Comme vous le savez, la théorie ne suffit pas toujours en scénario, seule la pratique nous permet de nous améliorer. Combien de fois me suis-je dit à la lecture de certains projets : quel dommage, si seulement l’auteur avait choisi telle stratégie plutôt que celle-ci, ou si seulement il avait commencé comme ça plutôt que comme-ci… […].
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Comme vous le savez, la théorie ne suffit pas toujours en scénario, seule la pratique nous permet de nous améliorer. Combien de fois me suis-je dit à la lecture de certains projets : quel dommage, si seulement l’auteur avait choisi telle stratégie plutôt que celle-ci, ou si seulement il avait commencé comme ça plutôt que comme-ci…
En effet, il n’y a rien de pire que de lire un scénario qui nous ennuie, pourtant malgré tous nos efforts et notre bonne volonté, nous tombons encore parfois dans les panneaux les plus évidents. Pourquoi ? Parce qu’en scénario, la difficulté la plus importante est de savoir prendre du recul. Voici quelques conseils pour vous aider à le faire…
- Travailler toujours en amont sa mécanique conceptuelle avant de se jeter dans l’écriture : Personne n’est obligé de trouver un high concept pour écrire une bonne histoire, néanmoins, plus un concept est original, fort et structurant, plus nous avons de la facilité à l’écrire. Cela paraît évident et pourtant, beaucoup de projets sont mauvais en soi, car le concept qui tient l’histoire, est mauvais. Soit l’idée n’est pas intéressante (mais c’est quand même la base pour tout scénariste de rendre n’importe quelle situation intéressante), soit le plus souvent le concept est bancal. Il manque un ou tous les éléments essentiels d’une bonne histoire : un personnage attachant, un déclencheur efficace, un objectif clair et réifié, un ou des enjeux majeurs, un antagoniste fort, un plan, une tâche originale et durable et un climax surprenant aboutissant à une fin satisfaisante pour le spectateur. Vous l’avez compris, c’est la première et plus grosse difficulté. Plus l’auteur aura travaillé les différents éléments de son concept, plus il aura de chances d’être convainquant tout en ayant un guide fiable sur la durée de son écriture.
Retrouvez nos techniques de brainstorming pour trouver rapidement des high concepts.
- Inclure un 1-2-3 dans toutes nos scènes ou séquences : Bien évidemment, chaque histoire contient en soit une structure ternaire (peu importe votre nombre d’actes), ce que nous appelons dans le vocabulaire de ce blog, un 1-2-3 (cf. les différents pack high concept disponibles sur notre blog pour acquérir cette technique que ce soit pour un long-métrage ou plus spécifiquement pour une série TV). C’est la façon universelle de concevoir une histoire avec un début, un milieu et une fin. L’important ici est de pouvoir importer cette structure de construction dans toutes les subdivisions de son histoire. Cela nous permet d’une part d’éviter de nous répéter et d’autre part, de construire une structure de scène originale en soi, sans nous jeter dans un déroulé trop cliché ou trop évident.
L’erreur la plus commune observée est d’enchainer des scènes qui veulent dire exactement la même chose et par conséquent qui ne font pas avancer le récit. Plus l’auteur sera ramassé, plus son histoire avancera vite, plus il nous divertira. Si nous n’avons pas assez de rebondissements, c’est qu’il nous faut repartir au point numéro 1 : travailler le concept.
- Faire de son personnage principal un protagoniste : Une des erreurs les plus fréquentes rencontrée est de devoir suivre un personnage qui n’est pas un protagoniste. La différence est importante. Ce n’est pas parce qu’un personnage est présent dans toutes les scènes qu’il est un protagoniste. Pour qu’il le devienne, nous devons savoir qui il est, mais surtout comprendre en quoi sa vie est bouleversée par son déclencheur et quel objectif il va poursuivre pour rétablir son équilibre précédent. Ce n’est pas parce que nous sommes dans un film d’action qu’il faut se dispenser de lui donner une âme, de même, ce n’est pas parce que nous sommes dans un Drama que nous pouvons nous dispenser de lui trouver un objectif réifié (c’est-à-dire concret).
L’une des façons de travailler son protagoniste est de réfléchir à sa faille et de le construire en opposition avec les autres personnages. Vous pouvez travailler cet exercice et améliorer la construction de votre protagoniste avec la technique de l’opposition dite à quatre coins. Plus le protagoniste nous touchera, plus nous aurons envie de le suivre.
- Rendre son protagoniste attachant : Souvent, seules des descriptions physiques sont accolées à un nom pour décrire un personnage, mais les éléments fondamentaux de la caractérisation dramatique sont manquants. Combien de Pierre, Paul, Jacques dans la trentaine avec un polo vert ou rouge peuplent nos scénarios ? C’est l’une des erreurs majeures qu’il est le plus facile à corriger pourtant. Nous allons suivre un personnage pendant tout un film, il faut donc lui donner des spécificités (je ne parle pas ici de son âge, de son allure ou encore de son livre préféré, enfin pas seulement), c’est-à-dire les éléments pertinents de caractérisation qui vont nous permettre de nous dire : oui, je vois très bien le genre de type ou de femme. Si je croise ce personnage dans la rue, je saurai le reconnaître. Ainsi notre description ne peut se contenter d’être superficielle ou vague. Il faut que nous ayons en tête une particularité, un comportement type et des détails intéressants.
