013, inutile donc de chercher à faire de l’historique, plus vraiment à la mode d’ailleurs vu le coût de ce type de programme.Une case dédiée à l’énigme : du policier à la sauce sociale concentré sur les travers humains, type jalousie, mensonge et manipulations. L’exemple type est Enquête réservée. Une troisième case pour la famille, abordée sous plusieurs modalités, type traditionnelles vs modernes, transgénérationnelles, bref, mais qui se passera surtout en province… comme d’habitude, cf. Famille d’accueil. Enfin, une dernière case consacrée à la passion, spéciale dédicace pour le public féminin, type La nouvelle Maud. Résultat : sur la centaine de soirées de fiction prévues par an, partagées moitié-moitié entre unitaires et séries, une demie douzaine de séries sont actuellement en développement. La direction de France 3 cherchera le reste à pourvoir à partir de septembre.
- Sur France 4, France 5, France Ô, la fiction y aura une place très réduite.
Le site du groupe FTV ne les mentionne même pas sur la partie Fiction, quelques formats courts par ci par là, mais rien de vraiment important. Les flamboyants continuent leur saga sur France Ô, mais pas d’autres commandes prévues pour cette année.
Sur France 4, contrairement à la volonté d’Emmanuelle Guilbart d’initier une vraie politique fiction sur le modèle des chaînes de la TNT, rien ne semble avoir abouti. L’ensemble de ces chaînes se réserve pour le documentaire.
- Enfin, sur ARTE qui fait partie du pôle des chaînes publiques (détenue à 45% par FTV), malgré une ligne éditoriale innovante, les commandes sont déjà saturées. La chaîne mise sur quelques séries phare à venir comme Odysseus, une épopée mythologique retraçant le destin de Télémaque resté sur l’île d’Ithaque pour défendre le trône de son père,
ou encore Ainsi, soient-ils, une série événement qui met en scène le parcours de cinq jeunes séminaristes, candidats à la prêtrise, dirigé par le charismatique père Fromanger. Mais pour 2012 et 2013, le carnet de commande est plein. Il ne reste plus que quelques cases pour éventuellement des 3×52′ sur des enjeux sociétaux forts ou des univers à découvrir. Bref, vous l’aurez compris, ce n’est pas à Arte qu’il faudra envoyer vos projets à la rentrée.
L’avenir s’annonce donc morose pour les scénaristes, j’en ai bien l’impression. Peu de places, peu d’innovation, mais dans notre malheur, une lueur d’espoir, avec des audiences en baisse, et leurs obligations de production, les chaînes du groupe public seront obligées de réagir, et de tenter le pari de l’innovation car il n’y aura plus rien à perdre pour elles.
Pour vous exercer à trouver des high concepts, n’hésitez pas à vous reporter au chapitre dédié et à commencer par le cours sur le high concept, voie royale pour vendre un scénario.
Qu’en pensez-vous ?
Fabrice O.
Des fois je me demande ce que foutent les mecs du marketing de ces chaînes. Ils jouent au ping-pong sur WII ou bien ?!! A se demander s'ils connaissent des termes comme la segmentation. Certains programmes de qualités nous venant des USA et qui ne sont pas destinés à un large public passent en deuxième partie de soirées. Les gens du marketing font des études pour cibler les différents types de public, par rapport aux cases horaires.
En France on a l'impression qu'il n y a que le ménagère qui regardent la télé. Et qu'a 22:30 elle est toujours devant sa télé et qu'elle veut encore se mater des gentilles fictions qui la confortent que tout va bien dans le meilleur des mondes.
Je regarderais un peu plus la téloche si on me proposait autre chose que des low concepts, et des inepties. Mais là c'est pas gagné. Je n'ai pas l'impression que les pontes de FTV aient compris quoique ce soit à ce qui se passe en ce moment.
Avant de regarder un programme télé je dis ou je pense "Qu'est-ce qu'il y a d'intéressant à ne pas regarder à la télé ce soir ?" Je crois que je vais continuer à le penser.
Tony
Merci pour ces informations, ça confirme effectivement la politique déjà mise en place par France TV et qui connait plus ou moins de réussites (beaucoup plus d'échecs que de réussites objectivement). A mon avis, ils devraient miser encore plus sur les comédies en y allant franchement dans le genre (comme Fais pas ci,..) et oublier les comédies dramatiques mal équilibrées comme Des soucis et des hommes et Clash (qui sont au final des échecs d'audience).
Comédies en 26 minutes ? J'ai cru rêver en lisant ça, tellement le format est boudé en France et c'est selon moi une belle erreur car c'est ce format qui permettrait plus d'audace sur le genre comédie à l'instar de ce que font les américains
On verra si ce ne sont encore que des belles paroles, je suis sceptique
Ce que je trouve sidérant par contre est l'absence de production sur France 4 alors que cette chaine pourrait vraiment servir de laboratoire d'expérience pour des séries originales à l'instar des productions étrangères qu'ils ont diffusés récemment comme Dr Who, bref c'est la grosse déception d'apprendre ça
Enfin, concernant Arte, c'est vraiment dommage qu'elle n'ait pas pu continuer son élan de 2011 où elle avait proposé 3 séries originales (mais toutes stoppées définitivement) sur un année. C'est donc un gros pas en arrière où on passe à une série par an.
Je serais maintenant très curieux de savoir si il y aura par contre un signe d'espoir venant des chaines TNT. Je sais que NRJ 12 commence à se bouger pas mal, on avait parlé de la série Dream with me en 100×26 minutes pour la rentrée et j'ai eu des échos d'une série policière en 52 minutes.
Si vous avez plus d'infos sur les chaines TNT, ça nous intéresse Julie, donnez-nous un peu d'espoir 😉