L’une des façons de rendre son protagoniste attachant ou intéressant est de réfléchir à une caractérisation type en nous servant d’archétypes. Vous pouvez travailler cet exercice et améliorer ainsi grandement l’originalité de votre personnage en vous servant des archétypes comiques par exemple si vous êtes dans une comédie. Tous les genres possèdent plus ou moins un ou plusieurs archétypes. À vous de vous en servir pour créer un protagoniste identifiant tout en lui donnant des spécificités propres qui nous permettront à la fois de comprendre son genre général tout en appréciant son originalité. Autre astuce : évitez les noms de personnages trop communs. Si vous appelez votre personnage Dimitrius, nous aurons plus de facilité à le retenir que s’il se prénomme Pierre, Olivier, Stéphane, Matthieu. Il est aussi important que l’ensemble des prénoms ou noms de vos personnages soient choisis sur des tonalités différentes. Travailler l’onomastique vous permettra en plus de trouver des éléments de caractérisation auxquels vous n’auriez pas forcément pensé. L’important est que votre ensemble soit équilibré : Dimitrius, Pierre et Lili vaudront mieux que Stéphane, Pierre et Virginie.
- Ne pas confondre tâche et rebondissement : Un rebondissement est un événement inattendu qui va conduire notre protagoniste à modifier son plan pour atteindre son objectif, mais il gardera la même tâche. Quand nous choisissons de faire faire des poursuites en voiture à notre protagoniste, ce ne sera sa tâche que s’il est un conducteur de voiture, spécialisé dans l’évitement de barrages de police (cf. Drive). Plus précisément, dans Drive, la tâche du personnage est d’utiliser son sang froid et ses talents de cascadeur trompe-la-mort pour lutter contre des malfrats. Les rebondissements ou actions de nos personnages pourront inclure une poursuite en voiture, mais ce ne sera une tâche intéressante que si cela caractérise notre protagoniste et plus généralement notre projet. Un rebondissement ne fonctionne que parce qu’il est un élément perturbateur dans le plan du héros et en général, parce qu’il fait monter ses enjeux en l’éloignant de son objectif. Si nous n’avons pas installé une tâche originale, nous n’aurons qu’une impression d’action sans fin.
Si vous ne connaissez pas la notion de tâche, cliquez ici pour apprendre la technique qui permet au scénariste de structurer sans effort 80% du récit. Plus la tâche sera originale, plus nous aurons des facilités à construire notre structure, plus nous divertirons notre spectateur.
Bien sûr, toutes les erreurs listées sur cette page ne sont pas rédhibitoires en soi, mais j’espère que les avoir repérées et identifiées nous aideront à écrire des scénarios plus efficaces.
N’hésitez pas, d’ores et déjà, à partager avec nous vos commentaires sur cette première salve.
Notre cycle réécriture continue au billet suivant : Apprenez à vous servir de la structure pour réécrire votre scénarios.
Nils Calasanzio
Merci Julie pour ce billet : je dois avouer que cela m'a immédiatement permis d'identifier quelques défauts bien évidents de mon tout dernier synopsis.
Parfois on peut effectivement se convaincre d'avoir fait du bon travail et tout notre récit peut nous sembler cohérent alors qu'en prenant du recul et ayant la force de se critiquer on peut dénicher des défauts (qui peuvent paraitre assez évidents!).
Après faut savoir ne pas trop s'abattre, et pas se démoraliser mais plutôt recommencer de la case de départ. Admettre que quelque chose cloche et qu'il faut recommencer n'est pas forcément une défaite. L'important est plutôt d'arriver, tôt ou tard (!) à trouver cette bonne vision d'ensemble du projet : trouver une certaine cohérence et un équilibre.
Voilà l'importance du temps : avoir le courage d'attendre et de laisser mûrir une idée et un projet, l'écrire et ré-écrire plusieurs fois si nécessaire pour arriver enfin à lui donner une certaine solidité.
Pour ma part, j'admets avoir sous-estimé cet aspect, mais grâce à cette liste de conseils je vais essayer de corriger le tir et donc de ré-écrire… tout en gardant l'optimisme, et surtout sans me presser 🙂
Savoir attendre et re-travailler notre projet, c'est tellement simple mais tellement important, et on risque souvent de l'oublier quand on a hate de voir nos premiers résultats. Rien qu'avoir notre 1-2-3 couché sur papier pour la première fois nous semble un accomplissement alors que c'est dans la plus part des cas qu'une étape infime dans la définition du synopsis final..
High concept
@Nils : tout à fait. Le premier jet est une vraie victoire et sa réécriture, le vrai travail du scénariste. Comme vous l'avez compris, le 1-2-3 est certes la base, mais c'est en le travaillant (et notamment dans toutes vos séquences) que vous serez le plus efficace. J'ai pu travailler personnellement sur certains de mes 1-2-3 pendant plus d'un an avant d'écrire quoi que ce soit… Certes, parfois cet effort est vraiment frustrant quand on a envie de jeter sur le papier ce qui nous hante pendant des mois, mais tellement plus rémunérateur ! Ne vous démoralisez surtout pas, tous les efforts payent : pensez qu'en moyenne, un film américain peut être réécrit une vingtaine ou une trentaine de fois et je parle de continuites dialoguées ! A très bientôt et merci pour vos commentaires toujours pertinents. Julie